Des chercheurs de Cornell et de l’Environmental Defense Fund ont découvert que les émissions de méthane provenant du secteur industriel avaient été largement sous-estimées.
L’équipe de recherche a équipé une voiture Street View de Google avec un capteur de méthane à haute précision et a découvert que les émissions de méthane des usines d’engrais à l’ammoniac sont 100 fois supérieures aux estimations autodéclarées de l’industrie des engrais.
Ces émissions sont donc bien supérieures aux estimations de l’Environmental Protection Agency (EPA) concernant TOUS les processus industriels aux États-Unis. « Nous avons pris le cas d’une petite industrie dont la plupart des gens n’ont jamais entendu parler et avons découvert que ses émissions de méthane étaient trois fois supérieures que ce que l’EPA supposait être émis par la production industrielle totale aux États-Unis », a déclaré John Albertson, co-auteur et professeur des droits civils et génie de l’environnement. « Cela nous montre qu’il y a un énorme écart entre les estimations divulguées au grand public, et les mesures du monde réel », a-t-il ajouté.
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Au cours de ces dernières années, l’utilisation du gaz naturel a augmenté, notamment grâce à l’amélioration de l’efficacité de l’extraction du gaz et également car il est généralement pensé que le gaz naturel est un combustible fossile « moins nocif » à utiliser. « Mais le gaz naturel est principalement constitué de méthane, qui, molécule après molécule, possède un potentiel de réchauffement planétaire supérieur à celui du dioxyde de carbone », a déclaré Albertson. « La présence d’émissions ou de fuites importantes en tout point de la chaîne d’approvisionnement pourrait faire du gaz naturel un facteur plus important de changement climatique qu’on ne le pensait auparavant », a-t-il ajouté.
À ce jour, les émissions de méthane ont été évaluées sur une variété de sites industriels (qu’ils s’agisse d’endroits où le gaz naturel est extrait, des centrales électriques ou encore des pipelines municipaux en aval).
Pour évaluer les émissions de méthane provenant de sources industrielles en aval, les chercheurs se sont concentrés sur l’industrie des engrais, qui utilise le gaz naturel comme carburant et également en tant que l’un des principaux ingrédients pour les produits d’ammoniac et d’urée.
À noter que l’engrais à l’ammoniac est produit dans (seulement) une douzaine d’endroits aux États-Unis : ces usines sont souvent situées à proximité des routes publiques, où les émissions déplacées par le vent peuvent être détectées, ce qui était le cas ici, par le biais du capteur mobile.
Dans le cadre de cette étude, le véhicule Google Street View a visité plusieurs routes publiques situées près de six usines d’engrais (dans la partie centrale du pays), dans le but de quantifier « les émissions fugitives de méthane », définies comme des pertes accidentelles de méthane dans l’atmosphère, probablement dues à des réactions chimiques incomplètes lors de la production d’engrais, des combustions incomplètes de carburant, ou encore tout simplement à des fuites.
Lorsqu’un panache de méthane concentré était détecté par le véhicule, les chercheurs ont pu alors mesurer les émissions de manière précise grâce à plusieurs tours effectués par la voiture dans la zone de l’entreprise en question.
L’équipe a découvert qu’en moyenne, 0.34% du gaz utilisé dans ces usines est rejeté dans l’atmosphère. Si nous mettons à l’échelle ce taux d’émission (des six usines) par rapport à l’industrie entière, les résultats suggèrent qu’au total ces émissions de méthane sont de 28 Gg par année : soit 100 fois plus élevées que ce qui est autodéclaré par l’industrie des engrais. Selon leurs estimations, les émissions ne seraient que de 0.2 Gg par an. Une différence plutôt malhonnête…
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De plus, ce chiffre dépasse largement l’estimation de l’EPA, qui suggère que tous les processus industriels des États-Unis ne génèrent que 8 Gg d’émissions de méthane par an. « Même s’il s’agit que d’un petit pourcentage de fuite, le fait que le méthane soit un gaz à effet de serre si puissant rend les petites fuites très importantes… », explique Joseph Rudek, co-auteur et chef de file scientifique principal à l’Environmental Defense Fund. « Sur une période de 20 ans, le potentiel de réchauffement planétaire du méthane est 84 fois plus élevé que celui du dioxyde de carbone », a-t-il ajouté.
Cette étude a également permis de mettre en lumière le fait que des détections effectuées par le biais de véhicules mobiles pouvaient identifier des sources importantes d’émissions et par conséquent, permettre l’atténuation rapide et efficace de ces dernières.
« La pollution atmosphérique ne respecte pas les limites de la propriété. Ainsi, même si vous n’avez pas accès à des terres privées, la révolution actuelle des technologies de détection nous permet aujourd’hui de savoir quel est le degré de ‘propreté’ d’une usine », a déclaré Albertson. « Grâce à la détection opportuniste, au transfert des données, à l’analyse appropriée et à la déduction, nous pouvons élaborer une politique environnementale fondée sur des preuves concrètes », a-t-il ajouté.
Albertson est donc extrêmement optimiste quant à l’application à grande échelle des capteurs mobiles, qui pourraient être déployés sur de nombreux véhicules, tels que les autobus scolaires et les camions postaux. Ceci afin de caractériser les sources et les taux de pollution et peut-être un jour (idéalement), influencer les décideurs.