Pour toutes les personnes vivant avec le diabète de type 1, les injections quotidiennes d’insuline sont littéralement une question de vie ou de mort. Bien qu’il n’existe pas de cure, une équipe de recherche dirigée par l’Université de Cornell a développé un dispositif qui pourrait révolutionner la gestion du traitement de cette maladie.
En cas de diabète de type 1, les grappes de cellules pancréatiques (îlots) productrices d’insuline sont détruites par le système immunitaire. En effet, les individus qui sont atteints de diabète de type 1 produisent très peu ou pas du tout d’insuline, en raison d’une réaction auto-immune qui détruit partiellement ou entièrement les cellules bêta du pancréas. Ces dernières ont pour rôle de synthétiser l’insuline, qui est essentielle à l’utilisation du glucose sanguin par l’organisme comme source d’énergie.
L’équipe de recherche, dirigée par le professeur adjoint Minglin Ma du Département du génie biologique et environnemental du CALS (College of Agriculture and Life Sciences) de l’Université de Cornell, a mis au point une méthode ingénieuse pour implanter des centaines de milliers de cellules d’îlots chez un patient.
Ces îlots sont protégés par une fine couche de revêtement d’hydrogel et plus important encore, les cellules revêtues sont attachées à un fil de polymère et peuvent être retirées ou remplacées facilement lorsqu’elles ont perdu leur utilité. La transplantation de cellules d’îlots insulinoïdes dérivées de cellules souches est une alternative à l’insulinothérapie, mais qui nécessite une administration de médicaments immunosuppresseurs sur le long terme.
Une approche pour éviter la réponse du système immunitaire consiste à revêtir et protéger les cellules dans de minuscules capsules d’hydrogel (de plusieurs centaines de microns de diamètre). Cependant, en général, ces capsules ne peuvent pas être facilement retirées du corps car elles ne sont pas connectées entre elles, et il y en a des centaines de milliers.
Donc, la possibilité de pouvoir retirer ces éléments est d’une importance capitable, en raison du potentiel de formation de tumeurs lorsque des cellules productrices d’insuline, dérivées de cellules souches (la source cellulaire la plus prometteuse pour les thérapies cellulaires du diabète de type 1), sont utilisées. « Lorsqu’ils échouent ou meurent, ils doivent sortir », a déclaré Ma. « Nous ne voulons pas insérer quelque chose dans le corps que nous ne pouvons pas retirer par la suite. Avec notre méthode, nous n’avons pas ce problème », a ajouté Ma.
S’inspirant de la manière dont l’eau forme des perles sur une toile d’araignée, Ma et son équipe de recherche ont dans un premier temps tenté de connecter des capsules contenant des cellules d’îlots à travers une ficelle, mais ont vite réalisé qu’il serait préférable de mettre la couche d’hydrogel autour de ladite ficelle.
Cette ficelle n’est autre qu’un fil de polymère nanoporeux libérant du calcium ionisé. Le dispositif débute avec deux sutures de nylon stérile, tordues en hélice, puis repliées pour faciliter les revêtements ultérieurs de la structure nanoporeuse. Sur ce fil se trouve une fine couche d’hydrogel d’alginate contenant des cellules d’îlots, qui adhère au fil hélicoïdal nanoporeux (similaire aux gouttes de rosée qui adhèrent à la soie d’araignée). À savoir que l’alginate est un extrait d’algues notamment utilisé de manière courante dans les greffes cellulaires encapsulées.
La ficelle que le groupe a nommé TRAFFIC (Thread-Reinforced Alginate Fiber for Islets enCapsulation – Fibre d’alginate renforcée de fil pour l’encapsulation des îlots) a certes été inspirée par une toile d’araignée, mais est encore meilleure selon Ma, car l’hydrogel recouvre le fil de manière uniforme. « Vous n’avez aucun espace entre les capsules. Avec la soie d’une araignée, vous avez encore des trous entre les perles d’eau. Dans notre cas, les trous seraient mauvaix, en termes de tissu cicatriciel et autres », explique-t-il.
Et comme le fil est tordu et poreux, l’hydrogel ne glissera pas comme il le ferait sur un seul morceau de matériau lisse. Fan et Silberstein ont joué un rôle dans la modélisation de différentes options quant à la configuration du fil.
Cette thérapie impliquerait une chirurgie laparoscopique (ou cœlioscopie, une technique d’endoscopie médicale utilisée pour l’intervention chirurgicale sur la cavité abdominale), minimalement invasive pour implanter environ 2 mètres de fil enduit d’hydrogel dans la cavité péritonéale du patient. « Nous n’avons besoin que de deux incisions d’un quart de pouce (ndlr : environ 0,6 cm). Nous gonflons l’abdomen avec du dioxyde de carbone, ce qui nous donne de l’espace pour travailler, puis nous mettons deux ports – un pour une lunette accrochée à une caméra, afin que nous puissions voir ce que nous faisons et l’autre pour un dispositif de préhension. C’est ainsi que nous introduisons l’implant », a déclaré Flanders.
Ma explique que la grande surface de TRAFFIC favorise un meilleur transfert de masse, et que la diffusion est bonne car toutes les cellules des îlots sont proches de la surface. Les estimations de la durée de vie actuelle du fil sont entre 6 et 24 mois, bien que d’autres tests soient nécessaires afin d’avoir une estimation plus précise.
Chez les souris, les taux de glucose dans le sang sont retournés à la normale deux jours après l’implantation du fil TRAFFIC (d’une longueur de 2,5 cm) et sont restés normaux durant au moins trois mois (lorsque l’expérience a pris fin). La récupérabilité a été testée sur plusieurs chiens, avec des échantillons de 24,5 centimètres implantés avec succès, puis retirés par laparoscopie. Flanders, qui a réalisé une implantation chirurgicale chez les chiens, a déclaré que, parmi les différents chiens et les dispositifs testés, il n’y avait aucune adhésion ou seulement une adhésion minimale du dispositif aux tissus environnants lors de l’extraction.
Flanders estime que la collaboration a permis de produire un dispositif médical potentiellement révolutionnaire : « Je trouve que c’est brillant. Il y a eu d’autres appareils de ce type, mais celui-ci semble être tellement prometteur. Il est peu réactif, il protège les cellules des îlots, il leur permet de détecter le glucose, il ne s’attache à rien et peut être facilement éliminé. Pour moi, c’est une innovation qui a de beaux jours devant elle », explique-t-il.