Ces dernières années ont vu l’émergence d’une nouvelle classe de bactéries résistantes aux antibiotiques : les superbactéries, et plus particulièrement les bactéries à Gram négatif. Symptôme de la résistance grandissante des agents pathogènes aux antibiotiques usuels, cela pose un sérieux problème de santé publique à l’échelle mondiale, certaines infections étant devenues résistantes à tous les antibiotiques connus. Dans ce cadre, des microbiologistes ont mis en évidence une nouvelle molécule, la darobactine, dont les propriétés antibiotiques pourraient aider à vaincre cette super-résistance. Trouvée à l’intérieur d’une bactérie, elle-même cachée dans l’intestin de nématodes, la darobactine n’est, en l’état, pas applicable aux humains. Toutefois, elle constitue une étape extrêmement prometteuse.
Après deux années de recherche, la darobactine a été mise au jour. L’antibiotique a été découvert dans la bactérie Photorhabdus, dissimulée dans l’intestin de minuscules vers parasites appelés nématodes.
Ce qui rend les bactéries gram-négatives si tenaces est leur membrane externe, qui agit comme une barrière supplémentaire contre tout type d’attaque. La darobactine a la particularité de percer cette barrière en interférant avec la protéine BamA, qui contrôle l’accès à la membrane externe.
« La darobactine se lie à cette protéine [BamA] et la bloque, si bien qu’elle ne peut plus s’ouvrir. Les bactéries ne peuvent pas construire une enveloppe cellulaire adéquate, ce qui provoque la mort » explique Kim Lewis, microbiologiste moléculaire, de la Northeastern University.
La darobactine : une molécule antibiotique issue du microbiome des nématodes
Dans des expériences de laboratoire, le nouvel antibiotique a pu guérir les souris des infections dangereuses d’Escherichia coli et de Klebsiella pneumoniae, sans aucun effet secondaire toxique. Adapter la darobactine aux humains prendra sans doute beaucoup de temps, mais ce début est prometteur.
Les chercheurs ont identifié le nématode comme hôte potentiel d’un antibiotique efficace en raison de la façon dont ces vers se nourrissent d’insectes, ciblent leurs larves et libèrent des bactéries, qui doivent ensuite combattre des agents pathogènes similaires à ceux présents dans l’intestin humain.
Et cela fait de la darobactine une candidate prometteuse pour une utilisation humaine. Même si les antibiotiques du microbiome animal n’ont jamais été efficaces chez l’être humain, Photorhabdus a évolué pendant plus de 370 millions d’années pour lutter contre les bactéries gram-négatives.
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Résistance aux antibiotiques : une lutte urgente contre les bactéries à Gram négatif
Les bactéries à Gram négatif figurent tout en haut de la liste des agents pathogènes prioritaires qui constituent actuellement la plus grande menace pour la vie humaine. Tout cela se joue dans le contexte d’un problème plus vaste de résistance aux antibiotiques — les bactéries développent essentiellement des défenses plus rapidement que nous ne pouvons développer des médicaments pour les cibler.
On estime que chaque année, environ 700’000 personnes meurent d’infections résistantes aux antibiotiques, et que ce nombre pourrait atteindre plusieurs millions dans les années à venir.