En pointant accidentellement leur télescope vers une région inexplorée du cosmos, des chercheurs ont découvert par hasard une étrange galaxie qui semble constituée uniquement de gaz, dépourvue d’étoiles. La masse et la rotation de la galaxie, baptisée J0613+52, correspondent notamment à celles d’une galaxie spirale, tandis que sa structure évoque davantage une galaxie primordiale. Cela suggère qu’elle n’a pas évolué depuis l’aube de l’Univers.
Avant de découvrir J0613+52, les chercheurs du Green Bank Observatory souhaitaient initialement cataloguer ce que l’on appelle des « galaxies à faible luminosité de surface » (ou galaxies LSB). Il s’agit de galaxies diffuses (naines pour la plupart) dont la luminosité de surface, vue depuis la Terre, est inférieure d’au moins une magnitude à celle du ciel nocturne. Cette faible luminosité serait due au fait que plus de 95 % de leur masse est constituée de matière noire et qu’elles ne contiennent que très peu d’étoiles.
Dans le cadre de l’étude, 350 galaxies de ce type ont été observées par le biais du télescope Green Bank (en Virginie Occidentale) ainsi que des radiotélescopes d’Arecibo (à Porto Rico) et de Nançay (en France). L’objectif était de déterminer leurs masses gazeuses et leurs dynamiques, en analysant leurs proportions en hydrogène. En effet, la nature diffuse de ces galaxies remet fréquemment en question les théories conventionnelles concernant la formation des étoiles et des galaxies. Leur étude est ainsi essentielle pour comprendre véritablement ces aspects.
Cependant, en examinant les données transmises par le télescope de Nançay et le Green Bank Telescope (GBT), les chercheurs ont constaté une erreur dans les coordonnées. Les deux télescopes, censés étudier la même région, n’affichaient pas les mêmes coordonnées, le GBT ayant été dirigé vers une zone jusqu’ici inexplorée. Les experts ont été surpris de découvrir que la signature d’hydrogène enregistrée dans la zone correspondait à une étrange et sombre galaxie, qui semblait uniquement constituée de gaz.
« Le GBT a été accidentellement pointé vers les mauvaises coordonnées et a trouvé cet objet. C’est une galaxie constituée uniquement de gaz : elle n’a pas d’étoiles visibles », explique dans un communiqué Karen O’Neil, chercheuse principale du Green Bank Observatory. En fait, « des étoiles pourraient être présentes, mais nous ne pouvons tout simplement pas les voir », a-t-elle ajouté. La découverte a été présentée à l’occasion de la 243e réunion de l’American Astronomical Society.
Une galaxie primordiale ?
J0613+52, l’objet détecté par l’équipe du Green Bank, ne ressemble à aucun autre observé jusqu’à présent. Il est incroyablement riche en gaz, à tel point que sa masse et ses mouvements de rotation correspondent à ceux d’une galaxie spirale abritant au moins autant d’étoiles que la nôtre. Les chercheurs ont en effet relevé un décalage Doppler dans les ondes radio, spécifiquement associé à la rotation des galaxies. En revanche, contrairement à ce qu’on devrait s’attendre, les données radio n’ont révélé aucune trace de formation d’étoiles. Selon les chercheurs, cette absence d’étoiles visibles pourrait être due à la nature trop diffuse de son gaz.
D’un autre côté, elle serait trop éloignée des autres galaxies pour que l’interaction gravitationnelle avec ces dernières puisse amorcer la formation d’étoiles. Cela pourrait suggérer que J0613+52 est figée dans un état primordial depuis des milliards d’années. « J0613+52 semble être à la fois intact et sous-développé. Cela pourrait être notre première découverte d’une galaxie proche constituée de gaz primordial », suggère O’Neil.
En d’autres termes, il pourrait s’agir d’une galaxie primordiale qui n’a subi aucune interaction gravitationnelle pour pouvoir évoluer et donner naissance à des étoiles — ce qui remet une fois de plus en question notre compréhension du processus de formation des galaxies. Les galaxies primordiales sont les toutes premières galaxies qui se sont formées dans l’Univers primitif, quelques centaines de millions d’années après le Big Bang.
Toutefois, davantage de recherches seront nécessaires pour véritablement confirmer la nature exacte de cet étrange objet. Cela risque cependant d’être difficile en raison de sa très faible luminosité ainsi que de son apparente rareté. Bien qu’il soit désormais possible d’effectuer des observations précises sous différentes longueurs d’onde, la faible densité superficielle du gaz présent complique considérablement son observation en dehors des ondes radio – voire la rend impossible. O’Neil espère néanmoins « qu’une étude complète du ciel par un instrument extrêmement sensible comme le télescope Green Bank pourrait mettre au jour davantage de ces objets ».