Alors que l’industrie aérospatiale s’efforce de préparer un avenir plus durable, la startup néerlandaise Elysian a dévoilé un projet ambitieux d’un avion 100 % électrique baptisé E9X. Selon l’entreprise, cet aéronef à batterie constitue une étape clé vers un avenir plus vert pour l’aviation commerciale. Elle prévoit de produire un prototype fonctionnel d’ici 2030. Avec une autonomie de 800 km, il pourrait réduire les émissions carbone d’un tel trajet commercial de 90 %.
L’objectif zéro émission d’ici 2050 que s’est fixé l’aviation commerciale risque de prendre du retard en raison de défis techniques et financiers majeurs. Le principal obstacle est celui de réduire considérablement l’impact climatique en remplaçant les moteurs à réaction et les turbopropulseurs par des alternatives plus économes en carburant. Le jet Gulfstream G800, équipé d’un moteur Rolls-Royce, est relativement prometteur, mais la durabilité de cette solution reste à prouver.
Par ailleurs, la production à grande échelle d’avions électriques semble encore lointaine, à moins que les technologies des batteries n’évoluent significativement. Toutefois, la startup Elysian, basée aux Pays-Bas, a décidé de relever le défi avec son ambitieux projet d’avion régional entièrement électrique alimenté par batteries. « Une partie de la raison pour laquelle l’industrie aérospatiale a été si sceptique à l’égard des gros avions électriques est que pour électrifier un avion contemporain, il a fallu faire des hypothèses très folles sur la façon dont la technologie des batteries allait se développer », a déclaré Daniel Rosen Jacobson, co-PDG d’Elysian.
Un avion à la conception unique
« De nombreux experts affirment que vous avez besoin d’une technologie de batterie au-delà de tout ce qui sera disponible jusqu’en 2050 pour obtenir une autonomie et une capacité de charge utile raisonnable », a déclaré à CNN Reynard de Vries, directeur de la conception et de l’ingénierie de la startup. « On peut voler beaucoup plus loin avec un avion électrique alimenté par batterie que ce que prétendent la plupart des études, si vous faites les bons choix », a-t-il ajouté. Pour contourner le problème, Elysian, en collaboration avec des scientifiques de l’Université technologique de Delft aux Pays-Bas, a repensé l’avion du futur en tirant profit des meilleures technologies de batteries actuelles.
Le fruit de cette collaboration est le concept E9X, un avion électrique de la taille d’un A320 capable de transporter 90 passagers sur 800 km. Pour l’instant, l’E9X n’existe que sur papier, mais de Vries précise : « Ce qu’il faut vraiment faire, c’est le concevoir à partir de zéro, en commençant par une feuille blanche ». L’entreprise prévoit de construire le premier modèle réduit d’ici deux ou trois ans et un prototype à grande échelle d’ici six ans.
D’un design rappelant les avions des années 60, l’E9X est équipé de huit moteurs à hélice alimentés par des batteries placées dans les ailes. Ce choix vise à répartir le poids de l’avion afin de le rendre aussi homogène que possible. « Il s’agit d’un choix de conception crucial. Les batteries représentent une part importante du poids de l’avion, et ce que vous voulez faire avec le poids, c’est le placer là où la portance est générée », explique de Vries.
Avec une envergure de 42 m, l’E9X sera doté d’ailes partiellement pliables (le bout uniquement). Ce design améliore l’aérodynamisme de l’avion tout en lui permettant de s’adapter aux infrastructures aéroportuaires actuelles. Les recherches menées par Elysian et les scientifiques de Delft suggèrent que l’avion pourrait couvrir 50 % de tous les vols commerciaux réguliers à travers le monde.
Avec une autonomie de 800 km, il pourrait réduire les émissions carbone d’un tel trajet commercial de 90 %. « Contrairement à la croyance commune, les gros avions électriques à batterie peuvent transporter beaucoup plus d’énergie et sont aérodynamiquement plus efficaces qu’on ne le pensait initialement », a souligné Rob Wolleswinkel, co-fondateur et PDG d’Elysian.
Des défis techniques à relever
La réalisation de l’E9X comporte cependant d’importants défis techniques. Le premier concerne le temps de charge des batteries. « Notre objectif actuel est un temps de recharge maximum de 45 minutes », a déclaré l’équipe. Des problèmes majeurs tels que le développement des cellules de batteries, la transmission efficace d’énergie à haute tension et la gestion thermique doivent également être résolus avant que l’avion puisse être opérationnel.
Avant Elysian, la NASA et Rolls-Royce avaient envisagé de produire des avions électriques, mais ont abandonné le projet l’année dernière. L’idée d’un avion électrique captive les passionnés d’aviation depuis les années 70, mais les efforts en ce sens ont été entravés par les limites techniques des batteries.
« À mon avis, le principal goulot d’étranglement reste la source d’énergie, car les batteries actuelles sont trop lourdes pour la quantité d’énergie qu’elles fournissent. Cela signifie que pour l’instant, la propulsion électrique n’est viable que pour les petits avions avec une autonomie limitée », a déclaré à Politico Sophie Armanini, maître de conférences en robotique aérienne à l’Imperial College de Londres.
Quoi qu’il en soit, d’autres sociétés sont proches de développer des avions électriques qui pourraient entrer en service avant l’E9X, comme ZeroAvia. L’entreprise en question a produit un avion de 19 places équipé de deux moteurs électriques à hydrogène, dont les tests se sont avérés concluants. ZeroAvia prévoit de le mettre en service d’ici fin 2025. De son côté, de Vries indique que des discussions sont en cours avec des compagnies aériennes du monde entier, et estime que l’E9X pourrait susciter l’intérêt des compagnies régionales.