Véritables « charpentiers » à l’échelle cellulaire, les oligodendrocytes assurent des rôles fonctionnels et structurels clés au niveau des neurones. Seules cellules capables de synthétiser la myéline (la « gaine » protectrice des nerfs), comprendre leur fonctionnement biochimique est une piste de choix pour le traitement des maladies neurodégénératives. Certaines de ces maladies ont effet en commun une altération de la myéline, entravant la fluidité des flux d’informations (ou influx nerveux) à travers le système nerveux. Dans une étude publiée dans Cell Reports, des chercheurs ont découvert que les processus métaboliques des oligodendrocytes du cerveau diffèrent complètement de ceux de la moelle épinière, malgré leur structure similaire. De plus, ils ont identifié une protéine spécifique (mTOR) précurseur de la synthèse du cholestérol (composant essentiel de la myéline) et du maintien de l’intégrité de la myéline au niveau des axones. De nouveaux traitements pourraient potentiellement cibler cette protéine pour aider à réparer les lésions du système nerveux central.
À rappeler que les oligodendrocytes sont des maillons essentiels au bon fonctionnement des neurones. Ces cellules à longs filaments s’accrochent notamment aux axones des neurones pour le maintien structurel intercellulaire, mais surtout pour la synthèse des gaines de myéline, enveloppant les axones. Ces gaines assurent non seulement un rôle protecteur, mais aussi un rôle fonctionnel en permettant la transmission plus rapide des influx nerveux à travers chaque neurone. Pour le système nerveux périphérique, leurs équivalents fonctionnels sont les cellules de Schwann.
Dans plusieurs maladies neurodégénératives, ce rôle de vecteur d’influx nerveux est entravé par la destruction totale ou partielle de la myéline. Chez les malades, les oligodendrocytes ont du mal à assurer leur fonction myélinisante. Privés de la transmission normale des informations dans leur système nerveux, les patients présentent des déficits sensoriels, moteurs, et cognitifs.
Chez les patients atteints de sclérose en plaques par exemple, les images IRM révèlent des lésions au niveau du revêtement de myéline (dans le cerveau et/ou la moelle épinière). Au sein des zones les plus atteintes, la myéline peut complètement disparaître pour laisser place à du tissu cicatriciel, et les oligodendrocytes n’y sont plus viables. Ce phénomène est commun à plusieurs affections neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer, mais il a aussi été observé chez certains patients souffrant d’autisme ou schizophrénie. Selon les auteurs de l’étude, un groupe de chercheurs de l’Université Rutgers, au New Jersey, le lien de cause à effet n’est pas encore tout à fait compris.
Des oligodendrocytes différents dans le cerveau et la moelle épinière
Observés au microscope, les oligodendrocytes semblent identiques pour l’ensemble du système nerveux central. Pourtant, les chercheurs ont découvert des précurseurs d’oligodendrocytes distincts dans le cerveau et la moelle épinière, grâce au séquençage d’ARN « complémentaire » (ARNc). Les processus métaboliques et les réactions chimiques essentielles qui s’y déroulent, diffèrent complètement. « Nous avons creusé pour voir ce que font les cellules d’un point de vue biochimique et moléculaire. Et nous avons découvert qu’elles sont définitivement différentes », explique dans un communiqué Teresa Wood, professeure émérite à l’Université Rutgers et auteure principale de l’étude.
L’identification de ces cellules constitue déjà un pas vers des traitements potentiels visant à stimuler les oligodendrocytes de la bonne façon pour qu’ils produisent de la myéline. Selon les auteurs de l’étude, un espoir de traitement explore déjà une piste intéressante, en localisant les cellules immatures du système nerveux central, qui mûriront en oligodendrocytes, fabriqueront de la myéline et répareront les lésions.
Par ailleurs, les scientifiques américains ont identifié trois points essentiels susceptibles de constituer des cibles efficaces pour les thérapies à venir. Le premier point concerne notamment le cholestérol, principal élément constitutif de la myéline. Les résultats de l’étude indiquent que les oligodendrocytes de la moelle épinière étaient plus efficaces (en capacité et en volume) pour synthétiser le cholestérol que ceux du cerveau. « Comprendre les mécanismes régulant la production de myéline nous permettra de développer de meilleurs traitements pour les maladies neurodégénératives et pour la réparation après une lésion », indique Wood.
De plus, les chercheurs ont identifié une protéine spécifique — la cible mécaniste de la rapamycine, ou mTOR — qui induit la synthèse de cholestérol dans les oligodendrocytes. mTOR est également essentielle au maintien de la stabilité des structures de myéline déjà formées, dans le système nerveux central. D’un autre côté, la perte de la protéine mTOR a un impact plus important sur la biosynthèse du cholestérol au niveau de la moelle épinière. Dans ce cas, le déficit de myélinisation développementale (ayant un rôle fondamental dans l’oligodendrogénèse) y serait plus prononcé. Quant au cerveau, la perte de la protéine entraîne une démyélinisation spontanée chez l’adulte ainsi que la mort des oligodendrocytes. Stimuler cette protéine pourrait donc constituer une thérapie efficace, en améliorant la production de cholestérol dans le système nerveux central et donc de myéline.