Découverte d’une protéine réparatrice d’ADN qui pourrait conduire à un vaccin contre le cancer

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| Canadian Light Source
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La découverte d’une protéine capable de réparer l’ADN, considérée comme « le Saint Graal de la réparation de l’ADN », ouvre potentiellement la voie au développement d’un vaccin universel contre le cancer, une quête qui a longtemps constitué un défi insurmontable pour les chercheurs. La nouvelle étude montre d’ailleurs que cette protéine est « plug and play », soit théoriquement capable de s’insérer dans n’importe quel organisme, ce qui en fait une candidate prometteuse pour un vaccin préventif contre le cancer.

La protéine en question, nommée DdrC, a été découverte dans une bactérie résistante appelée Deinococcus radiodurans, connue pour sa capacité à survivre dans des conditions extrêmes. DdrC semble être très efficace pour détecter les dommages de l’ADN, les arrêter et alerter la cellule pour qu’elle commence le processus de réparation.

Les chercheurs à l’origine de cette découverte, de l’Université Western au Canada, ont constaté dans le cadre d’une expérience que l’insertion du gène ddrC dans une bactérie E. coli a rendu cette dernière plus résistante aux dommages causés par les rayons UV, augmentant sa résistance de plus de 40 fois. Les résultats ont été publiés dans la revue Nucleic Acids Research.

Le mécanisme unique de réparation de l’ADN de DdrC

La protéine DdrC se distingue par une capacité unique à détecter et réparer les lésions de l’ADN, qu’elles soient simples ou doubles. La réparation de l’ADN par DdrC implique un processus complexe où la protéine scanne l’ADN à la recherche de lésions sur un ou deux brins. Lorsqu’elle trouve une cassure simple ou double, elle se lie à celle-ci et cherche une autre cassure du même type. Une fois deux zones de dommages trouvées, DdrC les immobilise toutes les deux, compactant le segment d’ADN.

Ces réparations non seulement empêchent les dommages de s’aggraver, mais signalent également aux cellules responsables de la réparation de l’ADN de venir réparer les cassures. Cette action est importante, car elle permet de maintenir l’intégrité génétique des cellules, réduisant ainsi le risque de mutations qui pourraient conduire au cancer. « La capacité de DdrC à reconnaître et réparer les cassures de l’ADN est un véritable exploit biochimique », explique le Dr Robert Szabla, biochimiste au laboratoire Canadian Light Source et auteur principal de l’étude, dans un communiqué de l’Université de la Saskatchewan (Canada).

L’une des caractéristiques les plus fascinantes de DdrC est sa structure asymétrique, qui lui permet de piéger les cassures de l’ADN de manière particulièrement efficace. Lorsqu’elle détecte une lésion, la protéine subit un changement de conformation qui lui permet de se lier à une deuxième cassure, formant ainsi une structure stable et réparatrice. Ce mécanisme complexe permet non seulement de prévenir de nouveaux dommages, mais aussi de faciliter la réparation par d’autres mécanismes cellulaires. C’est comme si DdrC agissait comme un agent de sécurité, patrouillant l’ADN pour neutraliser les menaces dès qu’elles apparaissent.

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Des cristaux de la protéine réparatrice d’ADN DdrC. © Canadian Light Source

Vers un vaccin universel contre le cancer ?

Les implications de cette découverte pour le traitement du cancer sont vastes. Actuellement, les premiers candidats vaccins contre le cancer, dont certains sont déjà en essai clinique, font face à de nombreux défis, notamment l’identification d’antigènes spécifiques aux cellules cancéreuses et la stimulation d’une réponse immunitaire efficace. La capacité de DdrC à réparer directement l’ADN pourrait permettre de développer de véritables vaccins (préventifs), ciblant les mécanismes de réparation des cellules cancéreuses et peut-être même un vaccin universel.

Les experts sont unanimes quant au potentiel de cette découverte. « La capacité de réarranger, éditer et manipuler l’ADN de manière spécifique est le Saint Graal de la biotechnologie. Et si vous aviez un système de scan comme DdrC qui patrouille vos cellules et neutralise les dommages lorsqu’ils surviennent ? Cela pourrait constituer la base d’un potentiel vaccin contre le cancer », a déclaré Szabla.

Cette découverte s’inscrit d’ailleurs dans un contexte d’avancées récentes dans le domaine de la réparation génétique. Par exemple, des études sur les inhibiteurs PARP ont montré leur efficacité dans le traitement de certains types de cancers en bloquant les mécanismes de réparation de l’ADN des cellules cancéreuses. Cependant, DdrC offre une approche différente en réparant directement les cassures, ce qui pourrait être complémentaire aux thérapies existantes.

Szabla souligne finalement que DdrC n’est que l’une des centaines de protéines potentiellement utiles dans cette bactérie, et que des recherches supplémentaires pourraient révéler d’autres outils précieux pour la réparation de l’ADN. Comme pour toute avancée médicale majeure cependant, l’utilisation de DdrC soulève des questions éthiques. La manipulation génétique pour réparer l’ADN pourrait également susciter des préoccupations concernant l’accès équitable aux traitements et les implications à long terme sur la santé publique. Prochainement, les chercheurs prévoient d’approfondir l’étude de la bactérie D. radiodurans afin d’explorer d’autres mécanismes potentiels utilisés par cette dernière pour réparer son propre génome.

VIDÉO : présentation de l’étude par le laboratoire Canadian Light Source

Source : Nucleic Acids Research

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