Les quasars sont des objets cosmiques extrêmement brillants, source d’importantes émissions électromagnétiques provenant du trou noir supermassif en leur centre. Depuis plusieurs années, les quasars sont activement étudiés par les astrophysiciens car ils offrent des informations essentielles sur plusieurs phénomènes cosmologiques (comme les rayons cosmiques, les sursauts gamma, etc.), et ont permis de conforter certains principes de la relativité générale. Récemment, des chercheurs ont observé le quasar le plus massif jamais détecté dans l’Univers jeune, formé moins de 700 millions d’années après le Big Bang. L’existence d’un tel objet pose un important défi concernant les modèles de formation des trous noirs supermassifs aussi tôt dans l’histoire de l’Univers.
Les astronomes ont découvert le deuxième quasar le plus éloigné jamais trouvé à l’aide de trois observatoires de Maunakea à Hawaï : l’observatoire WM Keck, l’observatoire international Gemini, un programme du NSIRLab de la NSF et le télescope infrarouge du Royaume-Uni appartenant à l’Université d’Hawaï (UKIRT). C’est le premier quasar à recevoir un nom hawaïen indigène, Pōniuā`ena, qui signifie « source de création tournante invisible, entourée de brillance » dans la langue hawaïenne.
Pōniuā`ena n’est que le deuxième quasar détecté à un redshift supérieur à 7.5 et il abrite un trou noir deux fois plus grand que l’autre quasar connu à la même distance. L’existence de ces trous noirs massifs à une époque aussi précoce remet en question les théories actuelles sur la formation et la croissance des trous noirs supermassifs dans l’Univers jeune.
Un challenge concernant les théories sur la formation des trous noirs dans l’Univers jeune
Les quasars sont les objets les plus énergétiques de l’Univers, alimentés par leurs trous noirs supermassifs, et depuis leur découverte, les astronomes ont tenu à déterminer quand ils sont apparus pour la première fois dans l’histoire cosmique. En recherchant systématiquement ces objets dans les relevés du ciel à grande échelle, les astronomes ont découvert le quasar le plus éloigné (nommé J1342+0928) en 2018 et maintenant le deuxième plus éloigné, Pōniuā`ena (ou J1007+2115).
La lumière perçue de Pōniuā`ena a voyagé dans l’espace pendant plus de 13 milliards d’années depuis qu’elle a quitté le quasar à peine 700 millions d’années après le Big Bang. Les observations spectroscopiques de l’Observatoire de Keck et de l’Observatoire Gemini montrent que le trou noir supermassif alimentant Pōniuā`ena est 1.5 milliard de fois plus massif que notre soleil.
Pōniuā`ena est l’objet le plus éloigné connu dans l’Univers hébergeant un trou noir dépassant un milliard de masses solaires. Pour qu’un trou noir de cette taille se forme aussi tôt dans l’Univers, il devrait commencer comme un trou noir initial de 10’000 masses solaires environ 100 millions d’années après le Big Bang, plutôt que de se développer à partir d’un trou noir beaucoup plus petit formé par l’effondrement d’une seule étoile.
« Comment l’univers peut-il produire un trou noir aussi massif si tôt dans son histoire ? Cette découverte présente le plus grand défi à ce jour pour la théorie de la formation et de la croissance des trous noirs dans l’Univers primitif », explique Xiaohui Fan, professeur à l’Université de l’Arizona.
Mieux comprendre l’époque de la réionisation
La théorie actuelle place la naissance des étoiles et des galaxies telles que nous les connaissons à l’époque de la réionisation, qui a commencé environ 400 millions d’années après le Big Bang. On pense que la croissance des premiers trous noirs géants s’est produite à cette même époque de l’histoire de l’univers.
La découverte de quasars comme Pōniuā`ena, au plus profond de l’époque de la réionisation, est un grand pas vers la compréhension de ce processus de réionisation et la formation de premiers trous noirs supermassifs et de galaxies massives. Pōniuā`ena a imposé de nouvelles et importantes contraintes à l’évolution de la matière entre les galaxies (milieu intergalactique) à l’époque de la réionisation.
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« Pōniuā`ena agit comme un phare cosmique. Alors que sa lumière parcourt le long voyage vers la Terre, son spectre est altéré par le gaz diffus dans le milieu intergalactique qui nous a permis de déterminer quand l’Époque de la réionisation s’est produite », indique Joseph Hennawi, professeur au Département de physique de l’Université de Californie.
Un concours de plusieurs instruments d’observation
L’équipe de Yang a d’abord détecté Pōniuā`ena comme un quasar possible après avoir passé au crible des relevés de grande envergure tels que l’UKIRT Hemisphere Survey et des données du télescope Pan-STARRS1. En 2019, les chercheurs ont observé l’objet à l’aide de l’instrument GNIRS de l’Observatoire Gemini ainsi que du Near Infrared Echellette Spectrograph de l’Observatoire Keck (NIRES) pour confirmer l’existence de Pōniuā`ena.
« Les données préliminaires de Gemini suggéraient qu’il s’agissait probablement d’une découverte importante. Notre équipe avait prévu une heure d’observation à Keck quelques semaines plus tard, parfaitement synchronisée pour observer le nouveau quasar à l’aide du spectrographe NIRES de Keck afin de confirmer son décalage vers le rouge extrêmement élevé et mesurer la masse de son trou noir », indique Aaron Barth, professeur au Département de physique et d’astronomie de l’Université de Californie.