Débutant sa mission en 2012, le rover Curiosity n’a cessé d’arpenter le sol martien à la recherche d’anciennes traces de vie. Récemment, des chercheurs ont réanalysé de multiples photos et données recueillies par le rover dans le cratère Gale. Ils ont alors mis en évidence la présence d’opales — une forme amorphe de silice hydratée, riche en eau. Ces roches pourraient potentiellement servir de ressources cruciales à la future exploration humaine de Mars.
Faisant partie de la mission Mars Science Laboratory de la NASA, Curiosity est le rover le plus grand et le plus performant jamais envoyé sur Mars. Au début de sa mission, en août 2012, les outils scientifiques de Curiosity ont trouvé des preuves chimiques et minérales d’anciens environnements habitables sur Mars. Le rover continue depuis d’explorer les archives rocheuses d’une époque où Mars aurait pu abriter une vie microbienne.
Plus précisément, Curiosity explore le cratère Gale. Ce dernier s’est formé lorsqu’un météore a frappé Mars au début de son histoire, il y a environ 3,5 à 3,8 milliards d’années. Il comporte une montagne massive et stratifiée au milieu. Les scientifiques l’ont choisi comme site d’atterrissage pour Curiosity car il possède de nombreux signes de présence d’eau au cours de son histoire, ingrédient clé de la vie telle que nous la connaissons.
Récemment, des chercheurs ont découvert des roches aux tons clairs entourant des « halos » de fractures qui sillonnent certaines parties du paysage martien, s’étendant parfois bien plus loin que l’horizon des images du rover.
Grâce à de nouvelles méthodes d’analyse des données de Curiosity, l’équipe de recherche, de l’Université d’Arizona, a pu vérifier de manière indépendante que ces halos de fracture contenaient de l’opale riche en eau. Leur étude est publiée dans la revue Journal of Geophysical Research : Planets.
Une découverte dans d’anciennes photos
En regardant les anciennes images, Travis Gabriel, ancien boursier postdoctoral de l’Université d’Arizona, maintenant chercheur en physique pour le gouvernement américain, et son collègue Sean Czarnecki, ont remarqué une immense étendue de halos de fracture.
En y appliquant de nouvelles méthodes d’analyse des données des instruments, l’équipe a découvert que ces halos ressemblaient non seulement à ceux trouvés beaucoup plus tard durant la mission, dans des unités rocheuses complètement différentes, mais étaient similaires dans leur composition : beaucoup de silice et d’eau.
Travis Gabriel explique dans un communiqué : « Notre nouvelle analyse des données d’archives a montré une similitude frappante entre tous les halos de fracture que nous avons observés beaucoup plus tard dans la mission. Voir que ces réseaux de fractures étaient si répandus et probablement remplis d’opale était incroyable ».
Par suite, Gabriel et son équipe ont étudié la composition des roches de couleur claire entourant ces fractures. Ils se sont appuyés sur leurs études antérieures pour lesquelles ils avaient utilisé le spectromètre Chemistry and Camera, ou ChemCam, afin de montrer que ces halos pouvaient être composés d’opale. Pour cette nouvelle analyse, ils ont utilisé un autre instrument du rover : le spectromètre à neutrons Dynamic Albedo of Neutrons, ou DAN. Travis Gabriel déclare : « Ces roches aux tons clairs ‘s’allumaient’ dans notre détecteur de neutrons, produisant des taux de comptage de neutrons thermiques anormalement élevés ».
En effet, comme l’opale contient une grande quantité d’eau, elle a alors produit un signal fort, confirmant que ce matériau a des implications importantes pour l’histoire de ce cratère et la présence possible de vie ancienne.
De nouvelles données pour confirmer la présence de sources d’eau
En plus de parcourir les données d’archives, Gabriel et son équipe ont eu la chance d’étudier à nouveau ces roches aux tons clairs, au niveau du site de forage de Lubango, un autre halo de fracture. Après une série de mesures à l’aide du spectromètre à neutrons, ils ont pu confirmer la composition riche en opale des halos.
Les auteurs soulignent que la découverte de l’opale est remarquable, car elle peut se former lorsque la silice est en solution avec de l’eau, un processus similaire à la dissolution du sucre ou du sel dans l’eau. S’il y a trop de sel ou si les conditions changent, il commence à se déposer au fond. Sur Terre, la silice tombe au fond des lacs et des océans et peut se former dans les sources chaudes et les geysers.
Il faut savoir que les environnements riches en eau dans le sous-sol de Mars auraient pu fournir un refuge sûr contre les conditions difficiles à la surface de Mars. En effet, dans le cratère Gale, les températures peuvent descendre en dessous de -73 °C pendant la nuit en hiver, et atteindre seulement environ -1 °C pendant les après-midis les plus chauds. Le cratère Gale subit également beaucoup plus de rayonnement que la surface de la Terre, protégée par notre atmosphère, beaucoup plus épaisse.
Travis Gabriel déclare : « Compte tenu des réseaux de fractures étendus découverts dans le cratère Gale, il est raisonnable de s’attendre à ce que ces conditions souterraines potentiellement habitables s’étendent également à de nombreuses autres régions du cratère Gale, et peut-être à d’autres régions de Mars ». Il ajoute : « Ces environnements se seraient formés longtemps après que les anciens lacs du cratère Gale se soient asséchés ».
Une ressource en eau pour les futures missions humaines ?
La présence d’opale sur Mars aura des avantages pour les futurs astronautes, et les efforts d’exploration pourraient tirer parti de ces ressources étendues en eau. Comme mentionné précédemment, l’opale est principalement composée de silice et d’eau, avec très peu d’impuretés telles que le fer. Puisque l’opale n’est pas un minéral (bien que considérée comme tel jusqu’en 2007), l’eau n’est pas liée aussi étroitement que dans une structure cristalline. Cela signifie que si elle est broyée et chauffée, elle libère son eau. Dans une étude précédente, Travis Gabriel et d’autres scientifiques du rover Curiosity ont démontré ce processus exact.
Bien que Gabriel et son équipe ne soient pas en mesure d’effectuer une évaluation exacte de la teneur en eau de tous les halos, les expériences sur les neutrons qu’ils ont effectuées sur deux de ces derniers démontrent qu’un halo d’un mètre peut contenir environ 1 à 5,6 litres d’eau dans les 30 premiers centimètres.
Étonnamment, l’opale du cratère Gale retient l’eau malgré les conditions sèches de l’atmosphère moderne. Combinée aux données satellitaires qui montrent la présence d’opale ailleurs sur Mars, cette découverte pourrait représenter une excellente ressource pour les futures explorations ailleurs sur Mars. Néanmoins, il faut que l’opale, en dehors de ce cratère, retienne également l’eau au même degré. Les chercheurs expliquent que la bonne conservation de cette opale à travers les âges martiens suggère qu’une fois formée, il y a eu très peu d’interactions entre l’opale et l’eau.
Gabriel et l’équipe continuent d’étudier le rôle de l’eau dans la formation et l’altération des roches martiennes, alors que le rover Curiosity se dirige vers le monticule central du cratère Gale.