Les traitements anxiolytiques actuels étant souvent inefficaces, la recherche se concentre sur l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques pour lutter contre les troubles anxieux. Une équipe internationale pourrait avoir découvert l’une d’elles en identifiant un nouveau mécanisme génétique qui régit les symptômes de l’anxiété, comble ainsi d’importantes lacunes dans la compréhension de son mécanisme biomoléculaire.
Le stress peut déclencher un large éventail de troubles neuropsychiatriques, résultant de facteurs génétiques ou environnementaux. Parmi ces troubles, l’anxiété toucherait une personne sur quatre au moins une fois au cours de la vie. Elle se manifeste par une série complexe de symptômes, tels que des problèmes de comportement social, des déficits cognitifs, des troubles dépressifs et des comportements récurrents et nocifs. Dans une certaine mesure, la plasticité cérébrale permet aux personnes concernées de s’adapter et de se remettre de l’anxiété.
Cependant, les traumatismes psychologiques graves peuvent entrainer des troubles anxieux importants susceptibles de provoquer des modifications génétiques, biochimiques et morphologiques au niveau des neurones. Ces changements se manifestent au niveau de l’amygdale, la région cérébrale impliquée dans l’anxiété induite par le stress, dont l’activité peut déclencher des crises d’angoisse et des sensations intenses de danger.
« Alors que de faibles niveaux de stress sont contrebalancés par la capacité naturelle du cerveau à s’adapter, des expériences traumatiques graves ou prolongées peuvent surmonter les mécanismes de protection de la résilience au stress, conduisant au développement de conditions pathologiques telles que la dépression ou l’anxiété », explique Valentina Mosienko, coauteure principale de la nouvelle étude et maître de conférences en neurosciences à l’Institut de physiologie, de pharmacologie et de neurosciences de l’Université de Bristol, dans un communiqué. La recherche a été co-dirigée par l’Université d’Exeter.
D’un point de vue physiologique, les symptômes de l’anxiété résulteraient d’une réaction excessive du système nerveux autonome, causée par une surproduction de catécholamines et de noradrénaline. En amont, cette réaction est provoquée par une diminution du niveau d’acide gamma-aminobutyrique (ou GABA, jouant un rôle crucial dans le contrôle du stress et de la peur), conduisant à une hyperactivité du système nerveux central. Ce processus entraînerait une augmentation du niveau de dopamine et une diminution de la sérotonine, une combinaison qui réduit le sentiment de bien-être.
Un faible taux de sérotonine a longtemps été considéré comme l’une des principales causes des troubles anxieux et de la dépression. Cependant, des recherches récentes ont mis en évidence des preuves semblant réfuter cette théorie. Les mécanismes biomoléculaires régissant ces troubles sont en effet complexes et comportent de nombreuses lacunes dans leur compréhension. Cette incompréhension explique probablement le manque d’efficacité observé pour les anxiolytiques actuellement disponibles en clinique.
Essayant de combler les lacunes de compréhension des mécanismes neuronaux de l’anxiété, des études antérieures ont récemment mis en évidence des réseaux de gènes appelés miARN (ou microARN) impliqués dans les symptômes du trouble. « Les miARN sont stratégiquement positionnés pour contrôler des conditions neuropsychiatriques complexes telles que l’anxiété », souligne Mosienko. Toutefois, les mécanismes moléculaires et cellulaires impliquant ces miARN dans la régulation de la résilience au stress restent largement méconnus.
La nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Communications, complète ces recherches en identifiant un mécanisme génétique impliquant un miARN (miR483-5p) et un gène (Pgap2) spécifiques directement liés aux symptômes anxieux. Les résultats de la recherche suggèrent que la voie miR483-5p/Pgap2 pourrait être une cible prometteuse pour de nouvelles thérapies contre l’anxiété et divers troubles psychiatriques complexes.
Un gène inhibant les symptômes anxieux
Les miARN sont de petites molécules d’ARN non codantes présentes dans le cerveau et régulant un grand nombre de processus physiopathologiques des troubles mentaux. Ces fragments d’ARN peuvent notamment se lier à la région 3′-UTR de l’ARNm pour inhiber l’expression des gènes au niveau post-transcriptionnel. Leur capacité à réguler simultanément des centaines d’ARNm et leur présence dans des régions cérébrales stratégiques leur confèrent un important potentiel de contrôle sur l’activation de voies cellulaires entières, impliquées dans la régulation de processus complexes tels que le comportement. De plus, des recherches ont suggéré que la dérégulation de nombreux miARN est impliquée dans la physiopathologie des troubles neuropsychiatriques.
Dans le cadre de la nouvelle recherche, l’équipe de Bristol et d’Exeter a découvert que le stress aigu entraînait la surexpression de miR483-5p dans l’amygdale des souris. Cette surexpression inhibait celle de Pgap2, de Gpx3 et de Macf, tous trois impliqués dans les modifications de la structure des neurones et dans les comportements liés à l’anxiété. L’augmentation de miR-483-5 entraînerait une contraction sélective des parties distales des dendrites et la transformation des filopodes immatures en épines dendritiques matures.
Les chercheurs ont alors conclu que miR-483-5p agit comme un frein moléculaire, atténuant les changements amygdalaires induits par le stress et pouvant ainsi soulager l’anxiété. Les modifications de la morphologie neuronale observées chez les personnes anxieuses s’expliqueraient par la surexpression de Pgap2, « résistant » à miR-483-5p. Ainsi, la stimulation de la voie amygdalaire miR483-5p/Pgap2 pourrait être une stratégie particulièrement prometteuse pour le traitement des troubles anxieux sévères, ainsi que pour d’autres affections neuropsychiatriques.