Afin de se défendre contre les agents pathogènes, notre organisme active le système immunitaire par le biais de différents processus, dont l’inflammation. Cependant, il existe certains cas où ce système de défense naturel est soit trop exacerbé, ou au contraire n’est pas de taille à lutter contre une infection. Cela se produit notamment respectivement lors de maladies inflammatoires et lors d’une antibiorésistance, qui représentent deux grands défis de l’industrie pharmaceutique. Des chercheurs ont peut-être trouvé un moyen de surmonter ces défis, en identifiant une voie intracellulaire cruciale. Elle permettrait à la fois de lutter contre les infections chroniques résistantes et de moduler les réponses inflammatoires.
Face à notre environnement extérieur, qui nous expose à un grand nombre de micro-organismes, notre système immunitaire doit constamment être préparé à répondre à une éventuelle menace. Chacune de ces dernières nécessite un type de réponse distinct, médié par la capacité à reconnaître des agents pathogènes, de laquelle dépend notre survie.
Pour ce faire, les macrophages — notre « brigade » de défense naturelle innée — reconnaissent les organismes et les molécules étrangères grâce à des systèmes de ligands spécifiques, appelés toll-like receptors (TLR). Cette reconnaissance « d’empreinte » microbienne, normalement non exprimée par les organismes supérieurs, serait une capacité particulière qui aurait été conservée au cours de notre évolution. Dans ce sens, les récepteurs TLR sont en première ligne pour reconnaître et se lier aux agents pathogènes, et induire les réponses immunitaires appropriées.
D’après la nouvelle étude, publiée dans la revue PNAS, la détection par les TLR situés à la surface des macrophages s’effectue selon différents contextes. Si la menace est proche, les macrophages induisent une réponse antimicrobienne (comme la phagocytose), tandis qu’une menace plus éloignée (et détectée par le biais de signaux solubles) enclenche une réponse inflammatoire.
L’étude des chercheurs australiens se concentre particulièrement sur le moyen de contrôler sélectivement les réponses antimicrobiennes et anti-inflammatoires. « Les thérapies dirigées par l’hôte, qui entraînent notre système immunitaire à combattre les infections, deviendront de plus en plus importantes à mesure que de plus en plus de bactéries deviennent résistantes aux antibiotiques connus », explique dans un communiqué Matthew Sweet, professeur à l’Institut de biologie moléculaire de l’Université du Queensland à Brisbane (Australie) , et co-auteur principal de la nouvelle étude.
L’équipe de recherche a en effet découvert une voie interne aux macrophages, au sein de laquelle le ribulose-5-phosphate (un métabolite) intervient en modulant ces deux réponses (antimicrobienne et anti-inflammatoire) à la fois. La stimulation de cette voie pourrait potentiellement venir à bout des agents pathogènes résistants aux antibiotiques. De plus, cela pourrait aboutir à des stratégies efficaces pour les maladies inflammatoires chroniques (asthme, polyarthrite rhumatoïde, diabète, démence, etc.). « Cette stratégie désactive également l’inflammation destructrice, ce qui lui donne le potentiel de lutter contre diverses maladies chroniques », indique Sweet.
Des activités antimicrobiennes et immunomodulatrices
D’après les résultats de la nouvelle étude, la lysine désacétylase cytoplasmique (HDAC7) produite par les macrophages agirait tel un « interrupteur » métabolique, triant les signaux et activant les réponses immunitaires les plus appropriées. Plus en amont, la glycolyse de la HDAC7 et la production de l’interleukine bêta-1 (une molécule pro-inflammatoire) sont enclenchées par des lipopolysaccharides (LPS) ainsi que par des signaux solubles indiquant un danger éloigné.
D’un autre côté, la HDAC7 initie la voie des pentoses phosphates (PPP), qui induisent la production de NADPH et d’espèces réactives à l’oxygène (ROS). Ces derniers sont des réponses immunitaires correspondant à la détection d’une menace proche des macrophages. Les chercheurs de la nouvelle étude ont pu identifier cette voie grâce à des tests sur Escherichia coli uropathogène, une forme pathogène de la bactérie Escherichia coli. Il faut savoir que cette bactérie est responsable d’environ 80% des infections des voies urinaires et serait une cause fréquente de septicémie.
Ensuite, le NADPH induit la production de ROS antimicrobiens, ainsi que du D-ribulose-5-phosphate (RL5P). Et d’après les chercheurs, ce dérivé du glucose travaille avec les ROS pour éliminer les bactéries et supprimer à la fois les réponses inflammatoires sélectives. Cette double fonctionnalité de l’axe HDAC7-RL5P prioriserait ainsi les réponses aux menaces proximales. De plus, ces résultats révèlent que le métabolite RL5P possède à la fois des capacités antimicrobiennes et immunomodulatrices.
En plus d’empêcher les réponses inflammatoires destructrices, « les effets de cette molécule appelée ribulose-5-phosphate (RL5P) sur les bactéries sont frappants. Elle peut coopérer avec d’autres facteurs immunitaires pour empêcher la croissance de souches pathogènes de la bactérie E. coli », souligne Kaustav Das Gupta, auteur principal de l’étude et également professeur à l’Institut de biologie moléculaire de l’Université du Queensland.
Afin de pouvoir exploiter cliniquement la voie de synthèse nouvellement découverte, les chercheurs ont conçu une approche basée sur la technologie ARNm (pouvant cibler des protéines intracellulaires). Le groupe de recherche a d’ailleurs pu constater que leur technologie permettait de synthétiser avec succès une enzyme catalysant le RL5P. Par ailleurs, le pouvoir de contrôle de ce dernier a pu être testé précliniquement pour les infections bactériennes, ainsi que pour l’inflammation sur des cellules humaines isolées. Le brevet de commercialisation de la technologie serait en bonne voie.