Une équipe d’astronomes a identifié la plus grande structure de l’Univers connue à ce jour, mesurant 1,4 milliard d’années-lumière de diamètre et abritant l’équivalent de 240 quadrillions de masses solaires. Baptisée Quipu, la superstructure s’étend en un long filament principal et plusieurs filaments latéraux au niveau desquels se répartissent des amas de galaxies. L’étude de ce type de structure peut avoir une influence considérable sur notre compréhension de l’évolution de l’Univers.
À très grande échelle, l’Univers semble presque homogène. En revanche, à des échelles avoisinant le milliard d’années-lumière et dans notre voisinage cosmique, il est caractérisé par des agglomérations de matière se rassemblant par région en amas ou en superamas. Les superstructures sont des structures extrêmement étendues regroupant des amas et des superamas de galaxies.
Elles sont si massives qu’elles influencent la manière dont nous observons l’Univers. Certaines sont même si immenses qu’elles remettent en question nos modèles standards d’évolution cosmologique. Des efforts sont engagés dans l’étude de ces structures, notamment pour tester les principaux modèles cosmologiques.
Cependant, la plupart des études ne décrivent les superstructures que de manière statistique. Or, leur cartographie et la description des propriétés individuelles de leurs sous-éléments structurels fourniraient de précieuses informations sur l’évolution de l’Univers. D’un autre côté, les efforts visant à cartographier la distribution de la matière de l’Univers se concentrent principalement sur les objets présentant un indice de décalage vers le rouge maximal de 0,3 (plus l’objet est éloigné, plus son décalage vers le rouge est important).
En cartographiant les objets présentant des indices de décalage vers le rouge compris entre 0,3 et 0,6, des chercheurs de l’Institut Max Planck de physique extraterrestre et de l’Institut Max Planck de physique ont identifié la plus grande superstructure connue à ce jour.
« Quipu est en fait une structure proéminente facilement visible à l’œil nu sur une carte du ciel des amas dans la gamme de décalage vers le rouge cible, sans l’aide d’une méthode de détection », a écrit l’équipe dans son rapport prépublié sur la plateforme arXiv. L’Observatoire universitaire de Munich, l’Université de Cape Town et l’Agence spatiale européenne (ESA) ont également contribué à l’étude.
De gigantesques structures occupant 13 % du volume de l’Univers
Pour détecter Quipu, l’équipe de la nouvelle étude a utilisé un atlas presque complet des amas de galaxies de l’univers proche. Le catalogue a été assemblé à l’aide du satellite à rayons X ROSAT, cartographiant l’ensemble du ciel depuis les années 1990. Les chercheurs se sont concentrés sur les amas de galaxies à rayons X, ceux-ci pouvant contenir des milliers de galaxies et de grandes quantités de gaz intra-amas ultra-chauds et émettant de grandes quantités de rayonnement X. Ces émissions sont essentielles pour l’évaluation de la masse des superstructures et la répartition de la matière qui les composent.
Cette cartographie détaillée a permis aux chercheurs d’obtenir un aperçu précis des amas et de leurs distances. Plus précisément, ils ont obtenu une cartographie tridimensionnelle de leur répartition. Bien que le catalogue couvre l’ensemble du cosmos jusqu’à une distance d’environ 1 milliard d’années-lumière, Quipu apparaît bien plus étendue que toutes les autres structures.
« Si l’on observe la répartition des amas de galaxies dans le ciel au sein d’une coquille sphérique à une distance de 416 à 826 millions d’années-lumière, on remarque immédiatement une structure gigantesque qui s’étend des hautes latitudes nord jusqu’à presque l’extrémité sud du ciel », explique dans un communiqué de l’Institut Max Planck de physique, Hans Böhringer, auteur principal de l’étude.
S’étendant sur une longueur d’environ 1,4 milliard d’années-lumière, Quipu abrite 68 amas de galaxies et possède une masse totale estimée à 2,4 × 10¹⁷ masses solaires (240 quadrillions). Nommée ainsi en référence au système de mesure inca composé de cordes et de nœuds, la superstructure détient actuellement le record de taille pour toutes les structures à grande échelle mesurées de manière fiable. Le précédent record est détenu par le « Grand Mur de Sloan », qui, lui, s’étend sur environ 1,1 milliard d’années-lumière et se situe beaucoup plus loin de Quipu.
Des études antérieures suggèrent l’existence d’une superstructure beaucoup plus grande appelée « Le Grand Mur d’Hercule-Couronne boréale », qui s’étendrait sur 10 milliards d’années-lumière. Cependant, son existence est controversée. Mis à part Quipu, les chercheurs ont également identifié quatre autres superstructures. Ensemble, les cinq superstructures abriteraient 45 % des amas de galaxies de l’Univers, 30 % des galaxies et 25 % de la matière ordinaire. Ainsi, elles occuperaient ensemble 13 % du volume total de l’Univers.
Une influence sur les modélisations de phénomènes cosmologiques
Les experts affirment que les superstructures du type de Quipu sont si massives qu’elles laissent une empreinte sur le fond diffus cosmologique (CMB), le rayonnement résiduel du Big Bang. Leur influence gravitationnelle modifierait la structure du CMB, produisant des fluctuations. Ces fluctuations introduisent des interférences dans les modélisations du CMB et, par extension, dans celui du Big Bang.
Les superstructures peuvent aussi avoir un impact sur les mesures de la constante de Hubble, la valeur décrivant la vitesse d’expansion de l’Univers. Alors que les galaxies s’éloignent les unes des autres en raison de cette expansion, elles présentent également des vitesses locales dites « mouvements de flux ». La masse des superstructures peut influencer ces mouvements de flux et introduire des biais dans les mesures de la constante de Hubble.
Toutefois, « dans l’évolution cosmique future, ces superstructures sont vouées à se briser en plusieurs unités qui s’effondrent », précisent les chercheurs. « Il s’agit donc de configurations transitoires. Mais pour l’instant, ce sont des entités physiques particulières avec des propriétés caractéristiques et des environnements cosmiques particuliers qui méritent une attention particulière », concluent-ils.