Découverte de « la langue la plus ancienne au monde » dans des peintures rupestres datant d’il y a 20 000 ans

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Cette image d'un saumon gravé il y a 17 000 ans dans la grotte de Pindal, dans les Asturies (Espagne), comporte trois lignes placées à l'intérieur. | M. Berenguer/Durham University
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L’art figuratif est né sur les parois des grottes il y a environ 37 000 ans. Les animaux sont les principaux sujets. Ces dessins, selon nombre de scientifiques, permettaient la transmission de connaissances entre les générations. Récemment, des chercheurs ont émis l’hypothèse que les signes non figuratifs (traits, points) seraient la forme la plus ancienne de protolangage sophistiqué, renseignant sur les comportements saisonniers des animaux — accouplement, mise-bas.

Il y a environ 37 000 ans, les humains sont passés du marquage d’images abstraites telles que des empreintes de mains, des points et des rectangles sur les murs des grottes au dessin, à la peinture et à la gravure d’art figuratif.

Ces images, qu’elles soient créées sur des surfaces rocheuses à l’air libre, dans des grottes, ou sculptées et gravées sur des matériaux, concernent presque exclusivement des animaux, principalement des proies herbivores essentielles à la survie dans les steppes eurasiennes du Pléistocène. Dans la plupart des cas, il est facile d’identifier les espèces représentées et souvent les caractéristiques qu’elles présentent à des moments particuliers de l’année.

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Parallèlement à ces images, des ensembles de marques abstraites, en particulier des séquences de lignes verticales et de points, des formes « Y » et diverses autres marques, sont courantes durant tout le Paléolithique supérieur européen, apparaissant soit seules, soit adjacentes et superposées à des représentations d’animaux, comme cela a été reconnu depuis longtemps.

Depuis leur découverte il y a environ 150 ans, le but ou la signification des signes non figuratifs du Paléolithique supérieur européen a échappé aux chercheurs. Malgré cela, les spécialistes supposent qu’ils étaient notationnels, d’une certaine manière.

Récemment, un groupe de chercheurs indépendant et de l’Université de Duhram, affirme avoir décodé la signification des marques vues dans les dessins de l’ère glaciaire et, ce faisant, a trouvé des preuves d’une écriture ancienne remontant à au moins 14 000 ans plus tôt qu’on ne le pensait auparavant. Leurs découvertes ont été publiées dans le Cambridge Archeological Journal.

Signes précoces de la transmission des connaissances

L’étude révèle que les chasseurs-cueilleurs de la période glaciaire utilisaient des marques telles que des lignes et des points, combinées à des dessins de leurs proies animales pour enregistrer et partager des informations sophistiquées sur le comportement de ces animaux, il y a au moins 20 000 ans.

Comme mentionné précédemment, jusqu’à présent, les archéologues savaient que ces séquences de lignes, de points et d’autres marques — trouvées sur les parois des grottes et les objets portables de la dernière période glaciaire stockaient une sorte d’informations, mais ne connaissaient pas leur signification spécifique.

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Quatre points à côté d’un dessin ocre-rouge de bétail sauvage, dans la grotte de La Pasiega, en Espagne. Ils auraient été dessinés il y a environ 23 000 ans. © Henri Bréuli

Bacon, chercheur indépendant, explique dans un article de la BBC : « La signification des marques dans ces dessins m’a toujours intrigué, alors j’ai commencé à essayer de les décoder, en utilisant une approche similaire à celle que d’autres ont adoptée pour comprendre les premiers textes grecs ».

Il ajoute : « En utilisant des informations et des images d’art rupestre disponibles via la British Library et sur Internet, j’ai amassé autant de données que possible et j’ai commencé à rechercher des motifs répétitifs ».

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Ben Bacon a développé la théorie selon laquelle les marques « en forme de Y » servaient à enregistrer les naissances d’animaux. © Durham University

À l’aide d’une base de données d’images couvrant le Paléolithique supérieur européen et en utilisant les cycles de naissance d’animaux équivalents aujourd’hui comme point de référence, l’équipe a pu déterminer que le nombre de marques associées aux animaux de la période glaciaire était une transcription, par mois lunaire, du moment où ils s’accouplaient.

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Une séquence de quatre points a été placée dans cette image d’un taureau sur le mur de la célèbre grotte de Lascaux en France, il y a environ 21 500 ans. © JoJan

L’équipe a également démontré que le signe « Y », l’un des signes les plus fréquents dans l’art non figuratif paléolithique, a le sens « donner naissance ». Intégré dans une séquence de marques, ce signe indique le mois de la mise bas.

Étant donné que les marques trouvées dans plus de 600 images de la période glaciaire — sur les parois des grottes (comme Lascaux, Chauvet et Altimara) ainsi que sur des objets découverts à travers l’Europe — « enregistrent » des informations de manière numérique et font référence à un calendrier plutôt qu’à l’enregistrement de la parole, elles ne peuvent pas être appelées « écriture » au sens pictographique et cunéiforme, à l’image des systèmes d’écriture précoces qui ont émergé à Sumer à partir de 3400 av. J.-C.

Au lieu de cela, l’équipe, dans un communiqué, précise qu’elle les comprend comme un système de « proto-écriture », antérieur d’au moins 10 000 ans à d’autres systèmes basés sur des jetons, qui auraient émergé au cours du Néolithique du Proche-Orient.

Une plongée dans la paléopsychologie

Les professeurs Pettitt et Kentridge ont travaillé ensemble pour développer le domaine de la paléopsychologie visuelle. Il faut savoir que la paléopsychologie est l’étude de la psychologie des hommes du paléolithique d’après l’analyse de l’inconscient. Dans cette étude, l’investigation scientifique de la psychologie sous-tend le développement le plus précoce de la culture visuelle humaine.

L’étude décode non seulement les informations enregistrées pour la première fois il y a des milliers d’années, mais montre également que les chasseurs-cueilleurs de la période glaciaire ont été les premiers à utiliser un calendrier systématique et des marques pour enregistrer des informations sur les événements écologiques majeurs au sein de ce calendrier.

En effet, en examinant le nombre total de marques — points ou lignes — trouvées dans des séquences à travers des centaines de grottes, les chercheurs ont découvert qu’aucune des séries ne contenait plus de 13 marques, ce qui correspond aux 13 mois lunaires de chaque année.

Kentridge précise à la BBC : « Les implications sont que les chasseurs-cueilleurs de l’ère glaciaire ne vivaient pas simplement dans leur présent, mais enregistraient des souvenirs du moment où des événements passés se sont produits et les utilisaient pour anticiper le moment où des événements similaires se produiraient à l’avenir, une capacité que les chercheurs en mémoire appellent le ‘voyage mental dans le temps’ ».

Des résultats qui ne font pas l’unanimité

Mais certains chercheurs ne sont pas convaincus par les interprétations de l’étude quant à ces marques d’origine humaine. En effet, Mélanie Chang, une paléoanthropologue de l’Université d’État de Portland qui n’a pas participé à l’étude, a déclaré à Live Science qu’elle était d’accord avec l’évaluation des chercheurs selon laquelle « les gens du Paléolithique supérieur avaient la capacité cognitive d’écrire et de conserver des enregistrements du temps ». Cependant, elle avertit que « les hypothèses des chercheurs ne sont pas bien étayées par leurs résultats, et elles ne traitent pas non plus d’interprétations alternatives des marques qu’ils ont analysées ».

De plus, Avril Nowell, une archéologue paléolithique de l’Université de Victoria au Canada, qui n’a pas participé à cette étude, a déclaré à Live Science : « toute étude qui explore plus en détail les signes non figuratifs est la bienvenue, mais je pense qu’il existe un certain nombre d’hypothèses faites ici qui n’ont pas encore été prouvées ».

Effectivement, comme elle le précise, il y a dix ans, elle a dirigé la thèse de Genevieve von Petzinger, dans laquelle elles ont créé ensemble une base de données de dizaines de signes et de motifs répétitifs provenant de plus de 200 grottes du sud de la France et de l’Espagne. Elle explique : « Il y a au moins 32 signes récurrents différents. Les auteurs ont choisi d’en étudier trois dans un contexte bien précis ». Cela laisse 90% des signes sans aucune signification connue.

Néanmoins, ayant démontré pouvoir déchiffrer la signification d’au moins certains de ces symboles, l’équipe espère poursuivre son travail pour tenter de comprendre davantage les symboles, leurs bases cognitives et les informations que les chasseurs-cueilleurs de l’ère glaciaire appréciaient.

Source : Cambridge Archeological Journal

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