Après un voyage de six années dans l’espace, la sonde spatiale japonaise Hayabusa 2 a accompli sa mission avec succès : le 6 décembre, les échantillons qu’elle a récoltés sur l’astéroïde Ryugu fin novembre étaient de retour sur Terre. La capsule qui les contenait a marqué le ciel d’une traînée de lumière à son entrée dans l’atmosphère. Au sol, une équipe de scientifiques, impatients d’analyser les précieux échantillons…
La matière collectée ne devrait pas peser plus de 0,1 gramme. Pourtant, ces quelques poussières d’astéroïdes pourraient apporter des informations essentielles sur la formation de l’Univers et l’origine de la vie. Ryugu est un astéroïde carboné primitif, il est donc fort probable qu’il ait conservé des matériaux du système solaire datant de l’époque de sa formation, il y a 4,5 milliards d’années.
La sonde Hayabusa 2 a largué les échantillons sur la Terre avant de continuer son voyage. La capsule qui les transportait est entrée dans l’atmosphère juste avant 2h30, heure du Japon (17h30 GMT), créant une boule de feu. Elle a atterri dans la zone de Woomera, en Australie. La capsule étant équipée de balises, l’équipe de l’Agence japonaise d’exploration aérospatiale (JAXA) a pu rapidement la localiser.
Une explication possible à l’origine de la vie
Sur l’astéroïde Ryugu, Hayabusa 2 est parvenue à collecter de la poussière de surface, mais aussi des matériaux situés plus en profondeur, grâce à son impacteur intégré qui permet de creuser le sol sur une surface de deux mètres de diamètre. Les corps célestes plus imposants, comme la Terre, ont subi des changements radicaux au cours du temps, notamment des processus de réchauffement et de solidification, qui ont modifié la composition des matériaux se trouvant à leur surface et en dessous. En revanche, dans le cas d’objets plus petits, tels que cet astéroïde, les matériaux n’ont pas subi les mêmes transformations, ils n’ont pas fondu. Les experts pensent ainsi que les composés datant d’il y a 4,5 milliards d’années sont toujours présents. L’analyse des échantillons permettra de le confirmer.
En attendant, la JAXA se félicite de la réussite des opérations. « Après six ans de voyage dans l’espace, la boîte à trésors a pu atterrir dans Woomera ce matin. La capsule a parfaitement atterri, et la sonde est en train de passer à une autre mission » a déclaré Yuichi Tsuda, chef de projet à la JAXA, lors d’une conférence de presse. Megan Clark, chef de l’Agence spatiale australienne, s’est quant à elle réjouie de cette « merveilleuse réalisation » dans un contexte mondial actuellement difficile : « le Hayabusa 2 a contribué à renouveler notre foi dans le monde, ainsi que notre confiance (en) et notre appréciation de la science de l’univers extérieur », a-t-elle déclaré.
La réussite de cette mission est d’autant plus importante que ce n’est que la seconde fois que les scientifiques disposent d’échantillons d’astéroïdes. Une seule autre mission avait permis de rapporter des échantillons sur Terre : la mission Hayabusa, chargée d’explorer l’astéroïde Itowaka, en 2010. Mais le dispositif de collecte n’avait pas fonctionné comme prévu et seuls quelques microgrammes avaient été ramassés. De ce fait, les analyses avaient été quelque peu limitées.
À présent aux mains des scientifiques, les échantillons de Ryugu vont faire l’objet d’une première série d’analyses, sur place, concernant notamment les émissions de gaz. Le tout sera ensuite envoyé au Japon, où les ingénieurs de la JAXA se livreront à une étude plus poussée des matériaux extraterrestres. Les spécialistes sont particulièrement impatients de rechercher d’éventuelles traces de matière organique, qui pourraient potentiellement expliquer l’apparition de la vie sur Terre. « Nous ne connaissons toujours pas l’origine de la vie sur Terre et à travers cette mission Hayabusa 2, si nous sommes capables d’étudier et de comprendre ces matières organiques de Ryugu, il se pourrait qu’elles aient été la source de la vie sur Terre », explique Makoto Yoshikawa, responsable de la mission Hayabusa 2.
En route vers d’autres astéroïdes géocroiseurs
Pour les chercheurs, ces nouveaux échantillons sont véritablement inestimables : « Nous n’avons jamais eu de matériaux comme celui-ci auparavant… L’eau et les matières organiques feront l’objet de recherches, c’est donc une opportunité très précieuse », se réjouit Motoo Ito, chercheur principal à l’Agence japonaise pour les sciences et technologies marines et terrestres. À noter que le Japon n’aura pas le monopole des analyses : la moitié des échantillons récoltés sur Ryugu seront partagés entre la JAXA, la NASA et d’autres organisations internationales. L’autre moitié sera précieusement conservée pour les futures études qui seront menées, à mesure des progrès réalisés dans les technologies analytiques.
Hayabusa 2 a accompli cette première tâche avec succès, mais sa mission n’est pas finie pour autant. Elle a en effet d’autres astéroïdes à « visiter », à commencer par l’astéroïde 2001 CC21, qu’elle devrait atteindre au mois de juillet 2026, après avoir accompli une série d’orbites autour du Soleil pendant environ six ans. Il ne sera pas question de collecter des matériaux ici, mais de prendre divers clichés de l’objet. Tout comme Ryugu, cet astéroïde est classé parmi les objets « potentiellement dangereux », du fait qu’ils passent à proximité de l’orbite terrestre (ce sont des objets géocroiseurs, des Near-Earth Objects) ; ils menacent ainsi d’entrer en collision avec la Terre. Leur étude doit permettre de réunir les éléments nécessaires à la mise en place d’un système de défense planétaire contre ce type d’objets.
Après avoir survolé 2001 CC21, Hayabusa 2 se dirigera vers 1998 KY26, un petit astéroïde de seulement 30 mètres de diamètre, en rotation rapide — son jour sidéral, soit la durée que met l’objet pour faire un tour sur lui-même, est estimé à 10,7 minutes. Lorsque la sonde arrivera sur cet astéroïde en juillet 2031, elle sera à environ 300 millions de kilomètres de la Terre ! Là encore, l’engin sera chargé de prendre des images de l’objet, ce qui sera relativement difficile étant donné sa rotation rapide. Il est cependant peu probable qu’Hayabusa 2 recueille de nouveaux échantillons, car elle n’aurait pas assez de carburant pour les réexpédier sur Terre.