Le microbiote intestinal est un vaste sujet d’étude passionnant et qui suscite un intérêt grandissant ces dernières années. Cela est notamment dû au fait que plus la médecine avance et explore les mécanismes de différentes maladies (physiques ou psychiatriques), plus nous constatons que nombre d’entre elles semblent liées à des perturbations au sein des populations de bactéries intestinales. Une nouvelle étude britannique suggère qu’un certain nombre de troubles psychiatriques partagent des perturbations communes du microbiote intestinal.
La méta-analyse, publiée dans la revue JAMA Psychiatry, a révélé que la dépression, le trouble bipolaire, la schizophrénie et l’anxiété étaient tous associés à des anomalies microbiennes intestinales similaires, notamment à des quantités plus élevées de bactéries pro-inflammatoires.
Par le passé, un certain nombre d’études avaient déjà mis en évidence des associations convaincantes entre la santé mentale et le microbiote, dont notamment le trouble du spectre de l’autisme (TSA). Ces découvertes d’étranges connexions entre l’intestin et le cerveau ont permis d’établir des liens entre la dépression et certaines espèces de bactéries intestinales, et une étude a même montré que les symptômes de la schizophrénie pouvaient être transférés d’une souris à l’autre par des transplantations fécales.
Mais ces perturbations du microbiote sont-elles propres à des pathologies psychiatriques spécifiques ou existe-t-il une signature bactérienne intestinale plus commune à plusieurs pathologies ? Cette nouvelle méta-analyse visait à répondre à ces questions en examinant un grand nombre d’études spécifiques.
Plus de 59 études passées au crible
L’équipe de chercheurs britanniques a examiné au total 59 études cas-témoins. Toutes portaient sur la diversité des bactéries intestinales chez des adultes souffrant de divers troubles psychiatriques, dont la dépression, le TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), l’anxiété, la schizophrénie, les TOC, le SSPT (syndrome de stress post-traumatique) et l’anorexie mentale.
Les résultats sont fascinants : il existerait des signatures microbiologiques communes à un certain nombre de troubles psychiatriques différents. En particulier, les personnes souffrant de dépression, d’anxiété, de troubles bipolaires et de schizophrénie présentaient toutes des niveaux accrus d’une bactérie spécifique, Eggerthella, qui a déjà été associée à l’inflammation gastro-intestinale. Ces quatre troubles psychiatriques étaient également associés à une diminution des niveaux de Faecalibacterium et de Coprococcus, deux genres bactériens connus pour conférer des propriétés anti-inflammatoires.
« Bien que nous ne soyons pas parvenus à établir des biomarqueurs pour des maladies spécifiques, nous avons constaté qu’il existe un chevauchement important entre la santé intestinale et la prévalence des troubles mentaux, notamment en ce qui concerne la prédominance de certaines bactéries pro-inflammatoires par rapport aux bactéries anti-inflammatoires », explique l’auteure principale de l’étude, Viktoriya Nikolova, du King’s College London.
Microbiote : une relation complexe, mais évidente, avec la santé mentale
Selon les chercheurs, ces résultats montrent clairement l’importance de prêter attention à la santé intestinale dans le traitement des troubles mentaux. De plus, les liens entre les processus inflammatoires et ces troubles sont certainement renforcés par l’étude. Toutefois, les chercheurs mettent en garde contre l’utilisation de biomarqueurs de bactéries intestinales pour diagnostiquer spécifiquement certains troubles psychiatriques. En effet, l’une des principales conclusions de cette méta-analyse est l’absence de preuves de l’existence de biomarqueurs bactériens pouvant être spécifiquement attribués à certains troubles.
« Cette étude suggère un point commun transdiagnostique des perturbations microbiennes dans le TDM [trouble dépressif majeur], le trouble bipolaire, l’anxiété, la psychose et la schizophrénie, caractérisé par une diminution des bactéries anti-inflammatoires productrices de butyrate et une augmentation des bactéries pro-inflammatoires », concluent les chercheurs. « Les chercheurs devraient interpréter leurs résultats dans le contexte plus large des troubles psychiatriques afin d’éviter les allégations non fondées de spécificité de trouble des biomarqueurs microbiens intestinaux ».
« Nos résultats démontrent que les changements dans la composition du microbiote sont répandus et, même si c’est probablement beaucoup plus compliqué que cela, nous voyons quelques indications sur la façon dont ils peuvent être liés à d’autres mécanismes sous-jacents connus des troubles mentaux, tels que la régulation des processus inflammatoires. Il est de plus en plus évident que la santé du microbiote intestinal est d’une importance vitale pour la santé mentale des individus », conclut Allan Young, qui a dirigé l’étude au sein du King’s College London.