Découverte de la plus ancienne structure en bois au monde, datant d’avant Homo Sapiens (476 000 ans)

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Le professeur Larry Barham (à droite) découvre la structure en bois sur les rives d'une rivière. | Professeur Geoff Duller, Université d'Aberystwyth
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Des archéologues ont découvert en Zambie la plus ancienne structure en bois, datant d’un demi-million d’années, remettant en question nos connaissances sur les compétences des premiers humains. Cette structure, probablement un bout de plateforme ou d’habitation, démontre un savoir-faire avancé bien avant l’apparition d’Homo sapiens. Elle suggère entre autres une sédentarisation plus précoce qu’on ne le pensait.

Les objets en bois du début de l’âge de pierre survivent rarement au temps, car ils nécessitent des conditions de conservation exceptionnelles. Par conséquent, les chercheurs disposent d’informations limitées sur la manière dont les hominidés utilisaient cette matière première.

Il y a un demi-million d’années, bien avant ce que l’on pensait possible, les humains construisaient déjà des structures en bois. Cette affirmation audacieuse découle de recherches récentes menées par une équipe de l’Université de Liverpool et de l’Université d’Aberystwyth. Selon leur étude publiée dans la revue Nature, des fouilles à Kalambo Falls, en Zambie, ont révélé une structure en bois bien conservée (basée sur deux troncs) datant d’au moins 476 000 ans, antérieure à l’évolution de notre propre espèce, Homo sapiens.

Des compétences avancées en menuiserie

L’étude des traces laissées sur le bois révèle une maîtrise technique impressionnante pour l’époque. Les marques de coupe, nettes et précises, indiquent que ces premiers humains ont non seulement coupé, mais également travaillé ces troncs avec une intention précise. L’assemblage des deux imposants morceaux suggère une construction élaborée, probablement destinée à servir de base solide, que ce soit pour une plateforme ou une partie d’une habitation.

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La structure en bois. © Professeur Larry Barham, Université de Liverpool

En effet, c’est la première fois que l’on met en évidence une telle utilisation du bois à des fins de construction complexe. Jusqu’alors, les preuves archéologiques montraient que nos ancêtres utilisaient principalement le bois pour des besoins plus basiques, comme le feu ou la fabrication de lances pour la chasse. Cette nouvelle révélation remet donc en question notre compréhension des compétences et des capacités des premiers humains, avant homo sapiens ;

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a. Élément de la structure. b. « Coin ». c. « Bâton à creuser ». d. Bûche coupée BLB4. e. Pièce conique avec une seule encoche. Barres d’échelle : 10 cm. © L. Barham et al., 2023

Un site préservé par des conditions uniques

Le bois, matériau organique, est sujet à une décomposition rapide lorsqu’il est exposé aux éléments, rendant sa préservation sur de longues périodes exceptionnellement rare, surtout dans les sites archéologiques anciens. Toutefois, les conditions particulières à Kalambo Falls ont joué un rôle crucial dans la conservation de ces vestiges. Les niveaux d’eau élevés et constants ont créé un environnement anaérobie, empêchant l’oxygène d’atteindre le bois et ralentissant ainsi sa dégradation.

Ces morceaux de bois ainsi conservés offrent un aperçu de la vie des premiers humains. Contrairement à l’idée largement répandue que les groupes humains de l’âge de pierre étaient principalement nomades, se déplaçant constamment à la recherche de nourriture, la présence de cette structure en bois à Kalambo Falls suggère une sédentarisation partielle.

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L’équipe de fouille découvre la structure en bois. © Professeur Larry Barham, Université de Liverpool

La proximité d’une source d’eau constante, combinée à la richesse de la forêt environnante, offrait aux humains tout ce dont ils avaient besoin pour subsister. Ainsi, plutôt que de suivre constamment les troupeaux ou de chercher de nouveaux territoires de chasse, ces premiers groupes humains ont trouvé avantageux de s’établir, d’exploiter les ressources locales et de construire des structures durables, témoignant d’une évolution majeure dans leur mode de vie.

Des méthodes de datation innovantes

La datation précise des découvertes a été réalisée par des experts de l’Université d’Aberystwyth. Ils ont utilisé de nouvelles techniques de datation par luminescence. Elle repose sur le principe que certains minéraux, en particulier le quartz et le feldspath, emmagasinent de l’énergie lorsqu’ils sont exposés à la lumière du soleil. Lorsque ces minéraux sont ensuite enterrés et protégés de la lumière, ils conservent cette énergie. Avec le temps, sous l’effet de la radioactivité naturelle du sol, ces minéraux la libèrent progressivement sous forme de photons.

La technique consiste à prélever un échantillon du site, à le protéger de toute source de lumière, puis à le chauffer ou à l’exposer à une source lumineuse contrôlée en laboratoire. L’énergie emmagasinée est alors libérée sous forme de lumière, dont l’intensité est mesurée. Plus l’intensité est élevée, plus l’échantillon a été enterré longtemps.

En mesurant la quantité de lumière émise et en connaissant le taux de radioactivité du site où l’échantillon a été prélevé, les chercheurs peuvent calculer la dernière fois que l’échantillon a été exposé à la lumière du soleil, donnant ainsi une estimation de son âge. Dans le cas de Kalambo Falls, cette méthode a permis de déterminer que les minéraux entourant les vestiges en bois avaient été exposés à la lumière pour la dernière fois il y a environ 476 000 ans.

Un regard neuf sur nos ancêtres et un site d’importance mondiale

Le professeur Larry Barham, de l’Université de Liverpool, a exprimé dans un communiqué à quel point cette découverte bouleverse la vision relativement limitée des capacités cognitives et techniques de nos ancêtres.

Elle suggère une profondeur de réflexion et d’ingéniosité bien plus avancée qu’on ne le pensait. Ces premiers humains n’étaient donc pas simplement des êtres réactifs, adaptant leur comportement aux défis immédiats de leur environnement. Ils étaient proactifs, anticipant les besoins futurs et utilisant leur intelligence pour conceptualiser et réaliser des structures qui n’avaient jamais existé auparavant.

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Kalambo Falls, Zambie, où la structure a été trouvée. © Professeur Geoff Duller, Université d’Aberystwyth

Le professeur Geoff Duller de l’Université d’Aberystwyth explique : « Nos recherches prouvent que ce site est beaucoup plus ancien qu’on ne le pensait, et que son importance archéologique est donc encore plus grande ». C’est pourquoi Kalambo Falls, situé au-dessus d’une cascade de 235 mètres à la frontière de la Zambie avec la région de Rukwa en Tanzanie, est en lice pour devenir un site du patrimoine mondial de l’UNESCO, en raison de son importance archéologique. Le professeur Barham conclut : « Les chutes de Kalambo sont un site extraordinaire et un atout patrimonial majeur pour la Zambie ».

Source : Nature

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