La physique intuitive constitue un élément important du « bon sens » de la pensée. Actuellement, les systèmes d’IA n’intègrent pas cette compréhension, alors même que les très jeunes enfants la possèdent. En s’appuyant sur le domaine de la psychologie du développement, des chercheurs de DeepMind ont développé un système qui a la capacité d’apprendre des concepts physiques simples d’elle-même, comme le fait qu’un objet ne plane pas en l’air avant de tomber. Cela pourrait conduire à un logiciel plus performant, dont l’apprentissage nécessite moins de ressources informatiques.
Ces dernières années, le domaine de l’intelligence artificielle a fait beaucoup de progrès, en permettant de maîtriser des tâches complexes. Par exemple, l’entreprise britannique DeepMind a créé des IA capables de battre aux échecs des joueurs experts, d’écrire des logiciels et même de prédire la structure de toutes les protéines connues.
« En même temps, le succès dans ces domaines étroits a fait apparaître de plus en plus clairement que quelque chose de fondamental manque encore », écrivent les chercheurs de DeepMind dans leur article, publié dans la revue Nature Human Behaviour. « En particulier, les systèmes d’IA les plus avancés ont encore du mal à saisir les connaissances de ‘bon sens’ qui guident la prédiction, l’inférence et l’action dans les scénarios humains quotidiens ». Les chercheurs se sont alors focalisés sur un domaine de sens commun : la physique intuitive. Elle concerne notamment les objets qui suivent des lois physiques fondamentales, comme le fait qu’un objet solide ne peut pas occuper le même espace qu’un autre.
Des connaissances en physique déjà intégrées par les très jeunes enfants
D’après les psychologues du développement, même les bébés à la naissance possèderaient ce type de connaissances de « bon sens ». L’enfant apprend ensuite les règles physiques qui régissent le comportement de l’objet en le regardant se déplacer dans le monde. Les scientifiques ont donc conçu un modèle de physique intuitive, en intégrant dans un système d’IA les mêmes connaissances que celles des très jeunes enfants. Ils ont également créé un moyen de tester le modèle, similaire aux méthodes utilisées pour évaluer la cognition chez les nourrissons.
D’ordinaire, les systèmes d’apprentissage profond d’IA (ou deep-learning) s’entraînent à identifier des modèles, mais sans savoir comment ils se comporteraient dans une scène dynamique (où ils se déplacent et se heurtent les uns aux autres). Les chercheurs ont mis on point une IA appelée PLATO (Physics Learning through Auto-encoding and Tracking Objects) conçue pour aider un programme à comprendre que le monde est composé d’objets entiers qui suivent des lois physiques fondamentales.
PLATO : un apprentissage de cinq concepts physiques fondamentaux avec 300 000 vidéos
L’objectif était de faire comprendre à PLATO cinq concepts physiques d’un objet : la permanence (il existe toujours même s’il n’est pas visible), la solidité, la continuité (les objets se déplacent selon des trajectoires continues), l’immuabilité (les propriétés d’un objet restent toujours les mêmes) et l’inertie directionnelle (un objet ne change de direction qu’en vertu de la loi d’inertie). Les chercheurs ont entraîné le modèle à identifier les objets et leurs interactions à l’aide d’environ 300 000 vidéos : une balle qui tombe, une autre qui roule derrière une barrière pour réapparaître de l’autre côté, etc.
Le modèle prédisait correctement le comportement des objets selon les lois de la physique, ce qui montre qu’une vision du monde centrée sur les objets pourrait conférer à une IA un ensemble de capacités plus généralisées et plus adaptables, d’après Luis Piloto de DeepMind.
Un autre aspect intéressant de l’étude est sa proximité avec ce que l’on connaît en psychologie cognitive. Les chercheurs ont ainsi adopté le paradigme de la violation des attentes de la psychologie du développement. Cette théorie explore la manière dont les individus réagissent aux violations imprévues des normes et attentes, tout comme les chercheurs ont analysé la prédiction de PLATO quand un objet suivait un chemin impossible.
Toutefois, les chercheurs soulignent que leur expérience n’est pas encore reproductible, c’est-à-dire que d’autres personnes ne peuvent pas obtenir les mêmes résultats dans d’autres conditions, ce qui constitue une limite importante pour les approfondir.