Une étude a montré que le phytoène, un caroténoïde présent dans les aliments tels que les carottes et les oranges, prolonge de 18,6 % la durée de vie et atténue les symptômes de « démence » chez les vers Caenorhabditis elegans. Le composé protégerait notamment les tissus des dommages oxydatifs et des plaques protéiniques toxiques caractéristiques d’Alzheimer. Ces résultats pourraient ouvrir la voie au développement d’une nouvelle gamme de compléments alimentaires favorisant le vieillissement en bonne santé.
Les caroténoïdes sont des pigments tétraterpéniques présents dans les fruits et les légumes oranges, jaunes ou rouges tels que les tomates, les carottes, les poivrons, les oranges, les abricots, etc. Ils sont également synthétisés par certaines microalgues ainsi que par des animaux tels que les saumons et les moules.
Mis à part la pigmentation, ils jouent un rôle essentiel dans les processus de développement des plantes, ainsi que dans leur résilience aux changements environnementaux. Ils capturent par exemple la lumière et jouent un rôle photoprotecteur. Ils interviennent également dans l’attraction des pollinisateurs et des disperseurs de graines. Pour les humains, il s’agit d’importants composés nutritionnels, jouant par exemple le rôle de précurseurs de la vitamine A.
Des études ont montré que ces composés possèdent de nombreuses propriétés bénéfiques pour la santé et réduisent le risque de développer un large éventail de pathologies, allant du cancer aux maladies cardiovasculaires, en passant par les affections cutanées et osseuses, les troubles oculaires et métaboliques ainsi que les maladies neurodégénératives. Ils sont donc largement explorés pour le développement de compléments alimentaires, de nutraceutiques et de produits cosmétiques.
Parmi ces composés figure le phytoène, dont l’apport quotidien par le biais des aliments est largement supérieur à celui des autres caroténoïdes. De précédentes recherches ont également montré qu’il possède une excellente biodisponibilité, en étant notamment détecté à des concentrations élevées au niveau du plasma et des tissus. Des études ont également suggéré qu’il possède des effets de protection anti-UV pour la peau.
Cependant, contrairement aux autres caroténoïdes, il est incolore et sa bioactivité dans notre organisme était jusqu’ici peu explorée. « On ignorait en grande partie si le phytoène a une bioactivité affectant la santé. De plus, on ne savait rien de son effet sur le vieillissement et les maladies liées à l’âge », explique l’équipe de la nouvelle étude dans son rapport, publié dans la revue Antioxydants.
Une augmentation de 18,6 % de la longévité
Les chercheurs de la nouvelle étude (de l’Université de Séville et de l’Université du Kent) ont évalué le potentiel de bioactivité du phytoène sur plusieurs marqueurs du vieillissement, y compris la protéotoxicité liée à la maladie d’Alzheimer et le stress oxydatif. Pour ce faire, ils ont sélectionné des vers C. elegans, des modèles largement utilisés en biomédecine.
Pour extraire le composé, ils ont sélectionné la Dunaliella bardawil et la Chlorella sorokiniana, des microalgues largement étudiées et commercialisées pour leur capacité à accumuler des caroténoïdes. Plus spécifiquement, les deux espèces peuvent accumuler des concentrations élevées de phytoène (entre 45 et 47 % de la teneur totale en caroténoïdes).
L’équipe a constaté que le phytoène induisait une résistance accrue au stress oxydatif et à la toxicité des plaques de protéines bêta-amyloïdes, caractéristiques d’Alzheimer. Plus précisément, la paralysie a été réduite de 37 %, de 40 % et de 43 % avec l’utilisation des extraits riches en phytoène produits par D. bardawil et C. sorokiniana et pour le phytoène pur, respectivement. L’accumulation toxique de la protéine bêta-amyloïde provoque une paralysie chez C. elegans, car elle se produit principalement au niveau des muscles de la paroi corporelle de l’animal.
Étant donné que la protéotoxicité et le stress oxydatif jouent tous deux un rôle central dans la progression du vieillissement, les experts ont supposé que le composé pourrait aussi améliorer la longévité. Pour étayer leur hypothèse, ils ont nourri les vers avec le phytoène extrait des microalgues et celui pur, à une concentration de 1 µg/mL. Alors que les lots témoins avaient une durée de vie moyenne de 16,4 jours, ceux ayant bénéficié des phytoènes extraits de C. sorokiniana et D. bardawil avaient des durées de vie de 17,7 et de 19,1 jours, respectivement — soit une augmentation de 10 % et 18,6 %. L’extrait pur a, quant à lui, permis une longévité de 18,6 jours, soit une augmentation de 15,5 %. « Nos résultats montrent pour la première fois dans ce modèle que le phytoène a une bioactivité et protège contre le vieillissement, et suggèrent que les microalgues contenant du phytoène peuvent être utilisées pour produire des aliments ou des suppléments qui favorisent un vieillissement sain », estiment les chercheurs. Toutefois, ces résultats sont encore préliminaires et des questions restent sans réponses, notamment en ce qui concerne les mécanismes exacts sous-tendant les effets bénéfiques du phytoène. Les experts prévoient de rechercher des financements afin de poursuivre leurs travaux dans ce sens.