L’hypothèse du « démon » de Maxwell, une entité théorique capable de défier les lois de la thermodynamique, trouve une résonance inattendue dans la biologie moderne. Des recherches récentes ont identifié des protéines cellulaires agissant de manière similaire à ce démon. La présence de ces protéines dans la plupart des organismes remet ainsi en question nos connaissances actuelles de la thermodynamique et pourrait influencer de futures approches thérapeutiques en médecine.
La thermodynamique est un pilier fondamental de la physique, définissant une partie des importantes lois régissant l’univers. Les lois de la thermodynamique sont considérées depuis longtemps comme inébranlables. Au milieu du XIXe siècle, une hypothèse formulée par le physicien James Clerk Maxwell a suscité une curiosité particulière. Il suggère une entité capable de contredire ces principes. Ce « démon », comme il l’a appelé, opérerait une porte entre deux boîtes de gaz, permettant à l’une de devenir plus chaude que l’autre.
Cette idée, bien qu’abstraite, a suscité de nombreuses discussions et débats dans le monde scientifique. Aujourd’hui, des découvertes récentes dans le monde biologique semblent donner corps à cette idée. Ces révélations pourraient ouvrir la voie à de nouvelles perspectives en recherche biomédicale. Les travaux de l’équipe, de l’École polytechnique fédérale de Zürich (EPFZ), sont publiés dans la revue Communications Physics.
Des protéines aux propriétés étonnantes
Les auteurs de l’étude ont découvert des protéines spécifiques dans les membranes cellulaires qui semblent opérer de la même manière que le démon de Maxwell. Au lieu de simplement permettre ou interdire le passage de molécules, ces protéines semblent capables de trier et de réguler activement les échanges, un peu comme le démon de Maxwell triant les particules chaudes et froides.
Les chercheurs, dirigés par De Los Rios, ont entrepris une approche mathématique pour comprendre le fonctionnement des transporteurs ABC, des protéines qui régulent le passage des molécules à travers les membranes cellulaires. Ils ont formulé des équations simples pour décrire comment ces transporteurs maintiennent différentes concentrations de molécules à l’intérieur et à l’extérieur d’une cellule. Ces équations prenaient en compte des aspects fondamentaux du fonctionnement des transporteurs, tels que leur utilisation de l’ATP (une source moléculaire d’énergie) pour le transport des molécules et les différentes configurations que ces protéines peuvent adopter.
Landauer avait théorisé, rappelle un article de New Scientist, que pour qu’une entité joue le rôle du démon de Maxwell sans violer les lois de la thermodynamique, elle doit remplir trois conditions : consommer de l’énergie, effectuer des mesures enregistrées et opérer une « porte » basée sur ces mesures. De manière surprenante, la solution aux équations formulées par l’équipe de De Los Rios présente trois composantes correspondant exactement à ces conditions. Cela a conduit De Los Rios à la conclusion que les transporteurs ABC fonctionnent effectivement comme des démons de Maxwell.
Mais ce qui est encore plus fascinant dans ces travaux, c’est l’ancienneté de ces protéines. Elles existent depuis des milliards d’années, suggérant qu’elles ont joué un rôle fondamental dans la survie et l’adaptation de nombreuses formes de vie. Leur présence dans une grande variété d’organismes indique leur importance vitale. Elles pourraient être impliquées dans des processus essentiels tels que la régulation de la température cellulaire, la protection contre les stress environnementaux ou même la communication intercellulaire.
La thermodynamique revisitée
La découverte de ces protéines pourrait remettre en question les fondements mêmes de la thermodynamique, considérés comme des piliers incontestés de la physique. Lorsque Maxwell a formulé son hypothèse en 1867, il a introduit l’idée que certaines entités pourraient, dans des conditions particulières, déroger à la deuxième loi de la thermodynamique. Cette loi, qui énonce que l’énergie tend naturellement à se déplacer d’une zone chaude vers une zone froide, semblait inébranlable.
Cependant, la présence de ces protéines, qui peuvent manipuler l’énergie d’une manière qui contredit cette loi, suggère que notre compréhension actuelle pourrait être incomplète ou du moins nécessiter une révision. Cette remise en question ouvre des horizons inexplorés, incitant les chercheurs à repenser des concepts établis et à envisager des applications innovantes, allant de la physique à la biologie.
Implications pour la recherche
La mise en lumière de ces protéines « démoniaques » ouvre un champ d’exploration prometteur pour la médecine. En déchiffrant les mécanismes par lesquels elles opèrent, les chercheurs pourraient dévoiler des voies métaboliques jusqu’alors méconnues, offrant ainsi des pistes inédites pour la conception de traitements médicaux. Ces protéines pourraient, par exemple, jouer un rôle dans des processus cellulaires essentiels, et leur modulation pourrait aider à combattre certaines pathologies.
Par ailleurs, cette découverte souligne la capacité remarquable de la nature à s’adapter et à innover. L’évolution, sur des milliards d’années, a permis aux organismes de développer des stratégies complexes pour interagir avec leur environnement, et ce, en utilisant les lois de la physique de manière astucieuse. Cette symbiose entre la biologie et la physique nous rappelle que les frontières entre les disciplines scientifiques sont souvent plus poreuses qu’il n’y paraît.