Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université de Leyde, aux Pays-Bas, révèle que deux personnes qui se rencontrent lors d’un premier rendez-vous développent des schémas synchronisés de rythme cardiaque lorsque « le courant » passe bien entre elles. De même, leur taux de transpiration au niveau des mains fluctue exactement de la même façon. Ces signaux physiologiques pourraient indiquer, davantage que tout autre signe plus visible, que deux personnes sont attirées l’une par l’autre.
Le bien-être de l’être humain repose en partie sur sa capacité à séduire et à se connecter à ses congénères, souvent par de brèves interactions. Lors de speed dating, outre les caractéristiques physiques, une certaine chorégraphie de mouvements, de réactions physiques et d’expressions subtiles peut contribuer à favoriser l’attraction. « L’attirance n’est pas simplement basée sur ce à quoi quelqu’un « ressemble sur le papier », mais aussi sur une intuition que nous ressentons lorsque nous sommes avec cette personne », souligne Eliska Prochazkova, spécialiste en sciences sociales et comportementales.
Pour étudier ce qui se passe au niveau physiologique lorsque deux personnes se plaisent dès leur premier rendez-vous, Prochazkova et son équipe ont organisé de brèves rencontres entre hommes et femmes, puis analysé certaines de leurs constantes médicales. Leur expérience a révélé que les sourires, les rires, le regard ou même l’imitation de ces signaux par l’un ou l’autre partenaire n’étaient pas significativement associés à l’attirance mutuelle. En revanche, celle-ci était prédite par la synchronisation de la fréquence cardiaque et de la conductance cutanée entre les partenaires ; des paramètres discrets, inconscients et difficiles à réguler.
Déterminer ce qui conditionne l’attirance mutuelle
En matière de relations amoureuses, chaque individu pense avoir des préférences, des critères que le partenaire doit absolument remplir pour que la relation fonctionne. Pourtant, il apparaît souvent que l’élu(e) ne correspond finalement pas à nos préférences initiales. C’est en tout cas la conclusion d’une étude parue en 2008 dans le Journal of Personality and Social Psychology.
De même, bien qu’un profil et une photo puissent être intéressants de prime abord derrière l’écran de son smartphone, tout peut être différent lorsque l’on se retrouve face à la personne en question. Cela prouve que des mécanismes plus complexes entrent en jeu lorsque l’on est séduit. « Dans notre monde moderne où des millions de personnes se rencontrent en ligne avant d’interagir face à face, la question de ce qui définit l’attraction n’a jamais été aussi pertinente », écrivent les auteurs de cette nouvelle étude.
L’expérience dirigée par Prochazkova a impliqué 142 hommes et femmes hétérosexuels célibataires, âgés de 18 à 38 ans ; ils ont été invités à participer à des rendez-vous de 4 minutes, isolés par deux dans des cabines de rencontre. Tous étaient équipés de lunettes de suivi des yeux (avec caméras intégrées) et des dispositifs permettant de mesurer les signaux physiologiques, notamment la fréquence cardiaque et la conductivité de la peau. L’objectif étant de déterminer précisément quels signaux étaient les plus significatifs d’une attirance.
Les partenaires étaient assis face à face, séparés par une barrière opaque, qui s’ouvrait par intermittence plus ou moins longtemps, afin de mesurer les différents paramètres. Ils devaient d’abord se regarder, sans parler, pendant quelques secondes ; dans un second temps, ils ont pu converser. Après chaque interaction, la barrière se refermait et les participants devaient évaluer leur partenaire.
Certains ont déclaré devenir de plus en plus attirés par leur interlocuteur à mesure que se déroulait le rendez-vous ; d’autres en revanche, n’ont absolument rien ressenti. De tous les duos qui ont été formés, 17% ont exprimé le souhait mutuel d’aller à un autre rendez-vous. Or, les chercheurs ont remarqué que ces personnes désireuses de se revoir ont affiché une synchronisation de deux fonctions corporelles : leur rythme cardiaque et leur niveau de sudation au niveau des paumes augmentaient et diminuaient en même temps ! L’équipe note qu’il était également fréquent que les participants imitent la gestuelle (position, regard, sourire, rire, etc.) de leur interlocuteur, mais ce type de synchronie n’était pas associée à une attraction mutuelle.
Une synchronisation qui renforce les liens sociaux
À noter que ce n’est pas la première fois que cette équipe de chercheurs se penche sur le sujet : une expérience similaire menée en 2019 avait d’ores et déjà montré que l’attraction entre deux individus est prédite par la synchronie de la fréquence cardiaque et de la conductance cutanée entre ces personnes.
Alors, que se passe-t-il concrètement lorsque l’on rencontre quelqu’un qui nous plaît ? Il semblerait que notre cerveau perçoive et traite certains signaux subtils envoyés par le partenaire, tels qu’une dilatation de la pupille ou un léger rougissement, puis adapte certaines fonctions corporelles en conséquence. « Bien que vous n’enregistriez pas consciemment ces changements subtils, votre cerveau et votre corps traitent inconsciemment ces micro-expressions, ce qui provoque la synchronisation de votre fréquence cardiaque et de la conductance cutanée avec le partenaire », explique Prochazkova. Ainsi, l’attraction des partenaires en interaction augmente et diminue en fonction de la synchronisation de leurs niveaux d’excitation inconscients.
La spécialiste souligne qu’une synchronisation physiologique similaire a également été observée entre les mères et leurs bébés. Une étude publiée en 2011 rapportait des épisodes de synchronisation du regard, de l’affect et de la voix, ainsi qu’une coordination de leurs rythmes cardiaques pendant les interactions sociales (une séance de jeu par ex.), avec des décalages inférieurs à une seconde. Les auteurs concluaient ainsi que les humains, comme les autres mammifères, peuvent influencer les processus physiologiques d’attachement non pas simplement par le biais du toucher physique, mais aussi par la synchronisation sociale visuo-affective.
Cette nouvelle étude a mis en évidence certains aspects physiologiques traduisant l’attirance entre deux personnes. Mais d’autres études seront encore nécessaires pour résoudre l’un des grands mystères de la science, à savoir ce qui conditionne exactement le fait de tomber amoureux.