On sait depuis quelques années que le diamant synthétique est un allié solide des ordinateurs quantiques : il est capable de maintenir l’état de superposition — difficile à mettre en œuvre — pour calculer plusieurs valeurs simultanément. Mais les diamants contiennent des failles, plus connues sous le nom de « centres azote-lacune ». Afin de réaliser un internet quantique, des chercheurs de l’université nationale de Yokohama ont mis au point une méthode d’interfaçage pour contrôler ces failles, par le biais d’une intrication quantique de photons et de spin.
Dans l’informatique quantique, tout repose sur le concept de superposition. Le « qubit » — équivalent quantique des bits d’information dans les systèmes classiques — est capable, à l’état atomique, de prendre plusieurs valeurs simultanément. Mais à cause du phénomène de décohérence, les états superposés sont difficiles à contrôler. Le diamant synthétique s’avère utile dans le cadre du développement de l’informatique quantique, car il est capable de maintenir l’état de superposition tant recherché.
À la base, un diamant pur est constitué d’atomes de carbone identiques, répartis dans une structure en maille régulière. Lorsqu’il manque un noyau de carbone dans sa structure cristalline et qu’un atome d’azote vient occuper la place adjacente à cette lacune au sein de la maille (ce qui est un défaut ponctuel courant), on appelle cela « le centre azote-lacune » (ou centre NV). Une telle structure présente des propriétés de photoluminescence et peut être contrôlée à température ambiante en appliquant un champ magnétique, un champ électrique, un rayonnement micro-ondes ou visible, ou un ensemble de ces stimuli.
Il existe cependant un problème majeur : le contrôle de ces failles par un champ magnétique est incompatible avec les dispositifs quantiques existants. Pour être plus clair, imaginons que l’on essaye de connecter à internet (via le WiFi) l’un des premiers ordinateurs personnels mis au point en 1974. C’est une tâche difficile, mais pas impossible ! Les deux technologies parlent des langues différentes, donc la première étape consiste à traduire. Dans le cas des ordinateurs quantiques, le problème est similaire, mais plus complexe.
Centre azote-lacune : le contrôler pour concevoir un internet quantique
Des chercheurs de l’université nationale de Yokohama viennent de mettre au point une méthode d’interface pour contrôler les centres NV du diamant afin de permettre une traduction directe en dispositifs quantiques. « Pour réaliser l’internet quantique, une interface est nécessaire afin de générer une intrication quantique à distance par des photons, qui sont un moyen de communication quantique », a déclaré dans un communiqué Hideo Kosaka, co-auteur de l’étude et professeur au Centre de recherche sur l’information quantique et au Département de physique de l’université nationale de Yokohama.
L’internet quantique promis est enraciné dans plus d’un siècle de travaux dans lesquels les chercheurs ont déterminé que les photons sont à la fois des particules et des ondes (dualité onde-corpuscule). De plus, les deux états peuvent s’influencer mutuellement et leur nature est enchevêtrée, même sur de grandes distances. Il s’agit donc de contrôler l’enchevêtrement — ou intrication quantique — pour communiquer des données discrètes de manière instantanée et sécurisée. Des recherches antérieures ont démontré que cette intrication contrôlée peut être obtenue en appliquant un champ magnétique aux centres azote-lacune, mais une approche par champ non magnétique reste nécessaire pour se rapprocher de la réalisation de l’internet quantique.
Coupler l’intrication avec le transfert par téléportation quantique
L’équipe de chercheurs a donc utilisé des ondes polarisées en micro-ondes et en lumière pour emmêler un photon émis et des qubits de spin gauche. Ces polarisations sont des ondes qui se déplacent perpendiculairement à la source d’origine, comme les ondes sismiques qui rayonnent horizontalement à partir d’une faille verticale.
En mécanique quantique, la propriété de spin (à droite ou à gauche) du photon détermine la façon dont la polarisation se déplace, ce qui signifie qu’elle est prévisible et contrôlable. D’après Kosaka, lorsqu’on induit une intrication via cette propriété dans un champ non magnétique, la connexion semble stable par rapport aux autres variables. « La nature géométrique des polarisations nous permet de générer une intrication quantique à distance qui résiste au bruit et aux erreurs de synchronisation », a-t-il précisé.
Une expérience montre déjà une fidélité d’état d’intrication à 86,8%. L’équipe japonaise combinera ultérieurement cette approche avec un transfert d’informations quantiques par téléportation (transfert de l’état quantique d’un système vers un autre système similaire). Ceci afin de générer une intrication quantique et l’échange d’informations qui en résulte, même entre des points éloignés. L’objectif final est de faciliter la mise en place d’un réseau connecté d’ordinateurs quantiques en vue d’établir un internet quantique.
« La réalisation d’un internet quantique permettra la cryptographie quantique, le calcul quantique distribué et la détection quantique sur de longues distances (plus de 1000 kilomètres) », conclut le chercheur.