L’aluminium 26, noté « 26Al », est un isotope radioactif de l’aluminium. Une petite fraction de l’aluminium 26 est produite par l’interaction entre des atomes d’argon et les rayons cosmiques. Les modèles théoriques prédisent que cet isotope est principalement produit dans le milieu interstellaire. Jusqu’à présent, les scientifiques n’avaient jamais concrètement détecté la source cosmique de l’isotope. C’est maintenant chose faite grâce aux observations d’une équipe internationale d’astrophysiciens.
Les scientifiques cherchent depuis longtemps des traces de 26AlF — molécule de monofluorure d’aluminium — contenant l’isotope radioactif 26Al, mais aucune observation concrète n’a pu être effectuée. Pourtant, la présence d’aluminium 26 dans l’espace est connue depuis des dizaines d’années. En 1984, le satellite spatial HEAO-3 de la NASA a détecté une émission de rayons gamma à 1809 KeV correspondant à la signature énergétique de la désintégration bêta de l’isotope.
Sur le même sujet :
Des nuages d’alcool dans l’espace ?
Selon les données recueillies, il existerait ainsi une quantité de 26Al équivalente à 2 masses solaires dans la Voie lactée. Cependant, les objets à l’origine de l’aluminium 26 n’ont jamais été clairement identifiés, à cause de la sensibilité trop basse des observatoires à rayons gamma.
Pour réaliser cette prouesse, des astrophysiciens de diverses institutions — comme l’université de Cambridge, l’Institut Smithsonian et l’Institut Max Planck — ont utilisé des télescopes spatiaux perfectionnés et se sont concentrés sur un étrange objet céleste appelé CK Vulpeculae. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Astronomy.
CK Vulpeculae est potentiellement la plus ancienne nova documentée jusqu’à présent, située à environ 700 parsecs (2280 années-lumière) de la Terre dans la constellation du Petit Renard. Elle a été observée pour la première fois en juin 1670, lorsqu’elle s’est illuminée.
Puis elle s’est de nouveau « allumée » en 1671 et est restée visible à l’œil nu jusqu’en 1672. Avec l’optique appropriée, elle est toujours visible aujourd’hui, et en 2015, les scientifiques ont conclu qu’elle provenait certainement d’une collision entre deux étoiles.
La nova est également entourée de gaz moléculaires avec une composition isotopique inhabituelle. Et dans une région particulière du rémanent, grâce à de puissants outils comme le NOEMA (NOrthern Extended Millimeter Array, un radiotélescope millimétrique) et le nouveau récepteur Band 5 du radiotélescope ALMA, les astrophysiciens ont pu détecter leur signature. Les données confortent l’hypothèse de la collision stellaire et ajoutent un nouveau type d’objet — le rémanent de fusion stellaire — à la liste des objets à l’origine de l’aluminium 26.
« Nous rapportons l’observation des lignes de rotation d’ondes millimétriques de l’isotopologue du fluorure d’aluminium contenant l’isotope radioactif » expliquent les auteurs. « Cette observation est peut-être une étape clé pour l’identification non-ambiguë d’autres sources galactiques de 26Al. De plus, une grande quantité de 26Al dans le rémanent indique que, avant la fusion, le système CK Vulpeculae était composé d’au moins une étoile d’une masse solaire ayant évolué sur la branche des géantes rouges ».
En plus d’une véritable avancée en matière d’astrochimie, cette découverte est également une brillante démonstration technologique. Elle montre que la spectroscopie en onde millimétrique peut être un bien meilleur outil que les observatoires gamma quand il s’agit d’identifier les sources de radionucléides.
Au regard de la quantité de l’isotope estimée par les chercheurs, il n’y a tout simplement pas assez de fusions stellaires dans la Voie lactée pour produire la quantité de 26Al ; mais maintenant, les astrophysiciens savent désormais où chercher. Il est également possible que la véritable masse de l’aluminium 26 soit plus élevée que celle observée par les chercheurs, renforçant le rôle des fusions stellaires dans sa production.