Si l’on sait depuis des décennies que le diabète de type 2 est causé par une hyperglycémie chronique, les mécanismes exacts causant les dommages au niveau des cellules productrices d’insuline sont encore flous. Cette incompréhension a conduit au développement de traitements qui ne sont pour la plupart que palliatifs, et que les patients sont contraints de suivre à vie. Une nouvelle recherche préliminaire suggère que de façon contre-intuitive, le diabète de type 2 serait plutôt causé par les métabolites du glucose et non par le glucose lui-même. À terme, cette découverte pourrait découler sur de meilleures stratégies pour traiter la maladie.
Dans le monde, près de 415 millions de personnes vivent avec un diabète, dont les causes peuvent être d’origine génétique ou dues à de mauvaises habitudes alimentaires. La grande majorité des cas concernent le diabète de type 2, qui se caractérise notamment par un déficit de production d’insuline, au niveau des cellules pancréatiques. À rappeler que la différence avec le type 1 est que les cellules productrices d’insuline fonctionnent plus ou moins normalement, mais sont inefficaces pour contrôler la glycémie. Dans le diabète de type 1, la production de l’hormone régulatrice est tout simplement absente.
Les symptômes du diabète de type 2 apparaissent et s’aggravent généralement avec l’âge, et au moment où les patients sont diagnostiqués, ils ont généralement déjà perdu jusqu’à 50% des fonctions des cellules bêta pancréatiques, qui sont censées produire l’insuline. L’insuline contrôle naturellement la glycémie, de sorte qu’elle ne soit pas trop élevée ou trop basse. L’hyperglycémie chronique induite par un défaut de production d’insuline peut engendrer de graves complications telles que la rétinopathie, la néphropathie, la neuropathie périphérique et les maladies cardiaques, tandis que l’hypoglycémie peut provoquer des malaises de gravité variable (avec ou sans perte de connaissance).
L’on sait ainsi que l’hyperglycémie chronique a un lien étroit avec le déclin de cellules bêta pancréatiques, les empêchant de produire de l’insuline et augmentant en aval et d’une façon plus importante la glycémie, qui à son tour endommage encore plus de cellules pancréatiques. Cependant, les mécanismes exacts engendrant cette cascade de dommages sont encore incompris.
« Nous avons réalisé que nous devions ensuite comprendre comment le glucose endommage la fonction des cellules bêta, afin que nous puissions réfléchir à la façon dont nous pourrions l’arrêter et ainsi ralentir le déclin apparemment inexorable de la fonction des cellules bêta dans le DT2 », explique dans un communiqué Elizabeth Haythorne, professeure au département de physiologie, d’anatomie et de génétique de l’Université d’Oxford, et auteure principale de la nouvelle étude parue dans Nature Communications.
Les chercheurs ont découvert que la destruction des cellules pancréatiques était enclenchée par les métabolites du glucose (et non par le glucose lui-même), même si son taux sanguin est élevé. Intervenir au niveau de ce processus métabolique pourrait déboucher sur une meilleure stratégie de traitement de la maladie.
L’inhibition de la glucokinase pourrait être la clé
Dans le cadre de leurs expériences, les scientifiques ont utilisé des modèles animaux et des cellules bêta pancréatiques isolées dans des cultures à forte teneur en glucose. Une fois produits par le métabolisme cellulaire, il s’est avéré que les métabolites du glucose ont déclenché un processus endommageant ces cellules. Ces dommages pourraient donc être évités en ralentissant le taux de métabolisme du glucose.
Bien que l’hyperglycémie entraine une hausse des activités métaboliques, les chercheurs ont découvert que le blocage de la glucokinase empêchait les métabolites d’être synthétisés. Ces métabolites désactiveraient le gène responsable de l’activation de la production de l’insuline, en plus de désactiver de nombreux autres gènes stimulant la sécrétion de l’hormone (les cellules bêta deviennent par conséquent insensibles au glucose).
D’un autre côté, la glucokinase est l’enzyme régulant la première étape du métabolisme du glucose, et réduit de ce fait la glycémie. Cependant et étrangement, l’inhibition de l’enzyme a amélioré la production de l’insuline dans les modèles animaux. Cette inhibition pourrait ainsi empêcher le processus génétique métabolisant le glucose tout en maintenant un taux normal d’insuline, même en cas d’hyperglycémie chronique.
« Nos données suggèrent que les activateurs de la glucokinase pourraient avoir un effet indésirable et, de manière quelque peu contre-intuitive, qu’un inhibiteur de la glucokinase pourrait être une meilleure stratégie pour traiter le diabète de type 2 », indique Frances Ashcroft, professeure au même département que Haythorne et co-auteure de la nouvelle étude.
Toutefois, il est à savoir que les chercheurs n’ont pas encore identifié les métabolites exacts responsables de ce processus génétique endommageant les cellules bêta. En attendant les prochains résultats puis les retombées cliniques, la meilleure option reste le contrôle rigoureux de la glycémie par le biais d’un régime alimentaire sain ou par l’injection d’insuline pour les cas plus graves. « Bien sûr, il serait important de réduire le flux de glucose pour qu’il corresponde à celui observé chez les personnes non diabétiques », souligne Aschcroft.