Une étude d’imagerie microscopique avancée révèle que le diabète de type 2 provoque des changements directs dans la structure et les systèmes énergétiques du cœur. Chez les patients diabétiques, les caractéristiques moléculaires de l’insuffisance cardiaque étaient exacerbées, tandis que le stress sur les mitochondries était inhabituellement élevé. Ces observations étayent l’hypothèse de longue date selon laquelle les personnes souffrant de diabète présentent un risque plus élevé d’insuffisance cardiaque.
Touchant environ 1 à 2 % des adultes dans les pays développés, l’insuffisance cardiaque constitue l’une des principales causes de décès en Occident. Les types les plus courants sont la cardiomyopathie ischémique et non ischémique, qui se manifestent toutes deux par une dilatation ou un dysfonctionnement des ventricules. Ces affections figurent parmi les causes les plus fréquentes de transplantation cardiaque.
Cependant, les patients transplantés suite à ces affections présentent un risque élevé d’événements cardiaques aigus (crises cardiaques, angine de poitrine, …) et un taux de survie à dix ans réduit. Cela s’expliquerait par les facteurs de risque sous-jacents favorisant la progression de la maladie, malgré le remplacement des organes, tels que l’hypertension et le syndrome métabolique (qui englobe un ensemble de facteurs de risque tels que le surpoids et la glycémie élevée).
Des études ont montré que ces facteurs de risque étaient également associés à un risque plus élevé de diabète de type 2 (DT2) ou diabète sucré. Plus précisément, le DT2 est généralement corrélé à la cardiomyopathie ischémique chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque. Cependant, cette corrélation n’a jusqu’à présent pas été démontrée au niveau cellulaire et moléculaire.
Dans une récente étude publiée dans la revue EMBO Molecular Medicine, une équipe de l’Université de Sydney, en Australie, a pour la première fois identifié la signature moléculaire traduisant la corrélation entre l’insuffisance cardiaque et le DT2. « Nous avons depuis longtemps constaté une corrélation entre les maladies cardiaques et le diabète de type 2 », explique dans un communiqué Benjamin Hunter, du Laboratoire cardiovasculaire de précision de l’Université de Sydney et auteur principal de l’étude. « Mais il s’agit de la première recherche à examiner conjointement le diabète et les maladies cardiaques ischémiques et à découvrir un profil moléculaire unique chez les personnes atteintes des deux maladies », affirme-t-il.

Une capacité de contraction et de pompage réduits
Pour mener leur enquête, les chercheurs ont effectué une analyse multiomique du myocarde (ou muscle cardiaque) ventriculaire gauche de patients ayant subi une transplantation et de donneurs sains chez qui les tissus ont été prélevés post-mortem. Les patients présentaient soit une cardiomyopathie ischémique, soit une cardiomyopathie non ischémique, avec ou sans DT2. Les donneurs sains appartenaient à la même tranche d’âge.
L’équipe a constaté que le DT2 était associé à des changements moléculaires spécifiques au niveau des cellules cardiaques chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque, ainsi qu’à des changements structurels du myocarde. Ces altérations étaient encore plus marquées chez les patients atteints de cardiomyopathie ischémique.
Les techniques de microscopie avancées ont montré que ces changements structurels affectaient la manière dont le cœur maintient sa cohésion en situation de stress, ainsi que sa capacité à se contracter et à pomper le sang. Ces modifications directes entraînent une accumulation de tissus fibreux, altérant encore davantage la fonction contractile du cœur.
Le DT2 affectait également les processus énergétiques du tissu cardiaque. « Nous avons observé que le diabète aggrave les caractéristiques moléculaires de l’insuffisance cardiaque chez les patients atteints d’une maladie cardiaque avancée et augmente le stress sur les mitochondries, la centrale énergétique de la cellule, responsable de la production d’énergie », explique Hunter.
Par ailleurs, les protéines structurelles essentielles à la contraction du muscle cardiaque et au transport du calcium étaient significativement réduites chez les patients diabétiques. « Le séquençage de l’ARN a confirmé que bon nombre de ces changements protéiques se reflétaient également au niveau de la transcription des gènes, en particulier dans les voies liées au métabolisme énergétique et à la structure tissulaire, ce qui renforce nos autres observations », souligne le chercheur.
Ces résultats étayent l’hypothèse selon laquelle le diabète ne constitue pas seulement une comorbidité (une maladie accompagnant une autre) des maladies cardiaques, mais qu’il les aggrave en perturbant des processus biologiques clés. L’équipe estime que ces observations pourraient contribuer au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques ciblant simultanément les deux pathologies.