Les scientifiques se préparent à utiliser un télescope bientôt capable de photographier l’horizon des événements d’un trou noir !
Les trous noirs font partie des objets les plus fascinants de l’Univers. Bien que nous sachions que beaucoup d’entre eux se cachent au centre de la plupart des galaxies, le fait est que personne n’a été en mesure d’en photographier un. Les trous noirs sont en effet très « sombres » et sont si massifs qu’ils consomment de manière irréversible tout ce qui traverse leur horizon des événements, y compris la lumière, ce qui les rend techniquement impossibles à photographier. Mais cela pourrait être sur le point de changer, grâce à un nouveau réseau de télescopes, qui sera fonctionnel dès le mois d’avril 2017.
Appelé Event Horizon Telescope (EHT), ce nouveau dispositif est constitué d’un réseau de récepteurs radio, répartis à travers la planète, y compris au pôle Sud, aux États-Unis, au Chili ainsi que dans les Alpes françaises. Le réseau sera mis en fonction entre le 5 et le 14 avril 2017.
L’Event Horizon Telescope fonctionne en utilisant une technique connue sous le nom d’interférométrie à très longue base (ou VLBI, Very Long Baseline Interferometry), ce qui signifie que le réseau de récepteurs se concentrera sur les ondes radio émises par un objet particulier dans l’espace, à un moment donné. Les données reçues sont enregistrées sur bande magnétique ou sur disque dur, et les enregistrements de chaque antenne sont ensuite rassemblés et corrélés afin de produire une seule image résultante.
Concernant le trou noir, les scientifiques se concentreront sur les ondes radio d’une longueur d’onde de 1,3 mm (230 GHz), ce qui leur offrira les meilleures chances de pouvoir voir à travers les nuages de gaz et de poussière situés sur le chemin du trou noir. Et comme il y a beaucoup d’antennes, toutes accordées sur un seul point, la résolution du télescope devrait être de 50 micro-secondes d’arc. En résumé, cela correspond à une résolution qui permettrait de distinguer un pamplemousse à la surface de la Lune. C’est un élément important, car la première cible visée sera l’énorme trou noir au centre de notre galaxie, appelé Sagittaire A* (Sagittarius A*).
En réalité, le trou noir Sagittaire A* n’a jamais été observé directement mais les chercheurs savent qu’il existe, grâce à la manière dont il influence l’orbite des étoiles proches. Selon le comportement de ces étoiles, les chercheurs pensent que ce trou noir est environ 4 millions de fois plus massif que notre Soleil, mais que son horizon des événements possède un diamètre de seulement 20 millions de kilomètres. Sagittaire A* se situe à une distance d’environ 26’000 années-lumière de la Terre.
Le but immédiat de l’EHT sera d’observer l’environnement autour du trou noir. Il devrait être en mesure de collecter assez de données et d’obtenir une résolution suffisante pour « voir » le trou noir. « Il y a beaucoup d’excitation. En avril nous allons pouvoir effectuer des observations qui, nous le pensons, représenteront la première occasion réelle de mettre en évidence l’horizon des événements d’un trou noir », explique le chef du projet, Sheperd Doeleman, du Harvard-Smithsonian Centre for Astrophysics.
À quoi ressemblera l’horizon des événements ?
Alors à quoi devons-nous nous attendre si le télescope rempli sa mission ? Les chercheurs prédisent que le trou noir ressemblera, sur image, à un anneau lumineux très intense, autour d’un orbe sombre. La lumière est émise par les particules de gaz et de poussière qui sont accélérés à des vitesses très élevées, juste avant qu’ils ne soient déchirés et consommés par le trou noir.
Mais si Einstein avait vu juste, nous devrions voir quelque chose qui ressemble plus à un croissant de lumière plutôt qu’à un anneau complet, et ce à cause de l’effet Doppler exacerbé. « J’espère que cela ressemblera à un croissant – il ne ressemblera pas à un anneau. Le reste de l’anneau émettra également (de la lumière), mais ce que nous pourrons voir directement, ressemblera à un croissant », explique Feryal Özel, un membre de l’équipe.
La relativité générale émet des prédictions assez précises quant à la taille qu’un trou noir devrait avoir en fonction de la manière dont il déforme l’espace-temps, alors si l’équipe est capable de mesurer l’ombre sombre projetée par le trou noir, il s’agirait alors d’une avancée phénoménale dans l’étude de ces objets célestes ! « Nous savons exactement ce que la relativité générale prédit pour cette taille. Allez au bord d’un trou noir, et vous verrez que les tests de relativité générale que vous pourrez y effectuer, seront qualitativement et quantitativement différents », explique Özel.
Et si ce qu’on découvre diffère des prédictions ? Doeleman affirme que c’est totalement possible, et que cela secouerait le monde de la physique tel que nous le connaissons. « Comme je l’ai déjà dit auparavant, ce n’est jamais une bonne idée de parier contre Einstein, mais si nous découvrons quelque chose qui est très différent de ce à quoi nous nous attendons, nous devrons réévaluer la théorie de la gravité. Je ne m’attends pas à ce que cela arrive, mais tout peut arriver dans ce domaine, et c’est ça qui est beau », explique-t-il.
En supposant que les chercheurs puissent récolter assez de données durant le mois d’avril et en prenant en considération le traitement de celles-ci, nous ne devrions pas nous attendre à voir les premières images d’un trou noir avant la fin de l’année, voire même le début de l’année 2018. Mais lorsque celles-ci seront enfin disponibles, les scientifiques ne doutent pas qu’il s’agira d’un moment très excitant pour toute la communauté scientifique et le grand public : « Une chose qui pourrait exciter le public presque autant qu’un survol de Pluton, serait simplement une image d’un trou noir, vraie et « personnelle » », annonçait Özel lors de la 227ème conférence de l’American Astronomical Society, l’année dernière.
Une affaire à suivre de très près !
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