Ce cratère de 8,5 kilomètres de diamètre a vraisemblablement été créé par un astéroïde tombé sur Terre il y a de cela 66 millions d’années. Mais il ne s’agit pas de l’astéroïde tueur qui est à l’origine de l’extinction massive du Crétacé-Paléogène ! Tous deux pourraient néanmoins être issus du même flux d’astéroïdes ou avoir été formés par la rupture d’un corps parent, estiment les chercheurs à l’origine de la découverte.
Il y a de cela 66 millions d’années, un astéroïde de plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre s’abattait sur Terre, provoquant la disparition des dinosaures — l’une des extinctions les plus importantes de l’histoire de la Terre. L’événement a laissé une trace indélébile, le cratère de Chicxulub, situé non loin de la péninsule Yucatán au Mexique. Les experts estiment que de grands astéroïdes (d’environ 50 mètres de diamètre) entrent en collision avec la Terre tous les 900 ans environ ; les impacts impliquant des astéroïdes encore plus gros (de plus de 1 kilomètre) sont heureusement moins fréquents : ils surviennent tous les millions d’années.
À ce jour, seule une faible proportion d’impacts à hypervitesse a été préservée ou découverte. Les impacts des grands astéroïdes avec la Terre sont de ce fait encore mal compris, malgré le risque qu’ils représentent. On recense environ 200 cratères sur Terre, dont seulement 15 à 20 cratères d’impact sous-marins — un chiffre étonnant, sachant que la majeure partie de notre planète est recouverte d’eau. Mais un nouveau cratère sous-marin pourrait bientôt s’ajouter à la liste.
Arborez un message climatique percutant 🌍
Des caractéristiques compatibles avec un impacteur
Les chercheurs ont découvert ce nouveau cratère grâce à l’analyse de données sismiques du plateau continental guinéen. « Je n’avais jamais rien vu de tel. Au lieu des séquences sédimentaires plates auxquelles je m’attendais sur le plateau, j’ai trouvé une dépression de 8,5 km sous le fond marin, avec des caractéristiques très inhabituelles », relate le Dr Uisdean Nicholson, géologue à l’Université Heriot-Watt d’Édimbourg.
Le cratère — baptisé Nadir, du nom d’un mont sous-marin situé à proximité — est enfoui sous environ 300 à 400 m de sédiments paléogènes, au large de l’Afrique de l’Ouest, à 400 km des côtes de la Guinée. Cette dépression affiche des caractéristiques compatibles avec un gros cratère d’impact d’astéroïde : un bord élevé au-dessus d’un plancher en gradins (ou terrasses), un soulèvement central prononcé et une déformation étendue de la subsurface, précisent les chercheurs dans Science Advances. Ils ont également observé des éjectas à l’extérieur du cratère, avec des dépôts sédimentaires très chaotiques s’étendant sur des dizaines de kilomètres alentour.
Pour l’équipe, il ne fait aucun doute que ce cratère a été formé par un astéroïde. Ces caractéristiques sont en effet incompatibles avec d’autres processus entraînant la formation de cratères (tels que le retrait ou la dissolution du sel sous la surface, l’échappement de gaz ou de fluides, ou l’effondrement des caldeiras par exemple). « Ces processus sont soit incompatibles avec la géologie et la stratigraphie locales […], soit entraîneraient des morphologies de cratère et des relations d’échelle qui diffèrent considérablement de celles observées », expliquent les auteurs de l’étude.
Les simulations numériques de la formation de ce cratère indiquent que l’astéroïde avait un diamètre au moins égal à 400 mètres et s’est échoué dans 500 à 800 mètres d’eau. « Selon la nature du terrain touché et la proximité des centres de population, un impacteur de cette taille devrait entraîner en moyenne plus de 300 000 décès », souligne l’équipe.
Une cascade d’événements désastreux
D’après les données de simulations, l’impact aurait vraisemblablement entraîné un gigantesque tsunami, de plus d’un kilomètre de haut, ainsi qu’un tremblement de terre de magnitude 6,5 environ. L’énergie libérée aurait été environ 1000 fois supérieure à celle de l’éruption et du tsunami survenus en janvier 2022 dans les îles Tonga, précise le Dr Veronica Bray, spécialiste des sciences planétaires à l’Université d’Arizona.
Les conséquences climatiques d’un tel événement dépendent, quant à elles, de la quantité de volatils/aérosols éjectés dans l’atmosphère, notent les chercheurs. Ils pensent que l’impact pourrait avoir libéré des quantités substantielles de gaz à effet de serre, produit à partir des gisements de schistes noirs riches en matières organiques enterrés à faible profondeur.
Les données sismiques suggèrent par ailleurs que le cratère s’est formé à (ou non loin de) la limite du Crétacé-Paléogène, il y a environ 66 millions d’années ; cet astéroïde serait donc tombé à peu près au même moment que l’astéroïde de Chicxulub, qui a anéanti les dinosaures. De par l’incertitude de la résolution des données sismiques, la datation reste toutefois à confirmer.
Mais si l’hypothèse se vérifie, cela pour signifier que les deux astéroïdes sont des fragments d’un même corps parent ou qu’un flux d’astéroïdes massifs est survenu à l’époque. « Bien qu’il soit beaucoup plus petit que l’impacteur de Chicxulub qui a provoqué l’extinction, son existence même nous oblige à étudier la possibilité d’un groupe d’impacts au Crétacé supérieur », souligne le Dr Sean Gulick, spécialiste des impacts à l’Université du Texas à Austin et co-auteur de l’étude. L’équipe envisage à présent de réaliser un forage sur les lieux, afin de confirmer l’origine de cet impact et déterminer son âge plus précisément.