Les transplantations d’organes sont des opérations chirurgicales complexes mais relativement courantes dans les hôpitaux. Elles permettent de sauver de nombreuses vies. Avant de prélever les organes du donneur, ce dernier subit une batterie de tests dans le but de s’assurer que ses organes sont sans dangers pour les receveurs. Cependant, dans de très rares cas, il arrive qu’une pathologie sous-jacente ne soit pas détectée et provoque, par la suite, le décès des receveurs.
La transmission de pathologies par l’intermédiaire d’une transplantation n’est pas un danger inconnu du corps médical. Cependant, c’est un douloureux rappel de cet avertissement qui s’est imposé aux médecins du Centre Médical Académique d’Amsterdam. Après avoir transplanté deux reins, deux poumons, un foie et un coeur à cinq patients différents, les chirurgiens ont également transmis aux receveurs le cancer latent de la donneuse.
Cette insidieuse transmission — que les scientifiques n’ont découvert que quelques mois après — a ainsi conduit au décès de trois des receveurs. Le cas médical a été publié dans la revue American Journal of Transplantation. Bien que les patients atteints d’un cancer ne soient pas des donneurs recevables, cette donneuse de 53 ans était considérée comme saine et apte à donner ses organes.
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Malheureusement, sur les cinq receveurs, trois sont morts d’un cancer dérivé du cancer du sein primitif de la donneuse. Ce dernier n’avait pas été détecté durant les tests précédant les dons, explique l’équipe de médecins dirigée par le néphrologue Frederike J. Bemelman.
« Plusieurs études ont montré que des cancers peuvent être transmis lors de transplantations d’organes solides. Néanmoins, il s’agit du tout premier cas de transmission d’un cancer du sein après une procédure de transplantation multi-organes d’un donneur vers cinq receveurs » indique l’étude.
La donneuse de 53 ans est morte d’un AVC en 2007. Avant sa mort, son dossier de donneur — comportant un examen physique complet, des radios par ultrasons et rayons X, et d’autres tests exhaustifs — n’indiquait aucune trace de cancer malin. Après la transplantation, le patient ayant reçu le cœur est mort d’un choc septique, sans lien avec le cancer.
Mais quelques mois plus tard, après que leur corps ait accepté leurs nouveaux organes, les quatre autres patients ont commencé à montrer des symptômes inquiétants.
Seize mois après l’opération, en août 2008, la patiente ayant reçu les deux poumons a présenté des signes de dysfonctionnements organiques, et des tests ont révélé la présence de tumeurs épithéliales qui ont par la suite métastasé. Elle est décédée en 2009, les biopsies ayant indiqué la présence de cellules cancéreuses dérivées de celles de la donneuse.
Suite à sa mort, les médecins ont examiné la patiente de 62 ans ayant reçu le rein gauche. Les tests initiaux n’ont montré aucun signe de cancer, d’autant plus qu’il n’était pas considéré médicalement possible d’enlever ces nouveaux organes. Cinq années plus tard, d’importants symptômes sont apparus, indiquant la présence d’un cancer généralisé transmis par la donneuse. La patiente est décédée deux mois plus tard.
La patiente de 59 ans ayant reçu le foie a traversé les mêmes épreuves, avec un cancer détecté quatre ans après la transplantation. Pendant trois ans elle a combattu la maladie, puis est décédée au terme de cette période. Sur les quatre receveurs, un seul a survécu au cancer transmis par la donneuse.
Un homme de 32 ans ayant reçu le rein droit a développé un carcinome en 2011 ; il a subi une néphrectomie (ablation du rein) puis est entré en rémission. « En août 2012, il montrait une rémission totale. Et en avril 2017, il ne montrait toujours aucune trace de tumeurs et faisait part de sa volonté de se soumettre de nouveau à une transplantation » indique l’étude.
Le processus par lequel le cancer a été transmis aux quatre donneurs n’est pas encore connu des médecins. Ces derniers pensent toutefois que les immunosuppresseurs donnés aux patients pour éviter le rejet des greffons ont permis au cancer de se propager.
Bien que le risque de transmission d’un cancer par transplantation soit extrêmement faible — entre 0.01% et 0.05% — en raison d’un dépistage rigoureux, des tests encore plus approfondis permettraient d’éviter ce genre de situation tragique.
Le succès de la néphrectomie et du traitement administré au receveur du rein droit montre toutefois qu’une telle procédure est efficace dans le cas où un patient similaire se présenterait à nouveau. « Cette situation extraordinaire met en lumière les conséquences souvent fatales du cancer du sein dérivé du donneur, et suggère que l’ablation de l’organe du donneur et la restauration de l’immunité peuvent conduire à une rémission complète » conclut l’étude.