L’insuffisance rénale chronique est un problème de santé publique majeur dans le monde. Les reins, qui jouent un rôle essentiel dans l’élimination des déchets du corps, se détériorent et s’affaiblissent avec l’âge et sous l’influence de pathologies telles que le diabète ou l’hypertension artérielle. Cette défaillance fonctionnelle entraîne une insuffisance rénale chronique, où les reins ne peuvent plus assurer leur fonction épuratrice. À ce jour, la dialyse ou la transplantation rénale sont les seules solutions proposées par la médecine. Cependant, elles sont très invasives pour les patients et ne permettent généralement pas de retrouver la totalité des fonctions rénales. Les patients atteints d’insuffisance rénale doivent donc suivre des régimes et des recommandations médicales très stricts tout au long de leur vie.
« On ne connaît pas de mécanisme de régénération cellulaire dans le rein, comme cela existe dans le foie », explique Marina Shkreli, chercheuse à l’INSERM, en France. Cependant, la médecine régénérative a récemment fait des découvertes prometteuses en matière de régénération des reins. Les chercheurs estiment qu’il pourrait être possible de renouveler les cellules rénales perdues pour rétablir les fonctions des reins.
Une récente étude menée par des chercheurs du National Heart Center de Singapour (NHCS) se penche sur l’implication de l’interleukine-11 (IL-11), une cytokine immunorégulatrice, dans la détérioration des fonctions rénales. Cette protéine est connue pour déclencher une cascade de processus inflammatoires liés à la présence de lésions dans les organes tels que le cœur, les poumons, le foie et les reins. Ces processus entraînent la formation de plaquettes cicatrisantes, qui engendrent des fibroses, qui à leur tour détériorent la fonction des organes.
« Nous avons découvert que l’IL-11 est préjudiciable à la fonction rénale et déclenche le développement d’une maladie rénale chronique », explique dans un communiqué Stuart Cook , chercheur clinicien et consultant principal auprès du Département de cardiologie du NHCS, et co-auteur principal de la nouvelle étude. Lorsque les cellules tubulaires rénales sont endommagées, elles libèrent en réponse de l’IL-11. Cette protéine constitue une cible potentiellement prometteuse pour stimuler la régénération des cellules rénales.
Les chercheurs ont testé leur hypothèse sur des souris chez lesquelles l’on a préalablement induit des symptômes d’insuffisance rénale. Quand les reins de ces dernières subissaient des dommages, les tubules rénaux sécrétaient excessivement de l’IL-11, qui déclenche une réponse inflammatoire et ralentit la croissance cellulaire.
Les chercheurs ont ensuite cherché à savoir ce qui se passerait lorsque la sécrétion de l’IL-11 était inhibée. Chez des souris génétiquement modifiées pour ne pas produire la protéine, les cellules rénales se sont régénérées à la suite de lésions, et la fibrose rénale a été inversée. Le même résultat a été observé en administrant un anticorps anti-IL-11 chez des souris. Les experts de l’étude ont montré qu’en stimulant la capacité intrinsèque des reins à s’autoréparer, leurs fonctions ont pu être retrouvées.
De plus, l’équipe de recherche a effectué des tests in vitro sur des cellules rénales humaines isolées, prélevées chez des personnes souffrant d’insuffisance rénale suite à un diabète. Après l’ajout de l’anticorps anti-IL-11, les cellules rénales ont à nouveau proliféré. Cette régénération pourrait, à l’échelle d’un rein, inverser le processus inflammatoire, la fibrose et restaurer la fonction organique. Les chercheurs estiment qu’il n’y aurait aucun danger à l’utilisation à long terme de l’anticorps.
Il est important de noter que les traitements actuels de l’insuffisance rénale chronique sont coûteux et nécessitent une prise en charge à vie, ce qui a un impact sur la qualité de vie des patients. Les résultats de cette étude ouvrent de nouvelles perspectives pour la médecine régénérative, qui pourrait offrir des traitements plus efficaces et moins invasifs pour les patients atteints d’insuffisance rénale chronique.
Cette découverte pourrait donc changer la donne dans le
traitement de cette maladie, qui est un problème majeur de santé
publique dans le monde entier. Selon Thomas Coffman, chercheur du
programme sur les troubles cardiovasculaires et métaboliques au
NHCS et co-auteur de l’étude, elle nous rapproche un peu plus des
avantages promis par la médecine régénérative. Cependant, davantage
de recherches seront nécessaires pour confirmer l’efficacité de
l’anticorps anti-IL-11 chez l’homme et évaluer son impact sur la
qualité de vie des patients atteints d’insuffisance rénale
chronique.