Désintégration plus grand iceberg du monde : une menace silencieuse pour la faune de Géorgie du Sud ?

Il se situe actuellement à environ 100 km de la Géorgie du Sud et se désagrège rapidement.

iceberg fragmentation faune
Emplacement d'A-23A le 3 mai 2025. | NASA Earth Observatory
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De nouveaux relevés satellites révèlent qu’A-23A, qui détient actuellement le record du plus gros iceberg au monde, commence à se désintégrer en milliers de fragments au large de la Géorgie du Sud. Cette île constitue une importante réserve naturelle et la survie des animaux qu’elle abrite pourrait être mise en danger par la dérive du mégaberg.

Mesurant à ce jour quelque 3 100 kilomètres carrés, A-23A s’était détaché en 1986 de la plateforme de glace antarctique Filchner-Ronne. Il n’a cependant pas immédiatement entamé sa dérive : sa face inférieure, heurtant le fond marin, l’a immobilisé non loin des côtes. Ce n’est qu’en janvier 2023 qu’il s’est finalement libéré du fond pour commencer à s’éloigner du continent antarctique.

À noter qu’A-23A avait temporairement perdu son titre de plus grand iceberg au monde, supplanté par d’autres masses glaciaires plus imposantes. Il a toutefois recouvré ce statut en juin 2023, lorsque ces concurrents ont rapidement fondu ou se sont désintégrés. Il a ensuite de nouveau cessé de dériver au début de l’année 2024, lorsqu’il a été piégé dans un grand vortex océanique.

Le mégaberg a alors effectué une lente rotation sur lui-même pendant plusieurs mois, avant de reprendre sa dérive en décembre 2024, se dirigeant vers le nord, notamment en direction du passage de Drake — ce couloir maritime réputé pour être le « cimetière des icebergs », où la plupart des géants de l’Antarctique achèvent leur course.

Cependant, depuis janvier de cette année, sa trajectoire laisse à penser qu’il pourrait entrer en collision avec la Géorgie du Sud, île isolée de l’Atlantique Sud, située au nord-est de la péninsule Antarctique et à l’est de la pointe méridionale de l’Amérique du Sud. Sa dernière immobilisation s’est produite en mars, à une centaine de kilomètres de la côte sud-ouest de l’île.

iceberg mars 2025
Emplacement d’A-23A le 4 mars 2025. © NASA Earth Observatory

Le 3 mai, les relevés de l’instrument Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer (MODIS), embarqué sur le satellite Aqua de la NASA, ont montré que les bords de l’iceberg s’érodent rapidement, laissant dériver autour de lui une multitude de petits fragments. « Des milliers de morceaux d’iceberg jonchent la surface de l’océan près de l’iceberg principal, créant un paysage évoquant une nuit étoilée », rapporte dans un communiqué la NASA Earth Observatory.

Des milliers de gros fragments menaçant la sécurité maritime

Selon les experts de la NASA Earth Observatory, la base d’A-23A repose vraisemblablement sur un plateau sous-marin peu profond, au large de la Géorgie du Sud, ce qui explique son immobilisation temporaire. Cette région est connue pour retenir, à intervalles réguliers, d’imposants icebergs dérivant vers le nord.

Or, si sa position reste stable, sa superficie s’est fortement réduite. D’après le Centre national des glaces des États-Unis (USNIC), A-23A a perdu plus de 360 kilomètres carrés entre le 6 mars et le 3 mai — soit une superficie équivalant à deux fois celle d’une grande ville comme Washington. Le bloc principal se fragmente en milliers de morceaux qui, bien que minuscules en apparence sur les images satellites, mesurent pour la plupart au moins un kilomètre de diamètre. Ils représentent ainsi un danger potentiel pour la navigation. L’un d’eux, baptisé A-23C, était suffisamment imposant pour être nommé par l’USNIC après s’être détaché du flanc sud d’A-23A à la mi-avril.

Cette érosion des bords constitue l’un des trois types de fonte d’iceberg répertoriés. Elle se manifeste par le détachement de petits blocs en plusieurs points périphériques, réduisant la surface du bloc principal tout en conservant sa structure générale. Les deux autres modes de fonte sont la fragmentation en blocs plus massifs ou la désintégration complète.

A-23A avait déjà connu ce type d’érosion lorsqu’il était piégé et tournait sur place dans le passage de Drake, en 2024. Toutefois, les relevés les plus récents montrent une fragilisation accélérée du bloc, qui pourrait se désagréger différemment dans les semaines à venir. « Remarquez la bande de débris glacés le long de sa face nord, vestige d’un soudain phénomène de ‘désagrégation’, déclenché en partie par plusieurs jours de temps chaud et ensoleillé », soulignent les experts. « À près de 55 ° de latitude sud, l’iceberg se situe bien au-delà des eaux les plus froides de l’Antarctique qui ont contribué à sa préservation depuis son détachement de la plateforme de Filchner en 1986 », expliquent-ils.

Une menace pour la faune locale ?

La Géorgie du Sud abrite une biodiversité remarquable, peuplée notamment de phoques et d’imposantes colonies d’oiseaux marins. Elle héberge en effet l’une des communautés ornithologiques les plus riches au monde, avec une population reproductrice estimée à plus de 30 millions de couples.

La présence prolongée d’A-23A au large de la côte pourrait perturber ces écosystèmes. Les manchots, par exemple, pourraient être contraints d’allonger de plusieurs centaines de kilomètres leurs trajets pour contourner l’obstacle et rejoindre leurs zones de pêche habituelles.

La fonte de l’iceberg pourrait également altérer la salinité et la température des eaux environnantes, poussant certaines proies à migrer vers d’autres régions. À l’inverse, certains chercheurs avancent que cette fonte pourrait bénéficier à la faune marine locale, en enrichissant l’océan en sources de nutriments, selon Live Science.

Ce n’est pas la première fois qu’un iceberg géant s’approche dangereusement de la Géorgie du Sud. En 2020, A-68 a par exemple été immobilisé à proximité de l’île, suscitant alors une vive inquiétude quant aux conséquences écologiques. Mais contrairement à A-23A, il s’est rapidement fragmenté en dizaines de blocs sous l’effet de puissants courants océaniques.

Plus de 90 % des icebergs issus de l’Antarctique suivent une trajectoire analogue : pris dans le gyre de Weddell, ils longent la péninsule Antarctique, traversent le passage de Drake et atteignent l’Atlantique Sud, où ils fondent dans des eaux plus chaudes.

Néanmoins, « quelle que soit la direction que prendra l’A-23A, le sort de cet iceberg reste incertain », avertit la NASA Earth Observatory. Son impact réel sur l’environnement local demeure, pour l’heure, impossible à évaluer avec certitude.

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