Le cerveau humain est fondamentalement si complexe que nous n’en comprenons pas encore tous les processus se déroulant en son sein. Toutes les couches et les compartiments composant sa structure sont également en partie méconnus. Or, ces dernières jouent un rôle fondamental dans la régulation des processus neurobiologiques. En étudiant plus en profondeur la structure du cerveau, des chercheurs ont découvert une fine membrane jusqu’alors inconnue. Décrite pour la première fois, cette partie anatomique du cerveau jouerait à la fois un rôle de barrière protectrice, de plateforme de cellules immunitaires et de régulateur du flux du liquide céphalo-rachidien (LCR).
Sous la boîte crânienne, notre cerveau est enveloppé de plusieurs couches de membranes contenant le liquide céphalo-rachidien (LCR), et séparant ses différents hémisphères. Ces membranes sont au nombre de trois et forment ce que l’on appelle les méninges. De l’intérieur vers l’extérieur, l’on distingue la pie-mère, la membrane interne qui adhère au cerveau et à la moelle épinière. L’arachnoïde la jouxte ensuite sous la forme d’une membrane intermédiaire, et la dure-mère est la plus externe et la plus résistante.
Cependant, des chercheurs issus de l’Université de médecine de Rochester (New York) et de Copenhague, ont récemment remarqué une quatrième membrane qui n’a jamais été décrite jusqu’ici. Extrêmement mince — avec une épaisseur allant d’une à quelques cellules seulement —, la membrane n’a jamais été remarquée, en partie parce qu’elle se désintègre lorsque l’on retire le cerveau lors d’une autopsie. Sa faible épaisseur l’aurait également rendue invisible aux yeux des scanners cérébraux.
Découverte pour la première fois chez la souris, les chercheurs ont pu déceler la membrane grâce à une technique de marquage génétique par fluorescence. Elle a ensuite été observée chez l’Homme, quand les chercheurs ont dissout les crânes de corps ayant été donnés pour la recherche. Baptisée membrane de type lymphatique sous-arachnoïdienne (SLYM), elle se situe en dessous de la membrane arachnoïdienne, comme son nom l’indique. D’après l’étude, décrite dans la revue Science, elle diviserait en deux l’espace sous la membrane arachnoïdienne, de sorte qu’elle sépare le LCR en deux strates liquides distinctes.
La membrane médie le flux de LCR autour du cerveau
D’après les chercheurs de la nouvelle étude, le SLYM serait une membrane de type mésothélium — celles qui tapissent notamment d’autres organes tels que le cœur et les poumons. Ces membranes entourent les organes de sorte à les lubrifier pour qu’ils puissent glisser les uns contre les autres. Le SLYM permettrait de réduire la friction du cerveau contre la boîte crânienne et abriterait également des cellules immunitaires.
À savoir que le cerveau dispose d’une population de cellules immunitaires qui lui est spécifique. L’intégrité de la membrane SLYM permet donc de faire barrière aux cellules immunitaires provenant de l’extérieur. De plus, la membrane serait si étanche qu’elle ne laisserait passer que de très petites molécules, inférieures à 3 kilodaltons. Cette fonction permettrait ainsi de maintenir l’intégrité biomoléculaire et fonctionnelle du LCR.
De plus, comme elle sépare le LCR en deux strates distinctes, les chercheurs de l’étude estiment qu’elle servirait de barrière entre le LCR « propre » et « sale », et en régulerait le flux. « La découverte d’une nouvelle structure anatomique qui sépare et aide à contrôler le flux de liquide céphalo-rachidien (LCR) dans et autour du cerveau nous permet désormais de mieux apprécier le rôle sophistiqué que joue le LCR, non seulement dans le transport et l’élimination des déchets du cerveau, mais aussi en soutenant ses défenses immunitaires », indique Maiken Nedergaard, codirectrice du Centre de neuromédecine translationnelle de l’Université de Rochester et de l’Université de Copenhague, et co-auteure principale de la nouvelle étude.
D’après les chercheurs de l’étude, la membrane SLYM permettrait de médier le flux de LCR « frais » autour du cerveau, en éliminant les protéines toxiques pouvant être liées à des maladies neurologiques. Corroborant cette hypothèse, les observations en laboratoire ont montré que des cellules immunitaires se rassemblaient en plus grand nombre et avec une plus grande diversité au niveau de la membrane, au cours d’une inflammation du cerveau ou de symptômes de vieillissement. Et quand la membrane se rompt à la suite d’une lésion traumatique, le flux de LCR est altéré et véhicule des cellules immunitaires n’appartenant normalement pas au système nerveux central.
Toutefois, comme la découverte est encore préliminaire, les rôles exacts de la membrane SLYM pourraient être beaucoup plus complexes. Néanmoins, sa découverte est une piste prometteuse et devrait être prise en compte pour le développement de nouvelles thérapies contre des pathologies neurologiques telles qu’Alzheimer ou la sclérose en plaques.