Un effet quantique serait à l’origine des mutations spontanées de l’ADN

ADN mutation effet tunnel
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La complexité de toute forme de vie sur Terre se base principalement sur la précision de l’information génétique, compressée dans chaque cellule qui la compose. Cependant, il arrive que cette précision subisse des erreurs pouvant conduire à des incompatibilités ou des mutations de l’ADN. Il suffit que la nature des liaisons hydrogène entre les paires de bases change très légèrement pour qu’un défaut d’appariement se produise. L’effet tunnel quantique serait notamment impliqué dans ces « accidents » de liaison, qui surviennent plus souvent qu’on ne le pensait jusqu’ici. Une modélisation informatique de l’Université de Surrey a permis, pour la première fois, de démontrer l’implication de la mécanique quantique dans la réplication de l’ADN, un phénomène déjà prédit dans les années 50 par les généticiens James Watson et Francis Crick.

James Watson et Francis Crick se sont inspirés des travaux de Rosalind Franklin et Maurice Wilkins pour découvrir en 1952 la structure en double hélice de l’ADN. Les deux brins composant cette structure spiralée et ultracomplexe sont maintenus par des protons délivrés par les atomes d’hydrogène. Ces atomes composent notamment les échelons par lesquels les bases moléculaires se lient entre elles avec une règle universelle stricte : l’adénine (A) se lie toujours à la thymine (T), et la cytosine (C) se lie toujours à la guanine (G). Cet appariement est régi par la forme de chaque base pour qu’elles s’emboîtent entre elles telles des pièces d’un puzzle, grâce à la liaison hydrogène.

Un défaut dans la liaison hydrogène peut rompre cet équilibre strict en faisant s’assembler les mauvaises paires de bases, et entraîner ainsi ce que l’on appelle une incompatibilité d’ADN. Les mutations naturelles sont complètement aléatoires et imprévisibles, mais leur fréquence d’apparition peut être augmentée par des facteurs endogènes ou exogènes (héritage génétique provenant des parents, des agents chimiques ou physiques, etc.). L’on peut aussi aujourd’hui provoquer artificiellement des mutations grâce des techniques d’édition génétique telles que CRISPR-Cas9.

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La nouvelle étude parue dans Nature Communications Physics se concentre sur les mutations naturelles en analysant les possibilités de défaut d’appariement entre les bases guanine (G) et cytosine (C). D’après les auteurs, le transfert de protons le long des liaisons hydrogène au mauvais emplacement pourrait menacer la stabilité de toute la structure du brin d’ADN. « Watson et Crick ont spéculé sur l’existence et l’importance des effets quantiques dans l’ADN il y a bien plus de 50 ans. Cependant, le mécanisme a été largement négligé », explique dans un communiqué Jim Al-Khalili, physicien à l’Université de Surrey et superviseur de l’étude.

L’équipe de recherche a ensuite utilisé une approche dite à « système quantique ouvert » pour déterminer et modéliser les mécanismes physiques qui pourraient faire « sauter » les protons entre les brins d’ADN.

Des protons au mauvais endroit

D’après l’équipe de recherche de Surrey, les défauts d’appariement entre les brins d’ADN se produisent plus souvent que l’on ne le pensait jusqu’ici. Si l’on pensait en effet qu’il s’agissait d’accidents biologiques très rares, les protons peuvent en réalité « sauter » facilement de leur emplacement habituel, pour se placer de l’autre côté d’une barrière énergétique. Si ce « saut » se produit juste avant que les deux brins ne se soient décompressés lors de la première étape habituelle de copie, l’erreur peut se propager à travers la majorité des mécanismes de réplication de la cellule, entraînant une incompatibilité d’ADN et potentiellement une mutation.

Ce déplacement de protons peut notamment être fréquent, car à la base, l’environnement local (à l’intérieur de la cellule) fait que les protons sont thermiquement activés et stimulés à travers la barrière énergétique. De plus, ces protons effectueraient un va-et-vient très rapide et continu entre les deux brins. Et quand les deux brins sont clivés en simples brins, certains protons se retrouvent du mauvais côté et entraînent des erreurs de réplication.

Franchir cette barrière d’énergie est possible grâce à l’effet tunnel quantique, un mécanisme qui concerne les particules subatomiques (protons, électrons, neutrons, …), qui leur permet de franchir une barrière censée être infranchissable. Pour en avoir une idée plus claire : c’est comme si un petit objet enfermé dans une boîte pouvait en sortir sans l’ouvrir et sans la déformer, ou comme s’appuyer contre un mur et pouvoir la traverser sans l’endommager.

« Les protons de l’ADN peuvent créer un tunnel le long des liaisons hydrogène de l’ADN et modifier les bases qui codent l’information génétique », indique Louie Slocombe, auteur principal de l’étude et chercheur au Centre de formation doctorale en biologie quantique à Surrey. D’après l’expert, ces bases modifiées dites tautomères (un couple d’isomères de constitutions interconvertibles où il y a migration d’un atome d’hydrogène) peuvent survivre aux processus de clivage et de réplication de l’ADN, provoquant alors des erreurs de transcription ou des mutations.

Par ailleurs, l’on pensait jusqu’ici également que l’effet tunnel quantique ne pouvait se produire dans l’environnement chaud, humide et complexe d’une cellule vivante. Il a notamment toujours été observé dans des environnements à basse température, raison pour laquelle les effets quantiques dans l’ADN ont longtemps été négligés, d’après les auteurs de l’étude.

Source : Nature Communications Physics

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