Les derniers glaciers stables de la planète montrent des signes inquiétants de basculement

Ils ont commencé à fondre en raison de la baisse des chutes de neige.

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10 mars 2022 : photo prise par une caméra time-lapse près de la station pluviométrique, au nord du glacier Kyzylsu. Le manteau neigeux devrait être plus épais à cette période de l'année, mais en raison des faibles précipitations, la neige a à peine atteint un mètre d'épaisseur. | Jouberton et al., caméra time-lapse/ISTA
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Alors qu’ils sont restés relativement stables depuis des décennies, de nouvelles données suggèrent que les glaciers des montagnes d’Asie centrale ont peut-être atteint un seuil critique en 2018. Ils auraient commencé à fondre de manière accélérée en raison d’une baisse récente des chutes de neige, très probablement liée au changement climatique. Cette évolution pourrait avoir des conséquences non seulement pour les communautés locales qui dépendent de ces glaciers pour la survie, mais aussi sur les équilibres climatiques régionaux et mondiaux.

Le réchauffement climatique a un impact considérable sur les glaciers de la planète. Cependant, alors que la plupart des glaciers, comme ceux des Alpes et des Andes, fondent à un rythme inquiétant, ceux d’Asie centrale sont restés pendant des décennies quasi intacts. Les hautes montagnes d’Asie centrale sont d’ailleurs surnommées « Troisième Pôle », leurs glaciers comptant parmi les plus vastes du monde, après les calottes polaires et le Groenland.

En particulier, la chaîne de montagnes du Pamir, dans le nord-ouest du Tadjikistan, abrite certains des glaciers les plus stables (voire en croissance) de la planète en dehors des régions polaires. Les scientifiques désignent cette étonnante résilience sous le nom « d’anomalie du Pamir-Karakoram ».

Mais alors que les chercheurs tentent encore de comprendre ce phénomène, une nouvelle étude suggère qu’il pourrait avoir touché à sa fin. Les données – détaillées dans une récente publication de la revue Communications Earth & Environment – indiquent que les glaciers du Pamir auraient franchi un seuil critique et pourraient désormais entrer dans une phase de fonte accélérée.

Un équilibre menacé par la baisse des chutes de neige

Les glaciers du Pamir souffrent d’un manque considérable de données, la plupart d’entre eux étant restés pendant des années inaccessibles aux scientifiques en raison de l’instabilité politique du pays. L’équipe internationale de recherche n’a pu établir un site d’observation dans la région qu’à partir de 2021. Celui-ci a été implanté au niveau du glacier Kyzylsu, situé dans le nord-ouest du Pamir, à environ 3 400 mètres d’altitude.

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a. Carte du bassin versant du Kyzylsu. Les noms des principaux glaciers sont indiqués en noir. b. Photographie prise par Jason Klimatsas en septembre 2023 de la station météorologique automatique sur glacier, située sur la partie recouverte de débris du glacier Kyzylsu. c. Station pluviométrique photographiée par une caméra à intervalle régulier en mars 2022, avec le terminus enneigé du glacier Kyzylsu visible en arrière-plan. © Jouberton et al.

« Kyzylsu est en passe de devenir un site de surveillance de référence grâce aux différents points d’observation récemment installés sur et autour du glacier », a affirmé dans un communiqué Achille Jouberton, auteur principal de l’étude et doctorant à l’Institute of Science and Technology Austria (ISTA).

Suite à l’installation du site de surveillance, l’équipe a collecté des données sur la fréquence des chutes de neige et les mouvements de l’eau dans la région. Ces relevés, combinés à des analyses climatiques, ont permis d’élaborer des modélisations informatiques du comportement du glacier entre 1999 et 2023. Les résultats montrent que, bien que réputé pour sa résilience, le glacier semble avoir atteint un seuil critique à partir de 2018. Selon les chercheurs, ce phénomène serait attribuable à la diminution du manteau neigeux qui, auparavant, isolait le glacier et le protégeait partiellement de la fonte.

« Nous avons modélisé le climat du bassin versant, son manteau neigeux, les bilans de masse du glacier et les mouvements de l’eau », explique Jouberton. « Mais quelle que soit la méthode utilisée, nous avons constaté un seuil critique en 2018 au plus tard. Depuis, la baisse des chutes de neige a modifié le comportement du glacier et affecté sa santé », ajoute-t-il.

D’après l’équipe, la fonte se serait accélérée au cours des sept dernières années – une observation apparemment confirmée par les communautés locales. Toutefois, si les chercheurs ont identifié la cause immédiate du changement, l’étude n’explique pas les raisons exactes de la diminution des chutes de neige. L’hypothèse d’un lien direct avec le réchauffement climatique reste donc à considérer avec prudence. On ignore également si un tel phénomène s’est déjà produit par le passé et s’il est irréversible.

« En raison du manque général de données et de projections fiables dans la région, nous ne pouvons pas encore affirmer qu’il s’agissait réellement du « point de non-retour » pour les glaciers du Pamir », souligne Jouberton. Les données ne concernent en outre qu’une partie spécifique du glacier et ne couvrent que quelques années. Néanmoins, le volume d’informations collectées constitue une première pour la région et devrait encourager de futures recherches à plus grande échelle.

Source: Communications Earth & Environment
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