La Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) étudie actuellement les potentielles applications militaires des jetpacks et autres systèmes de vol individuels. Ce 2 mars, dans le cadre de deux programmes fédéraux visant à soutenir financièrement les petites entreprises technologiquement innovantes, l’agence a ainsi formulé un appel à projets pour mieux saisir le caractère pratique « d’un système de mobilité aérienne individuel portatif ».
Pour la phase I, l’étude de faisabilité du projet, la DARPA accepte de financer les propositions à hauteur de 225 000 dollars, pour une période d’exécution de six mois. Au cours de cette période, les concepts proposés feront l’objet d’une analyse rigoureuse de leurs capacités en matière de performance. Et si une technologie est jugée suffisamment intéressante, la seconde phase consistera à développer le concept pour des essais au sol et en vol ; l’agence est prête à financer jusqu’à 1,5 million de dollars les projets atteignant cette étape.
Jusqu’à présent, ce type d’équipement appartenait au domaine du cinéma ou du divertissement. Mais dans un proche avenir, les soldats américains pourraient donc évoluer dans le ciel équipés de jetpacks, ou tout autre système assimilé, et infiltrer les territoires ennemis plus discrètement. Ce serait alors la première fois qu’une grande puissance mondiale déploierait de tels équipements pour le service actif.
Un système simple à mettre en place et à piloter
L’intérêt des forces armées pour les jetpacks ne date pas d’hier. Le United States Special Operations Command — une unité de forces spéciales américaines — aurait signé un accord de développement avec JetPack Aviation, société fondée par David Mayman, dès 2016. Le modèle JB-11 conçu par la société, propulsé par six petits moteurs à réaction, peut atteindre la vitesse de 200 km/h et affiche une autonomie de dix minutes environ. Plus récemment, en 2020, la Royal Navy britannique a testé avec succès un jetpack de Gravity Industries, la société de Richard Browning ; le test consistait à envoyer rapidement des soldats sur un bateau de patrouille à partir d’un zodiac, alors que les deux embarcations étaient en mouvement. Aujourd’hui, la DARPA s’attend à ce qu’on lui soumette au choix des projets s’inspirant de ces systèmes déjà fonctionnels, ou bien complètement nouveaux.
« Les systèmes peuvent être déployés par voie aérienne pour permettre l’infiltration en territoire hostile, ou déployés au sol pour permettre une plus grande mobilité hors route sans utiliser les avions de décollage et d’atterrissage verticaux existants tels que les hélicoptères et les CV-22 » précise la DARPA. Le Pentagone se dit intéressé par toute technologie originale et innovante qui permette de se déplacer individuellement dans les airs. L’Agence n’est donc pas focalisée exclusivement sur les jetpacks. Des équipements du type wingsuits (combinaisons « ailées »), planeurs et parafoils (dispositifs à parachute) motorisés seront également étudiés de près.
Pas de restriction non plus concernant l’alimentation de l’engin : le système pourra reposer sur des technologies de propulsion électrique, des piles à hydrogène ou des systèmes de propulsion conventionnels à carburant lourd. L’un des principaux critères à respecter est une prise en main relativement facile, de manière à ce que tout le monde puisse l’utiliser, quelle que soit sa formation initiale. « Il est prévu que les fonctions de contrôle assistées par ordinateur et les interfaces intuitives permettent un système opérationnel efficace », précise la DARPA. En outre, la conception globale du système doit permettre une mise en place rapide de l’équipement. Enfin, l’agence de recherche précise que les systèmes retenus pourraient être à usage unique ou bien réutilisables, à condition qu’ils nécessitent peu de travail de reconditionnement et de redéploiement.
Un usage non exclusivement militaire
À quels usages concrets la Défense destine-t-elle ce genre d’équipement ? La DARPA souligne que l’agilité d’un tel système de vol individuel pourrait s’avérer particulièrement utile dans des domaines tels que la logistique du personnel, le combat urbain augmenté, la recherche et le sauvetage des combattants, l’interdiction maritime — une stratégie militaire visant à empêcher l’ennemi d’utiliser la voie maritime —, ou encore les infiltrations et exfiltrations menées par les forces d’opérations spéciales.
Tout repose évidemment sur la maniabilité de l’équipement, qui doit pouvoir être stocké dans un ou plusieurs conteneur(s), portable(s) par une seule personne. Le programme AFWERX Agility Prime, qui vise quant à lui à développer de petits avions électriques à décollage et atterrissage verticaux pour l’US Air Force, ne fournit évidemment pas le même niveau d’agilité. « Les systèmes doivent être conçus de telle sorte que l’assemblage et le déploiement puissent avoir lieu en moins de 10 minutes en utilisant uniquement des outils simples ou aucun outil du tout », précise l’agence dans son cahier des charges.
Une fois déployé, le système doit offrir une mobilité sur une portée d’au moins 5 kilomètres, à des altitudes basses à moyennes ; il doit en outre ne nécessiter aucun facteur environnemental (tel que le vent ou l’altitude) pour pouvoir décoller. Discrétion oblige, le système doit être furtif, peu bruyant et affichant une faible signature infrarouge.
Selon les résultats de cet effort de développement, les différents acteurs de la Défense américaine, y compris les unités de forces spéciales, pourraient être intéressés par une production en masse de la ou des technologie(s) retenue(s). Enfin, la DARPA précise aux entrepreneurs intéressés par l’appel à projet que leur technologie pourrait également avoir un usage autre que militaire ; elle évoque notamment les différents organismes d’intervention d’urgence (police, recherche, sauvetage, premiers soins médicaux, etc.), mais aussi des cas d’usage moins critiques, tels que la mobilité urbaine ou les loisirs.