La fonction du poumon est étroitement liée à son anatomie structurelle, qui varie considérablement d’un vertébré à l’autre. Une nouvelle étude de l’université de Princeton montre comment l’anole brun, une espèce de sauriens, résout l’un des problèmes les plus complexes de la nature — la respiration — avec une extrême simplicité. Alors que les poumons humains se développent pendant des mois et des années en structures arborescentes, ceux de l’anole se développent en lobes grossiers en quelques jours seulement. Et parce qu’ils se forment rapidement en s’appuyant sur des processus mécaniques simples, les poumons de ce saurien pourraient être exploités pour la conception de poumons artificiels.
« Des organismes différents ont des structures d’organes différentes […], et nous pouvons en apprendre beaucoup », a déclaré dans un communiqué Celeste Nelson, professeur de bio-ingénierie et chercheur principal de l’étude. « Si nous apprécions le fait qu’il y ait beaucoup de biodiversité que nous ne pouvons pas voir, et que nous essayons d’en tirer parti, alors nous — en tant qu’ingénieurs — aurons plus d’outils pour relever certains des grands défis auxquels la société est confrontée », ajoute-t-il. Ceci afin de pouvoir, par exemple, régénérer ou concevoir des tissus pulmonaires.
Il est intéressant de noter que dans la théorie de l’évolution lamarckienne, la fonction d’un organe dicte sa forme. Par conséquent, la physiologie de nombreux systèmes organiques montre, à travers l’arbre de l’évolution, une conservation de l’anatomie sous-jacente. Les poumons, cependant, sont radicalement différents selon les classes de vertébrés. Les poumons des mammifères et des oiseaux sont structurés en compartiments tissulaires distincts, qui séparent physiquement la conduction de l’air (par les bronches ou les sacs aériens, respectivement) de l’échange gazeux (par les alvéoles, ou les parabronches chez les oiseaux).
En revanche, les poumons de nombreux reptiles sont de simples sacs dans lesquels la conduction et les échanges gazeux ont lieu dans la même chambre anatomique. On pensait que le flux d’air unidirectionnel nécessitait l’anatomie complexe du poumon parabronchique, jusqu’à la récente découverte de schémas de flux unidirectionnels dans des poumons simples en forme de sac du lézard iguane vert. Les chercheurs supposent alors que ce modèle de flux d’air dépend en partie de la structure unique en forme de nid d’abeille de la paroi du poumon du lézard.
Le développement du poumon chez les sauriens : un mécanisme physique simple
Les auteurs de l’étude comparent le processus mécanique — très simple et inhabituel — du poumon de l’anole brun à une balle anti-stress en maille. Quelques jours après le début de son développement, le poumon du lézard se présente comme une membrane creuse et allongée, entourée d’une couche uniforme de muscles lisses. Au cours du développement, les cellules pulmonaires sécrètent du liquide, la membrane interne se gonfle alors, puis s’amincit lentement. La membrane exerce une pression sur le muscle lisse, qui se resserre et s’écarte en faisceaux de fibres, lesquels forment un maillage en forme de nid d’abeille. La membrane se déploie à travers les interstices, créant la surface nécessaire aux échanges gazeux. L’ensemble du processus prend moins de deux jours et se termine dans la première semaine d’incubation.
Pourquoi l’anole brun ? L’étude du développement du poumon d’un reptile était une grande première. Alors que les alligators se révélaient trop agressifs et que les anoles verts refusaient de se reproduire, Michael Palmer (co-auteur de l’étude) a pu capturer des anoles bruns sauvages au nord de la Floride en 2019. Il les a ensuite ramenés à Princeton, où les vétérinaires et le personnel des ressources animales de l’université ont aidé l’équipe à établir une installation permanente pour les anoles.
Michael Palmer a alors commencé à observer les œufs pour cartographier le développement pulmonaire de l’organisme. En collaboration avec Andrej Košmrlj, professeur adjoint de génie mécanique, et Anvitha Sudhakar, étudiant diplômé, Palmer a utilisé ses observations pour construire un modèle informatique du poumon et comprendre sa physique. « Nous étions curieux de savoir si nous pouvions apprendre quelque chose sur les bases du développement du poumon en étudiant un poumon aussi simple », a-t-il déclaré. Bien qu’il était déjà connu que le muscle lisse joue un rôle de sculpture dans d’autres systèmes, la nouvelle observation s’est révélée utile et facile à mettre en œuvre.
En effet, le processus est suffisamment simple pour que Palmer puisse utiliser son modèle informatique pour construire une réplique fonctionnelle en laboratoire. Les chercheurs ont moulé la membrane à l’aide d’un matériau en silicone appelé Ecoflex™, couramment utilisé dans l’industrie cinématographique pour le maquillage et les effets spéciaux. Ils ont ensuite entouré ce silicone de cellules musculaires imprimées en 3D, afin de créer le même type d’ondulations dans le silicone gonflé que celles que Palmer avait trouvées dans l’organe vivant. Si le système fabriqué n’a pas atteint la complexité totale du système vivant, il s’en est approché.