Avec pratiquement 5000 espèces décrites actuellement, les virus sont omniprésents sur Terre. Du fond des océans au sang humain en passant par l’atmosphère, ces agents infectieux acaryotes peuvent adopter des structures extrêmement simples comme extrêmement complexes ; à ce titre, les virologues les étudient depuis de nombreuses années, en axant de plus en plus leurs travaux sur les génomes viraux. Et récemment, une équipe de chercheurs a découvert un virus dont le génome ne ressemble à aucun autre génome viral connu.
Le Yaravirus, nommé d’après Yara — ou Iara, une figure de reine de l’eau dans la mythologie brésilienne —, a été récupéré dans le lac Pampulha, un lac artificiel dans la ville brésilienne de Belo Horizonte. Le Yaravirus (Yaravirus brasiliensis) constitue une nouvelle lignée de virus amibiens avec une origine et une phylogénie déroutantes, selon l’équipe de recherche.
Les virologues Bernard La Scola de l’Université Aix-Marseille en France et Jônatas S. Abrahão de l’Université fédérale du Brésil Minas Gerais, ne sont pourtant pas des débutants. Il y a deux ans, le duo a aidé à découvrir une autre nouveauté virale aquatique : le Tupanvirus, un virus potentiellement géant trouvé dans les habitats aquatiques extrêmes.
Virus géants : ils peuvent réaliser des tâches biologiques complexes
Les virus géants, contrairement à la variété régulière, sont appelés ainsi en raison de leurs énormes capsides (coquilles de protéines qui encapsulent les virions). Ces formes virales beaucoup plus grandes n’ont été découvertes que ce siècle, mais elles ne sont pas seulement remarquables pour leur taille. Elles possèdent également des génomes plus complexes, leur donnant la capacité de synthétiser des protéines, et donc d’effectuer des tâches complexes comme la réparation de l’ADN, ainsi que la réplication, la transcription et la traduction de l’ADN.
Avant leur découverte, on pensait que les virus ne pouvaient pas réaliser de telles choses, étant considérés comme des entités relativement inertes et non vivantes, seulement capables d’infecter leurs hôtes. Nous savons maintenant que les virus sont beaucoup plus complexes qu’on ne le croyait autrefois, et ces dernières années, les scientifiques ont découvert d’autres types de formes virales qui remettent également en question notre réflexion sur la façon dont les virus peuvent se propager et fonctionner. La nouvelle découverte, le Yaravirus, ne semble pas être un virus géant, composé de petites particules de 80 nm.
Yaravirus : un virus au génome presque totalement nouveau
Mais ce qui est remarquable, c’est à quel point son génome est unique. « La plupart des virus connus de l’amibe ont été vus pour partager de nombreuses fonctionnalités qui ont finalement incité les auteurs à les classer en groupes évolutifs communs. Contrairement à ce qui est observé dans d’autres virus isolés de l’amibe, le Yaravirus n’est pas représenté par une taille géante et un génome complexe, mais porte en même temps un nombre important de gènes non décrits auparavant », écrivent les auteurs.
Dans leurs investigations, les chercheurs ont découvert que plus de 90% des gènes du Yaravirus n’avaient jamais été décrits auparavant, constituant ce que l’on appelle des gènes orphelins (ORFans). Seuls six gènes trouvés ressemblaient de loin à des gènes viraux connus documentés dans des bases de données scientifiques publiques, et une recherche parmi plus de 8500 métagénomes accessibles au public ne donnait aucun indice sur ce à quoi le Yaravirus pourrait être étroitement lié.
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Des virus géants aux formes virales plus réduites ?
« En utilisant des protocoles standard, notre toute première analyse génétique n’a pu trouver aucune séquence reconnaissable de capside ou d’autres gènes viraux classiques dans le Yaravirus. Suivant les protocoles métagénomiques actuels pour la détection virale, le Yaravirus ne serait même pas reconnu comme un agent viral ».
Quant à ce qu’est réellement le Yaravirus, les chercheurs ne peuvent que spéculer pour l’instant, mais suggèrent qu’il pourrait s’agir du premier cas isolé d’un groupe inconnu de virus amibiens, ou potentiellement d’un type éloigné de virus géant qui aurait pu évoluer en une forme réduite.