Des astronomes ont repéré l’étoile la plus pure — c’est-à-dire présentant la plus faible métallicité jamais observée — dans le Grand Nuage de Magellan, une galaxie satellite de la Voie lactée. Elle se serait formée à partir du gaz issu de la supernova d’une étoile de la Population III, les premières étoiles apparues après le Big Bang. Sa découverte pourrait offrir de précieux indices sur les mécanismes de formation des premières étoiles et galaxies de l’Univers.
L’Univers était principalement composé de deux éléments après le Big Bang : l’hélium et l’hydrogène. Les éléments plus lourds — tels que les métaux comme le fer — se sont formés plus tard, au cœur des étoiles, par fusion nucléaire. Ces métaux ont ensuite été dispersés dans le cosmos à la fin de la vie de ces étoiles primitives, enrichissant le milieu interstellaire et donnant naissance aux générations suivantes d’étoiles.
Ainsi, plus les étoiles étaient anciennes, plus elles étaient pures et pauvres en métaux. Et bien que les étoiles actuelles soient encore majoritairement constituées d’hélium et d’hydrogène, elles contiennent désormais bien davantage d’éléments lourds. Autrement dit, la métallicité d’une étoile constitue un indicateur de son âge ou de la période de l’Univers à laquelle elle s’est formée.
Les premières étoiles nées après le Big Bang ont, pour la plupart, disparu depuis longtemps. Selon les modèles théoriques, avec pour seul combustible l’hydrogène et l’hélium, il aurait fallu des centaines de masses solaires pour déclencher la fusion nucléaire en leur cœur. Ces étoiles auraient donc grandi très rapidement avant de se transformer en supernovas.
Pour détecter la trace de ces étoiles primitives, les observations se concentrent généralement sur les galaxies lointaines, situées aux confins de l’Univers observable et caractérisées par une très faible métallicité. Une autre approche consiste à rechercher, dans notre voisinage galactique, des étoiles anciennes issues de la Population II, descendantes directes des premières étoiles (Population III) et de faible masse.
Si ces étoiles de la Population II étaient moins massives que le Soleil, elles auraient pu survivre jusqu’à nos jours. Une équipe de l’Université de Chicago pense avoir identifié l’une d’entre elles dans le Grand Nuage de Magellan. « Les premières étoiles se sont formées à partir de gaz vierge, ce qui les a rendues si massives qu’aucune n’aurait survécu jusqu’à aujourd’hui », expliquent les chercheurs dans leur étude publiée sur la plateforme arXiv.
« Si leurs descendantes directes étaient des étoiles de masse suffisamment faible, elles pourraient exister aujourd’hui et seraient reconnaissables à leur plus faible métallicité (abondance d’éléments plus lourds que l’hélium) », ajoutent-ils.

Une métallicité dix fois inférieure à celle des galaxies les plus anciennes
L’étoile repérée par l’équipe, une géante rouge nommée SDSS J0715-7334, présente une métallicité si faible qu’elle est dix fois inférieure à celle des galaxies les plus anciennes connues, récemment détectées par le télescope spatial James Webb (JWST). Les analyses spectrales et chimiques indiquent qu’elle possède une métallicité totale inférieure à 7,8 × 10-7. À titre de comparaison, le précédent record — une vieille étoile de la Voie lactée — affichait une métallicité d’environ 1,4 × 10-6.
« Cette étoile est environ deux fois plus pauvre en métaux que le précédent détenteur du record, J1029+1729. Elle est plus de dix fois plus pauvre en métaux que l’étoile la plus pauvre en fer connue, SMSS J0313-6708 », précisent les chercheurs. « Cette étoile possède la composition la plus pure de tous les objets connus dans l’Univers », ajoutent-ils.
Le profil chimique de SDSS J0715-7334 suggère qu’elle s’est formée à partir des débris et du gaz issus de la supernova d’une étoile de la Population III, dont la masse aurait été environ 30 fois supérieure à celle du Soleil. Sa composition offre également un aperçu des mécanismes de refroidissement à l’œuvre dans les premières générations stellaires : elle constitue notamment la deuxième étoile identifiée en dessous du « seuil de refroidissement de structure fine ».



Ce seuil désigne la manière dont certains nuages de gaz protostellaires se refroidissent plus efficacement en raison de la présence d’éléments lourds capables de libérer davantage d’énergie. Selon l’équipe, un refroidissement dû à la poussière cosmique serait nécessaire pour permettre aux nuages de gaz de se refroidir suffisamment et former des étoiles à faible métallicité situées à ce seuil. « Les modèles actuels de formation d’étoiles de faible masse ne peuvent expliquer l’existence de SDSS J0715-7334 que si le refroidissement par la poussière était déjà possible au moment de sa formation », précisent-ils.
En outre, au-delà de sa très faible métallicité, l’étoile affiche une teneur exceptionnellement basse en carbone, ce qui la rend encore plus rare. En effet, même les autres étoiles à faible teneur en fer contiennent d’importantes quantités de carbone. Cette quasi-absence de carbone suggère qu’il y avait d’importantes quantités de poussière refroidie dans la région où elle s’est formée.
Les mouvements de SDSS J0715-7334 laissent penser qu’il pourrait exister d’autres étoiles similaires dans le Grand Nuage de Magellan. Leur découverte permettrait d’établir un lien direct entre les observations locales et celles des galaxies primitives étudiées par le JWST.