Plus tôt cette année, en février 2016, des astronomes ont fait une découverte historique : près de 100 ans après les prédictions d’Albert Einstein, les chercheurs ont réussi à détecter des ondes gravitationnelles. Ces oscillations de la courbure de l’espace-temps avaient été détectées grâce à leur rayonnement émanant de la fusion de deux trous noirs.
Il s’agissait alors, en quelques sortes, d’une confirmation de la théorie de la relativité générale d’Einstein, mais une découverte inattendue vient de proposer le fait que que sa théorie, échoue à expliquer l’horizon des événements des trous noirs. En effet, depuis le mois de février, le Laser Interferometer Gravitational Wave Observatory (LIGO) a pu analyser un total de trois phénomènes d’ondes gravitationnelles.
Mais à présent que des chercheurs ont pu analyser ces données avec précision, ils prétendent qu’ils ont trouvé des traces d’échos dans les ondes gravitationnelles, qui défieraient les prédictions d’Einstein.
Ces nouvelles revendications ont été publiées sur ArXiv.org, où elles peuvent être examinées par le reste de la communauté scientifique ainsi que par le public, avant d’être soumises à des examens par les pairs. D’après les premiers calculs, la marge d’erreur serait de 5-sigma, ce qui signifie dans le monde de la physique qu’il y aurait une chance sur 3,5 millions que le résultat puisse être dû au hasard.
Si de nouvelles recherches démontrent que ces échos sont vraiment présents, il s’agirait alors d’une découverte d’une importance majeure pour la physique. « Les détections du LIGO proposent une opportunité passionnante d’enquêter sur un nouveau régime physique », explique Steve Giddings, chercheur spécialisé en trous noirs de l’Université de Californie à Santa Barbara, qui n’a pas été impliqué dans l’étude.
Par contre, si les échos disparaissent, la théorie de la relativité générale aurait passé un test supplémentaire. En effet, cela fait des décennies que les physiciens du monde entier tentent de créer des brèches dans la théorie d’Einstein, en essayant de trouver des manières dont elle pourrait ne plus être compatible avec les constats actuels, mais jusqu’à présent, la version originale d’Einstein a toujours su prospérer.
En quoi consistent ces échos et quelle est leur relation avec la relativité générale ?
Nous devons nous référer au paradoxe de l’information. Le paradoxe de l’information est un paradoxe mis en évidence par Stephen Hawking en 1976, opposant les lois de la mécanique quantique à celles de la relativité générale. En effet, la relativité générale implique qu’une information pourrait fondamentalement disparaître dans un trou noir. Cette perte d’information implique une non-réversibilité (un même état peut être issu de plusieurs états différents) et une évolution non unitaire des états quantiques, ce qui est donc en contradiction fondamentale avec les postulats de la mécanique quantique.
Selon la théorie de la relativité générale d’Einstein, absolument tout ce qui traverse l’horizon des événements d’un trou noir devrait disparaître, sans laisser de traces. Même la lumière ne pourrait y échapper. Plus récemment cependant, des chercheurs ont remis en question cette idée car selon la mécanique quantique, la matière happée par un trou noir laisserait tout de même des traces d’elle-même à l’extérieur de ce dernier. Alors, comment est-ce que l’horizon des événements pourrait satisfaire à la fois la relativité générale (tout ce qui traverse cette frontière serait donc totalement détruit) et la mécanique quantique (où des traces subsisteraient) ? Il s’agit là d’un des plus gros problèmes en physique, et personne ne possède encore la réponse.
L’une des explications, proposée en 2012, est l’hypothèse du mur de feu. Cette dernière suggère qu’il y a un anneau de particules de haute énergie autour de l’horizon des événements d’un trou noir, possédant donc une grande densité énergétique, qui brûle littéralement toute matière passant à travers. Mais le physicien Stephen Hawking pense qu’il en va autrement : les trous noirs seraient entourés de « cheveux » doux. Ces « cheveux » sont des excitations quantiques de faible énergie, qui stockent un modèle de signature de tout ce qui a été aspiré par le trou noir.
Quelle que soit l’hypothèse qui vous paraisse la plus convaincante, le message est le même : au lieu d’avoir un horizon des événements propre (prédit par la relativité générale), les trous noirs et leur entourage pourraient être plus encombrés que nous le pensions. Le problème était que nous n’avions aucun moyen de tester ces hypothèses, jusqu’à ce que LIGO ait détecté ces ondes gravitationnelles plus tôt cette année.
À présent, avec les dernières données à disposition, une équipe de chercheurs internationaux a proposé une manière de mesurer ce qui se passe autour des trous noirs : si la bordure des trous noirs défie réellement la relativité générale, alors une série d’échos devrait être émise lors de la diffusion des premières ondes gravitationnelles. L’équipe prévoit en effet que le flou autour d’un trou noir agira comme une salle remplie de miroirs, piégeant certaines ondes gravitationnelles qui échappent à la fusion des trous noirs et les fait rebondir (donc seulement quelques-unes peuvent s’en échapper à chaque fois), signifiant qu’elles auraient frappé LIGO un peu plus tard.
Selon les calculs de l’équipe, ces échos auraient été détectés par LIGO à 0.1, 0.2 et 0.3 secondes après avoir détecté l’onde gravitationnelle initiale et c’est précisément ce que les données démontrent. Il en va de même pour les trois événements observés par LIGO. Bien entendu, trois événements d’ondes gravitationnelles ne représente pas un grand échantillon : il existe une chance que ces échos ne soient qu’un type de bruit de fond, une chance sur 270 (2,9-sigma) pour être précis, mais d’autres observations devraient aider à réduire ces chances.
« Ce qui est positif, c’est que nous aurons de nouvelles données de LIGO basées sur une sensibilité améliorée et nous devrions être en mesure de confirmer cela, ou de l’exclure, au cours des deux prochaines années », a déclaré Niayesh Afshordi, de l’Université de Waterloo (Canada).
Même si les échos viennent à être confirmés, nous ne saurions toujours pas comment et pourquoi ils apparaissent. Ils ne donnent aucune information quant au type de frontière que pourraient avoir les trous noirs. Il y a donc encore beaucoup à découvrir pour comprendre totalement le paradoxe de l’information.