Les énergies renouvelables représentent aujourd’hui 19% de l’énergie consommée dans le monde ; la proportion d’énergie solaire n’est que de 0,7 %. Une part relativement minime, mais qui connaît une forte progression depuis quelques années. D’autant plus que les progrès techniques dans le secteur permettent de concevoir des panneaux solaires de plus en plus performants. Pour preuve, en matière d’efficacité, de nouveaux records viennent d’être battus : des scientifiques américains du National Renewable Energy Laboratory (NREL) ont atteint un rendement de 47,1%, tandis que des chercheurs du centre Helmholtz de Berlin ont conçu un nouveau type de cellule tandem affichant une efficacité de 24,16 %.
En 2016, près de 75 GW de panneaux photovoltaïques ont été installés dans le monde. La puissance mondiale du solaire photovoltaïque représentait alors 303 GW. En 2017, la capacité du parc solaire photovoltaïque français – dont les deux tiers se situent dans la moitié sud du pays – atteignait 7660 MW. La filière thermique est la plus exploitée : à l’échelle mondiale, elle représente 70,7% de l’énergie solaire consommée. Cette technologie convertit le rayonnement solaire en énergie thermique permettant de produire de l’électricité, mais aussi de la chaleur ou du froid. Le photovoltaïque – qui transforme directement le rayonnement solaire en électricité – représente quant à lui 28,6%. Enfin, le solaire thermodynamique à concentration compte pour 0,7% du total.
Aujourd’hui, les cellules solaires traditionnelles, à base de silicium et à jonction unique, sont limitées à 30% de rendement. Des rendements plus élevés sont toutefois possibles en multipliant les jonctions et en concentrant la lumière : des chercheurs du National Renewable Energy Laboratory (NREL), situé à Golden dans le Colorado, sont en effet parvenus à un rendement proche de 50%.
Des cellules photo-spécifiques
L’équipe du NREL a développé une cellule solaire à six jonctions. Chacune de ces six jonctions est conçue pour capturer une gamme spécifique de la lumière du spectre solaire. Ainsi, ils sont parvenus à un taux de conversion d’énergie sans précédent : 47,1% !
Pour atteindre ce résultat, les scientifiques ont concentré la lumière du soleil à l’aide de lentilles et de miroirs, jusqu’à ce qu’elle soit 143 fois plus intense. Mais même sans cet éclairage particulier, leur cellule à six jonctions se montre particulièrement rentable : elle affiche une efficacité de 39,2% sans concentration de lumière ! En d’autres termes, cela signifie qu’avec cette nouvelle technologie, davantage d’énergie solaire pourrait désormais être convertie en électricité. Leurs résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Energy.
Pour construire leur dispositif photovoltaïque, les chercheurs du NREL ont utilisé des alliages de matériaux semi-conducteurs III-V – ainsi nommés en raison de leur position dans le tableau périodique des éléments – qui possèdent des propriétés d’absorption de lumière très diverses. Les matériaux utilisés dans ce cadre sont le gallium (Ga), l’indium (In), le phosphore (P), l’arsenic (As) et l’antimoine (Sb) ; les cellules photovoltaïques traditionnelles sont constituées de silicium (groupe IV du tableau périodique). Chacune des six jonctions de la cellule (les couches photo-actives) est ici spécialement conçue pour capturer la lumière d’une partie spécifique du spectre solaire. Au final, la cellule contient environ 140 couches de divers matériaux III-V et pourtant, elle est trois fois plus fine qu’un cheveu !
En raison de leur performance et du coût inhérent à leur fabrication, les cellules solaires de type III-V sont généralement utilisées pour alimenter les satellites. Ryan France, co-auteur et chercheur au sein du Groupe Multijonctions III-V au NREL, estime cependant que cette cellule à six jonctions est tout à fait adaptée à une utilisation dans le photovoltaïque terrestre à concentration. « Une façon de réduire les coûts est de réduire la zone requise », explique-t-il. « Et vous pouvez le faire en utilisant un miroir pour capturer la lumière et la concentrer en un certain point ». La technique nécessite ainsi beaucoup moins de matériaux semi-conducteur par rapport à une cellule de silicium traditionnelle, ce qui permettrait de diviser les coûts par cent, voire mille.
S’il est impossible d’obtenir un rendement de 100% dans la technologie solaire en raison des lois fondamentales de la thermodynamique, France et ses collègues soulignent qu’un rendement de 50% ou supérieur est tout à fait envisageable et réalisable avec leur technique. L’objectif est quasiment atteint ; le principal obstacle reste la résistance en série qui se manifeste à l’intérieur de la cellule et qui entrave la circulation du courant.
Une nouvelle cellule tandem « 2 terminaux »
L’Allemagne est le plus gros producteur d’énergie solaire photovoltaïque ; le pays représente près d’un tiers du parc mondial. Pour améliorer toujours plus le rendement des installations existantes, le centre Helmoltz travaille quant à lui sur un autre type de cellule, une cellule tandem. Il s’agit d’un dispositif de seulement quelques micromètres d’épaisseur, qui combine deux semi-conducteurs différents : l’un à base de pérovskites, pour la conversion des parties visibles du spectre lumineux, et l’autre pour la lumière infrarouge. Ces cellules sont de plus en plus utilisées depuis une dizaine d’années. Les ingénieurs du centre de recherche allemand ont conçu une nouvelle cellule tandem hybride qui affiche une efficacité de 24,16%, une valeur officiellement certifiée par le CalLab de l’Institut Fraunhofer pour les systèmes d’énergie solaire (ISE).
Les composés de pérovskite aux halogénures métalliques utilisent principalement les parties visibles du spectre, tandis que les semi-conducteurs CIGS convertissent la lumière infrarouge. Les cellules CIGS – constituées de cuivre, d’indium, de gallium et de sélénium – sont déposées en couches minces (3 à 4 micromètres d’épaisseur seulement) ; les couches de pérovskite sont encore plus fines : 0,5 micromètre.
Le rendement de ce type de cellule est lui aussi beaucoup plus important qu’une cellule à simple jonction en silicium. En raison de leur épaisseur, bien inférieure à 5 micromètres, ces cellules tandem CIGS/pérovskite (nommées Pero CIGS) pourraient être utilisées dans la production de modules solaires flexibles. En outre, elles présentent une forte résilience à l’irradiation des protons (elles conservent plus de 85% de leur efficacité initiale après irradiation). « Cette combinaison étant également extrêmement stable face à l’irradiation, elle pourrait être utilisée sur les satellites », explique Steve Albrecht du Helmholtz-Zentrum Berlin.
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Si la cellule se montre aussi efficace, c’est également grâce à une connexion électrique particulière : « Cette fois, nous avons connecté la cellule inférieure (CIGS) directement avec la cellule supérieure (pérovskite), de sorte que la cellule tandem ne dispose que de deux contacts électriques, appelés terminaux », explique le Dr Christian Kaufmann du département PVcomB du HZB, qui fait partie des concepteurs. Il précise par ailleurs que l’introduction du rubidium a particulièrement amélioré la capacité d’absorption totale du matériau.
La superposition des deux couches pérovskite/CIGS est le fruit d’un travail antérieur de l’équipe, qui était destiné à améliorer le contact. La technique consiste à appliquer des molécules dites SAM (pour Substrate Adhesion Molecules) à la couche CIGS, qui forment une couche monomoléculaire auto-organisée, favorisant l’interaction avec la structure cristalline de la pérovskite.
Ces nouveaux records d’efficacité ont l’honneur de rejoindre les données du graphique maintenu par le NREL, qui recense depuis 1976 les rendements de quasiment tous les types de cellules solaires les plus efficaces.