IMPORTANT : Cet article était notre poisson d’avril 2020. Bonne lecture.
Premièrement détectées au milieu des années 1990, les exoplanètes constituent aujourd’hui un catalogue de plus de 4000 éléments. La complexification des instruments d’observation et l’amélioration de leur sensibilité ont offert aux astrophysiciens de multiples moyens de détection, notamment avec la mise en place de satellites spatiaux comme TESS. Un système retient notamment l’attention des chercheurs depuis les premières traces de sa détection dans les données de Chandra en 2019. Et récemment, aidés d’une analyse effectuée par intelligence artificielle, des astrophysiciens ont pu identifier l’étonnante particularité de ce système.
En juillet 2019, l’équipe du département d’astrophysique des rayonnements de la Brown University (USA) dirigée par le professeur Joseph Cooper effectue une analyse de routine concernant les données de l’observatoire spatial Chandra. Ce télescope spatial, lancé en 1999 par la NASA, observe dans le domaine des rayons X. Son optique de Wolter de type I (HRMA) lui confère un pouvoir de résolution spectrale extrêmement élevé.
L’analyse de Cooper s’axe plus particulièrement sur un ensemble de données recueillies par Chandra dans une région située à environ 22 millions d’années-lumière de la Terre, au voisinage direct de la galaxie spirale M74. En effet, l’analyse spectrale dans la gamme des rayons X effectuée par Chandra montre une quantité inhabituelle de rayons X dans cette région du ciel, là où la densité de rayonnement électromagnétique est, par ailleurs, généralement faible. [POI]
« Nous avons été surpris d’observer un taux de rayons X inhabituel dans le set de données CH-MKX2A de Chandra. En temps normal, cette région de l’espace, bien que non dépourvue de lumière due à la présence de la galaxie M74, n’est pour autant pas le siège d’une densité de rayonnement aussi élevée. Vous pourriez vous attendre à de telles quantités de rayons X au voisinage d’un trou noir par exemple », explique Cooper.
Rayons X : l’hypothèse du trou noir écartée
En effet, la galaxie spirale M74 abrite un trou noir supermassif, à l’image de celui siégeant au centre de la Voie lactée, qui pouvait être la source des rayonnements. Les trous noirs sont entourés d’un disque d’accrétion de gaz et de poussière et, lorsqu’ils absorbent de grandes quantités de matière, les phénomènes de friction thermique, associés à la dynamique complexe de leur champ magnétique, sont à l’origine de l’émission d’un intense rayonnement électromagnétique couvrant plusieurs fréquences du spectre, dont les rayons X. [SSON]
Toutefois, les chercheurs ont rapidement abandonné cette piste. Le rayonnement émis par un trou noir actif est relativement focalisé en un point de l’espace autour de la source. Or, si à première vue les données de Chandra semblaient montrer une seule et unique source d’émission, un lissage et une étude plus approfondie des données ont finalement montré que ce n’était pas le cas. Pour ce faire, l’équipe de Cooper s’est aidée de l’intelligence artificielle, et notamment d’un algorithme baptisé TARS (Traitement Automatisé des Rayonnements Spectraux). [DAVR]
L’existence de plusieurs sources d’émission
TARS est un type de réseau de neurones artificiels multiconnexes développés par le MIT en 2018 afin d’aider les astrophysiciens à analyser en détail les spectres d’émission de différents objets cosmiques. Pendant six jours, TARS a démêlé les différentes lignes d’émission présentes dans le spectre observé par Chandra, et les résultats ont surpris les chercheurs : il ne s’agissait pas d’un seul spectre homogène, mais de plusieurs spectres d’émission superposés les uns sur les autres. Il n’y avait donc pas une, mais plusieurs sources de rayons X. [IL]
Les chercheurs ont tout d’abord pensé à un système stellaire binaire. Lorsque deux étoiles étoiles orbitent proches l’une de l’autre, l’accrétion de matière de l’une des deux étoiles, généralement une naine blanche, provoque l’émission de rayons X de la part des deux corps. « Dans le cas de l’accrétion de matière par une étoile compagnon, deux sources d’émission sont présentes. Cependant, les données analysées par TARS montraient une troisième source, ce qui ne collait pas avec cette hypothèse », indique Amelia Brand.
Positrons et rayons X : des signes d’antimatière ?
Pour tenter d’élucider l’origine du phénomène, Cooper a combiné les données de Chandra avec celles du VLT, situé dans le désert d’Atacama au Chili. Les astrophysiciens ont notamment analysé les raies d’émission observées par le spectromètre multiobjets MUSE intégré au télescope. Les résultats ont montré, dans la même région observée par Chandra, un intense rayonnement positronique localisé.
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« Une telle densité de positrons associée à l’émission de rayons X est généralement le résultat d’une annihilation matière-antimatière. Cependant, pour observer de telles valeurs, d’énormes quantités d’antimatière seraient nécessaires. Au moins l’équivalent de la masse d’une planète. Nous avons donc recherché les sources potentielles d’antimatière dans cette zone de l’Univers », déclare Cooper.
En soumettant le set combiné de données de Chandra et de MUSE à TARS, les chercheurs ont découvert que les rayonnements provenaient de trois sources distinctes de masses équivalentes. Pour en découvrir l’origine, les astrophysiciens ont pointé le VLT sur cette région compacte et ont découvert que ces trois objets orbitaient autour d’une étoile de type géante bleue baptisée UDI9987. L’analyse spectrale effectuée sur les objets a profondément laissé perplexe l’équipe de Cooper.
Un système d’exoplanètes gazeuses entièrement composées d’antimatière
« Nous avons effectué une première analyse spectrophotométrique des trois corps. Pensant avoir fait une erreur, nous avons effectué une seconde analyse, avec les mêmes résultats. Les trois corps semblaient composés entièrement d’antimatière. Nous étions dans l’incompréhension totale », révèle le professeur John Brand.
En effet, l’analyse spectrophotométrique a révélé des bandes caractéristiques d’antihydrogènes et d’anti-hélium. De masses similaires à celle de Jupiter, les trois objets avaient d’évidentes caractéristiques planétaires, avec toutefois une structure gazeuse composée d’atomes d’antimatière. Après avoir effectué une troisième analyse, les chercheurs se sont rendus à l’évidence : cette formation était un système d’exoplanètes d’antimatière.
Bien que l’antimatière ne soit pas absente de l’Univers, elle n’est ordinairement trouvée qu’en petites quantités à l’état naturel. L’existence de ce nouveau système défie les modèles actuels de formation planétaire, et l’équipe de Cooper est déjà en train de chercher des hypothèses qui pourraient expliquer sa formation. L’étude en question, tout comme cet article, ne sont que des poissons d’avril très bien ficelés.