Ce n’est malheureusement pas la première étude qui l’affirme : l’ampleur du réchauffement climatique serait en réalité bien pire que ce que suggèrent les données climatiques recueillies jusqu’à présent. De nouveaux travaux de recherche, publiés dans le Journal of Climate, montrent que les mesures satellitaires de la température de la troposphère — la région la plus basse de l’atmosphère — effectuées au cours des 40 dernières années, pourraient être erronées.
Température et humidité sont des variables dites complémentaires ; en d’autres termes, cela signifie qu’elles affichent un comportement étroitement corrélé. Or, des climatologues du Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL) ont remarqué que de nombreuses mesures de température et d’humidité utilisées dans les modèles climatiques ne suivaient pas ces lois physiques de base. Concrètement, cela ne peut signifier que deux choses : soit les mesures d’humidité ont été surestimées, soit la température a été sous-estimée.
Pour Ben Santer, climatologue au LLNL, qui a dirigé l’étude, « il est actuellement difficile de déterminer quelle interprétation est la plus crédible ». L’analyse de plusieurs ensembles de données d’observation a néanmoins montré que ces dernières ne coïncidaient pas avec d’autres variables complémentaires, mesurées indépendamment. Et cela concerne notamment les données suggérant les plus petites valeurs de réchauffement…
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Des résultats conformes à un réchauffement plus important
Pour parvenir à cette triste conclusion, l’équipe a étudié quatre propriétés du changement climatique tropical, chacune étant un rapport de tendances de deux variables complémentaires. Les trois premières propriétés impliquaient les tendances de la vapeur d’eau tropicale : elles ont été comparées aux tendances de la température de surface de la mer (SST), de la température de la troposphère inférieure (TLT) et de la température de la troposphère moyenne à supérieure (TMT). Enfin, la quatrième propriété était le rapport entre les tendances de la TMT et de la SST.
Ces quatre rapports sont strictement définis dans les simulations de modèles climatiques (et ce, malgré les différences entre les modèles), car ils reposent sur des lois physiques : l’humidité relative est le rapport de la quantité de vapeur d’eau contenue dans l’air sur la quantité de vapeur d’eau maximale qu’il peut contenir à une température donnée. L’humidité relative d’une masse d’air varie donc avec la température de l’air : un air chaud contient plus d’eau (sous forme de vapeur) qu’un air froid — c’est le principe de la rosée : lorsque la température baisse jusqu’au point de rosée de l’air ambiant, la vapeur d’eau contenue dans l’air se liquéfie.
En revanche, chacun de ces rapports de variables présente une grande amplitude de valeurs lorsqu’il est calculé à partir des données d’observation satellite (plus ou moins importante selon les ensembles de données considérés). En comparant les résultats, les chercheurs ont constaté que les rapports de tendance entre vapeur d’eau et température obtenus par simulation étaient les plus conformes aux rapports observés lorsque ces derniers étaient calculés à partir d’un ensemble de données montrant un réchauffement tropical plus important de la surface de l’océan et de la troposphère.
Même constat pour le rapport TMT/SST : les ensembles de données d’observation associés à un réchauffement plus important de la surface de l’océan tropical ont donné des rapports TMT/SST plus en accord avec les résultats du modèle. En clair : les mesures suggérant un moindre réchauffement apparaissent comme les moins fiables.
Évaluer la fiabilité des données satellites
Par conséquent, si les prévisions du modèle climatique concernant les relations entre température tropicale et humidité sont réalistes, ces résultats reflètent soit un biais systématique faible dans les tendances de la température troposphérique, soit une surestimation du signal d’humidification atmosphérique, observés et mesurés par satellite.
Reste à déterminer la nature exacte de l’erreur, pour savoir si oui ou non le réchauffement climatique en cours est pire que ce que suggèrent les données satellites. Pour ce faire, il est nécessaire de réexaminer chaque ensemble de données, puis remonter le temps afin de déterminer comment ces données satellites ont divergé des observations réelles. Ainsi, si les modèles reposant sur les données satellites prévoient des températures différentes de celles que nous observons aujourd’hui, alors les mesures d’humidité sont probablement correctes, tandis que les mesures de température sont erronées, et vice versa.
Stephen Po-Chedley, chercheur au LLNL et co-auteur de l’étude, estime que de telles comparaisons entre les variables complémentaires sont un bon moyen d’évaluer la fiabilité des différents ensembles de données. « Ce travail montre qu’une comparaison minutieuse de différents champs géophysiques peut nous aider à déterminer les changements historiques du climat avec une plus grande précision », souligne-t-il. Il faudra malheureusement pas mal de temps pour réévaluer des décennies de données et déterminer sur quelles mesures s’appuyer pour établir des prédictions fiables.