Une étude portant sur 23 415 salariés coréens montre que les trajets domicile-travail de plus de 60 minutes (au total) augmentent de 1,16 fois le risque de dépression. Ces déplacements chronophages provoqueraient notamment un stress psychologique et physique non négligeable, en empêchant de se consacrer aux activités permettant de gérer le stress — les loisirs. En outre, cette association affecterait surtout les hommes célibataires, sans enfants et travaillant plus de 40 heures par semaine.
Au niveau mondial, la dépression affecte majoritairement les salariés, quel que soit le type d’emploi. Parmi les facteurs de risque les plus importants figurent les déplacements domicile-travail, qui sont bien connus pour être associés à certains problèmes de santé physique et mentale. En effet, ces trajets peuvent considérablement entraver l’adoption au quotidien de routines et habitudes saines, surtout pour les personnes résidant ou travaillant dans les grandes villes.
De précédentes enquêtes ont suggéré que la durée ainsi que le mode de transport, sont tous deux associés à des effets néfastes sur le bien-être et la santé mentale. Cependant, la corrélation entre les déplacements et les symptômes dépressifs est peu explorée. En effet, les rares études qui s’y sont consacrées concernaient principalement des pays (européens et américains) où le trafic routier est moins saturé — par rapport aux pays émergents comme la Corée du Sud.
La durée moyenne des déplacements en Corée du Sud est de 101 minutes par jour, soit la plus élevée des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). En comparaison, les déplacements pendulaires de la Suède, des États-Unis et du Japon ne durent en moyenne respectivement que 18, 21 et 40 minutes au total. En outre, le pays connaît également la prévalence de dépression la plus élevée parmi les membres de l’OCDE. Or, l’association entre la dépression et les temps de trajet en Corée du Sud n’a jusqu’à présent jamais été étudiée.
La nouvelle étude, financée par l’hôpital universitaire d’Inha (en Corée du Sud), visait à combler ces lacunes en explorant l’association entre la prévalence des symptômes dépressifs et les déplacements pendulaires chez les Sud-Coréens. L’influence de différents facteurs tels que le statut socio-économique a également été évaluée. Les résultats de l’étude ont été publiés dans le Journal of Transport & Health.
Des symptômes plus fréquents chez les hommes célibataires
L’enquête effectuée dans le cadre de la nouvelle étude concernait 23 415 salariés sud-coréens, âgés de 20 à 59 ans. Différents facteurs socio-économiques ont été examinés, incluant notamment le sexe, le niveau d’éducation, le revenu, la région de résidence, l’état civil, le nombre d’enfants, le type de profession, les heures de travail hebdomadaires, etc. Parmi les participants, 56,7% étaient des hommes et 43,3% des femmes, la plupart ont fait des études universitaires (67,4%), étaient mariés (83,6%) et avaient au moins deux enfants (46,2%) au moment de l’enquête. Les cols blancs représentaient 53,3% des participants, les employés de petites et moyennes entreprises 71,9% et les travailleurs indépendants 89%. Le temps de trajet domicile-travail moyen était de 46,9 minutes.
Au total, 6020 participants (25,7%) ont signalé des symptômes de dépression. Ces symptômes étaient généralement plus fréquents chez les participants plus âgés, ayant un niveau d’éducation et des revenus inférieurs, ainsi que des emplois manuels et passant plus de 40 heures au travail. En revanche, les personnes passant le plus de temps sur les routes étaient celles de sexe masculin âgées de 30 à 39 ans, ayant fait des études universitaires, ayant un revenu plus élevé, vivant en métropole et étant mariées et avec des enfants. Il en résulte que les déplacements pendulaires de plus de 60 minutes par jour sont associés avec un risque 1,16 fois plus élevé de souffrir de dépression, par rapport aux personnes passant moins de 30 minutes sur les routes.
« Avec moins de temps libre, les gens pourraient manquer de temps pour soulager le stress et combattre la fatigue physique par le sommeil, les loisirs et d’autres activités », explique l’auteur principal de l’étude, Lee Dong Wook, de l’hôpital universitaire d’Inha. « Ils ont également moins de temps pour investir dans des habitudes de vie saines, y compris l’exercice, ce qui peut contribuer à la dépression », ajoute-t-il.
En outre, la dépression liée au temps de déplacement pendulaire est significativement plus fréquente chez les hommes célibataires, sans enfants et travaillant plus de 40 heures par semaine. En revanche, les femmes semblent plus sujettes aux symptômes dépressifs lorsqu’elles ont au moins deux enfants et des horaires de travail irréguliers. Selon les experts, cela s’expliquerait par le fait que les femmes sont les principales occupantes des postes liés à la santé en Corée du Sud, ce qui limite le temps dont elles disposent pour se consacrer à la fois à leur foyer et à leur bien-être. « Cela suggère que des efforts visant à réduire le temps de trajet sont nécessaires pour aider les gens à concilier travail et famille », conclut Lee Dong Wook.
Limites de l’étude
Une limite importante que nous avons relevée dans cette étude est le manque de considération du moyen de transport utilisé (voiture, train, métro, covoiturage, etc.). De ce fait, les chercheurs n’ont pas pu établir de corrélation différée par moyen de transport, ce qui aurait probablement permis de relever des différences intéressantes. En effet, un pendulaire utilisant le train ou le métro par exemple, dispose tout de même d’un certain temps libre lui permettant d’effectuer certaines activités relaxantes, bien que limitées, mais qui incluent tout de même par exemple la lecture, le visionnage de vidéos ou d’émissions, etc. Sans compter que le fait de conduire un véhicule, en plus d’occuper le conducteur, peut apporter un certain degré de stress ou de nervosité, ce qui peut à son tour induire un stress général accru et influencer le risque de dépression sur le long terme. En somme, ce manque de précision de l’enquête est selon nous suffisamment important pour constituer un risque non négligeable de biais des résultats.