L’étude de la jeunesse de l’Univers est possible grâce à la détection d’objets extrêmement lointains. Aujourd’hui, les astrophysiciens disposent d’instruments leur permettant d’observer des objets cosmiques localisés à plusieurs milliards d’années-lumière de notre planète. Il y a quelques jours, des chercheurs ont pu détecter la source radio la plus puissante de l’Univers jeune : un quasar situé à 13 milliards d’années-lumière de la Terre.
Les quasars font partie des éléments les plus impressionnants du bestiaire cosmique. Ce sont des galaxies actives, c’est-à-dire composées d’un noyau actif, une zone centrale compacte émettant un puissant rayonnement électromagnétique du à la présence d’un trou noir supermassif.
Ce rayonnement provient des phénomènes de frictions thermiques de la matière (gaz, poussières) soumise à l’accélération gravitationnelle du trou noir au sein du disque d’accrétion.
De manière cyclique, cette « consommation » de matière par le trou noir donne lieu à l’émission de jets relativistes polaires — des jets de plasma et de particules ultra-énergétiques émis depuis les pôles du trou noir à partir du disque d’accrétion, au niveau des régions où le gaz est très chaud et rapide. Ces jets sont extrêmement lumineux dans le spectre des fréquences radio.
C’est ce signal qu’a détecté le Very Long Baseline Array (VLBA), un réseau de radiotélescopes américains utilisant l’interférométrie à très longue base, dont l’origine est un quasar nouvellement découvert et nommé PSO J352.4034-15.3373 (ou P352-15). Les résultats ont été publiés dans The Astrophysical Journal et The Astrophysical Journal Letters.
« Nous ne connaissons pas beaucoup de sources radio ultralumineuses dans l’Univers jeune, et c’est le quasar le plus lumineux de cette époque » explique Eduardo Bañados, astrophysicien à l’Institut des Sciences de Cardegie (Californie).
L’image capturée par le VLBA montre trois composantes distinctes pour lesquelles il existe deux hypothèses. La première suggère que le trou noir est à l’une des extrémités et que les deux autres éléments sont des parties du jet relativiste. La seconde propose que le trou noir se trouve au centre et que les deux autres éléments sont des jets émis de chaque côté.
Cependant, selon l’analyse de la position du trou noir effectuée par les télescopes optiques, celle-ci est alignée avec l’un des composants à l’extrémité, indiquant que la première hypothèse est la plus plausible. Cela signifie qu’en étudiant les deux parties du jet, les astrophysiciens peuvent en mesurer la vitesse d’expansion.
« Ce quasar est peut-être l’objet le plus distant à partir duquel nous pouvons mesurer la vitesse d’un tel jet » explique Emmanuel Momjian, astrophysicien à l’Observatoire national de radioastronomie (NRAO).
À l’inverse, si le trou noir s’avère être au centre, cela signifierait que les deux jets sont plus petits, ce qui indiquerait un quasar encore plus jeune ou entouré d’une zone dense freinant la progression des jets relativistes. Pour le moment, les éléments recueillis ne permettent pas de statuer définitivement sur l’un ou l’autre des deux scénarios.
Même si P352-15 n’est pas le plus vieux quasar (le plus vieux jamais découvert à ce jour est J1342+0928, situé à un redshift z = 7.5413), il s’agit cependant du quasar possédant la plus grande luminosité bolométrique (magnitude d’un objet en considérant la totalité du spectre électromagnétique).
Grâce à la luminosité des quasars, les astrophysiciens disposent d’un outil efficace pour étudier le milieu intergalactique. Durant son parcours jusqu’à la Terre, le spectre de la lumière est altéré par l’hydrogène intergalactique et livre ainsi d’importantes informations sur le cosmos. Récemment, les scientifiques ont utilisé la lumière d’un quasar pour résoudre l’énigme des baryons manquants de l’Univers.
« Nous voyons P352-15 lorsque l’Univers était âgé de moins d’un milliard d’années » Chris Carilli, astronome au NRAO. « C’est-à-dire la fin de la période où les premières étoiles et galaxies ont ré-ionisé l’hydrogène neutre du milieu intergalactique. Des observations futures nous permettront d’utiliser ce quasar pour mesurer la quantité d’hydrogène neutre restante à cette époque. La luminosité de ce quasar en fait un outil unique pour étudier les processus qui se sont déroulés dans les premières galaxies de l’Univers » conclut-il.