Dans une récente interview accordée à Lex Fridman, un chercheur en intelligence artificielle du MIT et podcasteur, Elon Musk a confié qu’il envisageait très sérieusement une première exploration de Mars dans un futur proche, d’ici cinq ans dans le meilleur des cas, et dix ans dans le pire des cas. Selon lui, Starship — le lanceur le plus complexe et le plus avancé jamais construit, selon les termes employés par Musk — a le potentiel de mener l’Homme sur Mars en toute sécurité.
Le lanceur super-lourd a la particularité d’être entièrement réutilisable, ce qui permet de réduire les coûts et d’envisager sérieusement la colonisation de la planète rouge. Avant cela, Starship sera exploité par la NASA pour ramener l’Homme sur la Lune d’ici 2025. « Je pense que nous devons devenir une espèce multiplanétaire », a déclaré le PDG lors de l’interview, ajoutant que c’est la première fois depuis que la Terre existe, soit 4,5 milliards d’années, qu’il est possible d’étendre la vie au-delà de notre planète.
Pour Elon Musk, permettre à l’Homme d’accéder à d’autres mondes constitue une issue de secours dans le cas où la Terre deviendrait inhabitable ; le milliardaire évoque notamment un cataclysme similaire à celui qui a causé l’extinction des dinosaures, les activités néfastes de l’Homme ou bien le fait que le Soleil grossit peu à peu et que la Terre deviendra immanquablement plus chaude à mesure qu’il s’en rapproche. « Nous devons agir au plus vite tant que la fenêtre [d’opportunités] est ouverte, juste au cas où elle se refermerait », résume le PDG.
Des coûts encore trop élevés pour établir des colons sur Mars
La crainte que quelque chose de grave touche notre planète devrait être, selon lui, une motivation suffisante pour conquérir d’autres planètes. « Il y a une probabilité que quelque chose de mal survienne sur Terre », souligne Elon Musk, rappelant que Stephen Hawking avait tenu le même discours il y a quelques années, lors d’une conférence à l’Oxford Union en 2016 ; l’astrophysicien estimait alors que l’humanité ne survivrait pas 1000 ans de plus sur Terre et qu’il fallait continuer à explorer l’espace pour garantir notre survie.
Elon Musk insiste sur le fait qu’il ne veut pas s’en tenir à poser un pied (et un drapeau) sur Mars pour ne plus y revenir avant un demi-siècle, à l’instar de l’exploration lunaire. Lorsque Lex Fridman lui demande quel sera le plus grand défi à relever pour coloniser Mars, l’homme d’affaires pointe l’aspect financier. Selon lui, les coûts d’une mission sur Mars sont actuellement de l’ordre du milliard de dollars par tonne — une somme qui inclut non seulement le lanceur et le vaisseau, mais aussi un bouclier thermique, un système de guidage, les systèmes de communication spatiale, ou encore un système d’atterrissage.
Or, cette somme est encore trop élevée pour créer une civilisation autosuffisante — il faudra en effet prévoir plusieurs voyages pour emporter sur Mars tous les matériaux et équipements nécessaires à la construction d’une nouvelle civilisation. « Il faudrait améliorer cela au moins d’un facteur mille », estime-t-il. Idéalement, les coûts devraient revenir à moins d’un million de dollars par tonne, selon lui. Mais pour commencer, il est simplement question de poser un premier pied sur Mars au cours de la prochaine décennie et SpaceX dispose a priori de tous les atouts nécessaires pour accomplir cet exploit.
Un premier vol orbital différé pour Starship
Du point de vue technique, le projet semble effectivement possible. Encore faudra-t-il trouver des volontaires pour s’installer sur cette planète peu hospitalière… Mais Starship, dont Elon Musk apparaît tellement fier, doit aussi faire ses preuves : si le dernier vol d’essai, effectué en mai 2021, s’est déroulé avec succès, rappelons que les quatre vols précédents effectués à haute altitude se sont soldés par des explosions à l’atterrissage. Et l’engin n’a pas encore accompli de vol d’essai orbital, lors duquel il sera propulsé par un prototype du Super Heavy.
Or, celui-ci a finalement été repoussé de plusieurs mois. La Federal Aviation Administration (FAA) américaine a annoncé fin décembre qu’elle avait besoin de davantage de temps pour répondre aux plus de 18 000 commentaires du public reçus suite à la première ébauche de l’évaluation environnementale programmatique ; la version finale devrait être publiée le 28 février. Il se trouve que le site de lancement de SpaceX, situé à Boca Chica, au sud du Texas, est situé dans une zone où vivent une dizaine d’espèces animales en voie de disparition. Préservée de toute activité humaine avant l’arrivée de SpaceX, la zone subit désormais de plein fouet les nuisances causées par l’entreprise.
Si la FAA ne donne pas son feu vert, la société pourrait être contrainte de revoir complètement ses opérations, ce qui entraînera sans doute pas mal de retard pour les vols d’essai à venir — une douzaine sont prévus cette année. SpaceX avait d’ailleurs évoqué un premier vol orbital pour ce mois de janvier. Mais il semblerait que l’entreprise se prépare à tous les scénarios puisqu’elle est en train de construire une nouvelle rampe de lancement pour ses fusées Starship à Cap Canaveral, en Floride.