Le Groenland, aujourd’hui recouvert à 98 % de glace, aurait connu une époque verdoyante, confirme une étude récente parue dans la revue PNAS. Des fossiles découverts par des chercheurs américains et danois révèlent que cette terre de glace était autrefois couverte de plantes. Cette découverte souligne par ailleurs qu’une part significative de l’élévation du niveau de la mer s’est produite à une époque où les niveaux de CO2 atmosphérique étaient bien inférieurs à ceux d’aujourd’hui.
Paul Bierman, géologue et professeur à l’Université du Vermont et son équipe ont découvert des fossiles de plantes et d’insectes dans une carotte de glace prélevée en 1993. L’échantillon, collecté à 3 km de profondeur au Summit, une station située au sommet de la calotte glaciaire du Groenland, avait été stocké au Colorado. À l’époque, une telle découverte sur un terrain aussi hostile semblait improbable, ce qui explique pourquoi les chercheurs n’avaient pas initialement recherché de traces de vie dans cet échantillon, nommé GISP2.
En 2016, GISP2 a été réexaminé, permettant d’estimer que le glacier du Groenland avait au maximum 1,1 million d’années. Bierman et ses collègues ont récemment confirmé cette estimation en analysant GISP2 sous un nouvel angle. « Le plan initial était de mesurer les isotopes ; nous ne savions pas que nous allions trouver des fossiles », a déclaré Bierman. « Nous avons littéralement vu les fossiles dans la première heure, voire la première demi-heure de travail sur le site », a-t-il ajouté. L’équipe a notamment découvert des champignons, un œil d’insecte, une graine de pavot arctique et des écailles de bourgeon de saule dans l’échantillon.
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Les scientifiques expliquent dans un communiqué de l’Université du Vermont que leur découverte « fournit la première preuve directe que le centre – et non seulement les bords – de la calotte glaciaire du Groenland a fondu dans un passé géologique récent ». Selon l’équipe, ces fossiles montrent que ce territoire danois avait autrefois un paysage arctique verdoyant avec un écosystème complexe. « Les plantes fossiles en sont la preuve irréfutable. Si vous trouvez des plantes là où il y a aujourd’hui de la glace, c’est qu’il n’y avait pas de glace », a expliqué Bierman.
Une découverte alarmante… ?
Ce n’est pas la première fois que Bierman fait une découverte intéressante concernant une carotte de glace du Groenland. En 2019, en collaboration avec une équipe internationale de chercheurs, il a réexaminé une autre carotte de glace extraite en 1966 au Camp Century, une base militaire américaine abandonnée près de la côte du Groenland. Cette carotte contenait des feuilles ainsi que de la mousse. Grâce à des techniques de datation avancées, les scientifiques avaient découvert que la disparition de la glace à cet endroit remontait à environ 416 000 ans.
Cette découverte a poussé Bierman à étudier l’échantillon de 1993 pour potentiellement y trouver des traces similaires. En plus des fossiles, l’équipe a désormais des preuves de la fonte de la glace, et tire la sonnette d’alarme. En effet, selon les chercheurs, même si la glace s’est reformée, cela montre que le Groenland a connu des épisodes de fonte des glaces en lien avec les conditions climatiques passées, sans intervention humaine.
Aujourd’hui cependant, le réchauffement climatique est accentué par les activités humaines, notamment les émissions de gaz à effet de serre. Tous les éléments sont ainsi réunis pour accélérer une nouvelle fonte des glaces, un phénomène qui a déjà eu lieu naturellement. « Ces petits fossiles nous avertissent que nous pourrions très probablement perdre la calotte glaciaire du Groenland si nous continuons sur la voie actuelle », estiment les chercheurs.
De plus, le WWF avait déjà suggéré que le Groenland a atteint un point de non-retour en 2019, après la perte de 532 milliards de tonnes de glace. Si cette fonte se poursuit, elle pourrait faire monter le niveau de la mer de 7,2 mètres, submergeant ainsi toutes les villes côtières mondiales. « Des centaines de millions de personnes dans le monde vont perdre leur lieu de vie », alerte Bierman.