Jusqu’ici, l’existence des trous noirs primordiaux (datant des débuts de l’Univers) n’était que théorique, leur détection étant très difficile en raison de leur petite taille et de leur faible perte d’énergie par rayonnement. Mais récemment, des chercheurs de l’observatoire d’ondes gravitationnelles LIGO aux États-Unis et de l’observatoire Virgo en Italie, décrivent la détection de 47 collisions de trous noirs dont près d’un tiers seraient primordiaux — selon une étude statistique.
Au début de l’Univers, évidemment, il n’existait qu’une quantité limitée de structures cosmiques massives pouvant donner naissance à des trous noirs. Parmi ces structures, il y a notamment les étoiles massives en fin de vie ou les étoiles à neutrons, qui peuvent engendrer un trou noir par effondrement. Les trous noirs peuvent aussi fusionner et atteindre ainsi des masses extrêmes allant jusqu’à plusieurs milliards de fois la masse du Soleil. Les trous noirs primordiaux quant à eux, peuvent se former à partir de nuages denses de plasma, bien que nous n’ayons pas encore de preuve directe de leur existence.
Un résultat inattendu
« Lorsque LIGO observe un trou noir, il n’est pas accompagné d’une étiquette nous indiquant comment il s’est formé. Il est simplement accompagné d’une masse et d’un spin », explique Salvatore Vitale, du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Lui et ses collègues ont effectué une analyse statistique des données de LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) et de Virgo à partir des données de trois des principaux modèles de formation des trous noirs astrophysiques, ainsi que d’un modèle de trous noirs primordiaux.
Leur analyse a conclu que les observatoires ont recueilli tellement de données sur les ondes gravitationnelles que tous les modèles de formation sont probablement corrects. Cela inclut l’idée que certaines des données proviennent de trous noirs primordiaux. Les résultats sont disponibles sur le serveur de préimpression arXiv.
« Généralement, dans ce genre d’analyse, on est puni à cause du rasoir d’Occam, pour avoir rendu les choses plus complexes et ajouté plus de modèles », explique Nelson Christensen de l’Observatoire de Nice, en France. « Le fait qu’ils aient ajouté des trous noirs primordiaux et que cela ait donné la probabilité la plus élevée est donc intéressant ». L’analyse a suggéré qu’environ 27% des trous noirs détectés par LIGO et Virgo pourraient être primordiaux. « Quand j’ai commencé cette analyse, je m’attendais à ce que nous ne trouvions aucun niveau significatif de soutien pour les trous noirs primordiaux, et au lieu de cela, j’ai été surpris ».
« Nos résultats suggèrent la possibilité alléchante que LIGO/Virgo ait déjà détecté des trous noirs qui se sont formés après l’inflation. Cette conclusion pourra finalement être confirmée à l’ère des interféromètres de troisième génération », écrivent les chercheurs dans l’étude. Cependant, comme ce résultat repose sur des modèles théoriques, il ne prouve pas l’existence des trous noirs primordiaux. Bien que ces modèles soient les meilleurs que nous ayons actuellement, leur exactitude n’est pas garantie.
Une amélioration potentielle des modèles de formation des trous noirs
Le résultat n’est pas définitif : « il ne s’agit pas d’une ‘preuve irréfutable’, mais plutôt d’un changement dans nos attentes à la lumière des nouvelles données », explique Francesca Vidotto, de l’université du Pays basque, en Espagne. « Mais un tel changement est important ». En effet, il pourrait conduire les astrophysiciens et les cosmologistes à construire des modèles plus sophistiqués pour la formation des trous noirs, tant pour les trous noirs astrophysiques que primordiaux, déclare-t-elle.
Si certains de ces trous noirs sont primordiaux, ils pourraient constituer une fenêtre cruciale sur les débuts de notre univers et pourraient même faire partie de la mystérieuse matière noire qui maintient les galaxies ensemble. Mais quoi qu’il en soit, ce résultat est un indice que notre compréhension des trous noirs est incomplète. « Même s’il ne s’agit que de trous noirs astrophysiques, il y a clairement quelque chose qui intervient dans leur formation, au-delà de ce que l’on a supposé jusqu’à présent », déclare Jane MacGibbon, de l’université de Floride du Nord.
La prochaine étape consiste à élaborer de meilleurs modèles et à obtenir davantage de données de LIGO et de Virgo. Les observatoires, ainsi que le détecteur d’ondes gravitationnelles Kamioka au Japon, devraient être remis en service en 2022. « Nous détecterons potentiellement un nouveau trou noir binaire chaque jour pendant 18 mois », déclare Christensen. « Nous avons besoin de plus (de trous noirs à étudier), et nous en aurons plus ».