Une nouvelle thérapie basée sur la stimulation magnétique a atténué les symptômes chez des patients souffrant de dépression résistante aux traitements standards, en seulement 5 jours. Il s’agit d’une thérapie accélérée visant à diffuser des champs magnétiques simultanément au niveau de deux régions cérébrales. L’approche pourrait potentiellement étendre la gamme d’alternatives thérapeutiques pour les cas de dépression sévère, surtout ceux à tendance suicidaire.
Affectant environ un adulte sur vingt, la dépression constitue l’une des principales causes d’invalidité dans le monde. Bien qu’il existe des traitements, notamment les antidépresseurs et la psychothérapie, ils ne sont efficaces que pour moins d’un patient sur trois. Étant donné que la maladie est caractérisée par la sous- ou suractivité de certaines régions cérébrales, il a été suggéré que les patients résistants aux traitements standards pourraient être pris en charge par le biais de techniques alternatives, dont la neuromodulation.
Il a par exemple été démontré que la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS) appliquée au niveau du côté gauche du cortex préfrontal dorsolatéral, réduit les symptômes chez les patients dépressifs après une série de 20 séances. Le traitement est approuvé par la Food and Drug Administration américaine (FDA) aux États-Unis et la National Institute for Health and Care Excellence (NICE), au Royaume-Uni.
Cependant, étant donné que ces séances s’étendent généralement sur une période 20 à 30 jours, le traitement n’est pas adapté à tous les patients. Certains patients sont soumis à des contraintes de temps, en particulier ceux présentant des symptômes dépressifs sévères et à tendance suicidaire. Une nouvelle étude, codirigée par l’Université de Cambridge, propose une approche de TMS accélérée (aTMS) s’étendant sur seulement 5 jours et ciblant deux régions cérébrales en même temps.
Selon Hailun Cui de l’Université Fudan et de l’Université de Cambridge, auteur principal de l’étude, « la gestion de la dépression résistante au traitement reste l’un des domaines les plus difficiles des soins de santé mentale. Ces patients ne répondent souvent pas aux traitements standards, ce qui les laisse dans un état prolongé de détresse grave, de déficience fonctionnelle et de risque accru de suicide. Cette nouvelle approche TMS offre une lueur d’espoir dans ce contexte difficile ».
Deux cibles prometteuses pour la neuromodulation magnétique
L’aTMS est une approche relativement récente consistant à réduire la durée du traitement TMS à quelques jours (au lieu de plusieurs semaines), notamment en augmentant le nombre de séances quotidiennes. Des études ont précédemment montré que cette technique réduit considérablement les symptômes des patients souffrant de dépression sévère, tout en conservant le même niveau de sécurité que la TMS standard.
Cependant, les réponses aux traitements par neuromodulation varient généralement selon les patients, probablement en raison de la complexité des réseaux neuronaux sous-tendant la maladie. Mis à part le cortex préfrontal dorsolatéral, l’équipe de la nouvelle étude suggère que le cortex orbitofrontal (OFC) pourrait être une cible prometteuse pour améliorer la réponse à l’aTMS. Cette région est impliquée dans la tendance à choisir les récompenses au lieu des sanctions. Son hyperactivité expliquerait pourquoi les personnes dépressives ont tendance à avoir des attentes et des ruminations négatives. Sa suractivation est également impliquée dans le trouble obsessionnel compulsif, qui figure parmi les principaux symptômes accompagnant la dépression.
Des symptômes réduits de moitié chez 48 % des patients
Dans le cadre de leur expérience — décrite dans la revue Psychological Medicine, les chercheurs ont recruté 75 patients souffrant de dépression résistante aux traitements standards. Les participants ont été divisés en trois groupes : un groupe « double » bénéficiant d’une inhibition par impulsion magnétique de l’activité de l’OFC droit, suivie d’une excitation du cortex préfrontal dorsolatéral gauche, un groupe « simple » recevant une fausse stimulation du côté droit, suivie d’une TMS active du côté gauche, et un groupe témoin recevant de fausses stimulations des deux côtés.
Le traitement a été administré en 20 séances réparties sur une période de 5 jours, chaque séance durant 22 minutes. Des IRMf au repos ont été effectuées avant et après le traitement et l’évolution des symptômes a été évaluée à l’aide de l’échelle « Hamilton Rating Scale of Depression (HRSD-24) ».
Les scores (HRSD-24) mesurés immédiatement après la dernière séance ont été significativement améliorés chez le groupe double, par rapport aux autres groupes. Près de 48 % des patients de ce groupe ont connu une réduction de 50 % de leurs symptômes, contre 18 % pour le groupe simple et 4 % pour le groupe témoin. Quatre semaines plus tard, 61 % des patients du groupe double présentaient encore le même niveau d’amélioration et 59 % pour le groupe simple.
« Le traitement fonctionne plus rapidement car, en ciblant deux zones du cerveau impliquées dans la dépression, nous corrigeons efficacement les déséquilibres dans deux processus importants, permettant aux régions du cerveau de ‘communiquer’ correctement entre elles », explique Valerie Voon de l’Université de Cambridge, qui a dirigé la partie britannique de l’étude. Les chercheurs ont en outre constaté que le traitement semble plus efficace chez les patients présentant une meilleure connectivité entre l’OFC et le thalamus (responsable de la régulation de la conscience, du sommeil et de la vigilance) au début de l’essai.
Toutefois, près de la moitié des patients du groupe double ont signalé des douleurs localisées au niveau des zones où les impulsions ont été administrées, contre 9 % seulement pour le groupe simple. Néanmoins, malgré ces effets secondaires, aucun abandon n’a été constaté. « Les patients ont souvent déclaré ressentir des sentiments ‘plus légers et plus lumineux’ dès le deuxième jour de traitement », indique Cui.
Par ailleurs, les chercheurs suggèrent que le traitement pourrait être prolongé d’un jour supplémentaire ou être accompagné d’une psychothérapie, si des récidives surviennent avec le temps. Les patients souffrant de dépression sévère pourraient aussi être plus aptes à suivre des séances de psychothérapie après avoir suivi un traitement aTMS. En prochaine étape, les experts prévoient de déterminer quelle partie du cortex orbitofrontal constitue la cible la plus efficace et pour quels types de dépression.