L’annonce a provoqué l’indignation des associations de protection des animaux : au total, 27 primates ont été tués en une journée au centre de recherche Ames de l’Agence spatiale américaine, au mois de février 2019. Plusieurs défenseurs de la cause animale soulignent que ces animaux auraient pourtant pu finir leur vie dans des sanctuaires. L’option n’a a priori pas été envisagée par les responsables.
L’enquête a été menée par The Guardian, qui détient plusieurs documents prouvant les faits. Kathleen Rice, élue démocrate de la Chambre des représentants des États-Unis, demande désormais des explications à Jim Bridenstine, administrateur de la NASA. Selon les éléments recueillis par le journal, 21 de ces singes étaient atteints de la maladie de Parkinson.
Ces animaux étaient détenus par LifeSource BioMedical, une société de recherche pharmaceutique, distincte de la NASA, qui occupait des locaux au sein du centre Ames. Selon la PDG du laboratoire, Stephanie Solis, les singes n’auraient fait l’objet d’aucune recherche. Au contraire, sa société aurait accepté de jouer le rôle de sanctuaire, en prenant soin des primates jusqu’à ce que leur âge avancé et leur santé déclinante entraînent une décision d’euthanasie pour leur éviter une piètre qualité de vie.
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Des animaux jugés trop vieux et trop malades
Cela fait un moment que la NASA travaille avec des primates, le plus célèbre d’entre eux étant sans aucun doute Ham, le premier chimpanzé à être allé dans l’espace en janvier 1961. Ce primate né au Cameroun a été entraîné pendant plusieurs mois avant d’accomplir sa brève mission, dans le cadre du programme Mercury : un vol suborbital de 6 minutes, lors duquel il devait réaliser des tests logiques. La mission fut un succès et l’animal a été récupéré sain et sauf dans l’océan Atlantique. Après ce vol, il a vécu plusieurs années au Parc zoologique national de Washington, puis a fini ses jours au Zoo de Caroline du Nord.
Contrairement à Ham, les primates éliminés en 2019 n’ont participé à aucun mission spatiale, ni fait l’objet d’aucune expérimentation. Selon la directrice de LifeSource BioMedical, ces animaux auraient été confiés à sa société il y a plusieurs années, faute d’avoir pu trouver un sanctuaire acceptant de les accueillir — en raison de leur âge avancé et de leur état de santé. Le laboratoire aurait ainsi prodigué aux animaux tous les soins nécessaires, à ses propres frais. Stephanie Solis estime qu’ils ont bénéficié d’une bonne qualité de vie jusqu’à leur mort.
Le 2 février 2019, les 27 primates ont été euthanasiés. Ils avaient atteint un âge très avancé et la plupart d’entre eux souffraient de la maladie de Parkinson. Cependant, la décision de tuer ces animaux plutôt que de les transférer vers un sanctuaire est aujourd’hui vivement condamnée par les associations de défense des droits des animaux et par une partie du public — un sondage mené en 2018 a révélé que 52% des Américains s’opposent à l’expérimentation animale. Selon John Gluck, expert en éthique animale à l’Université du Nouveau-Mexique, ces singes souffraient de privations et de frustrations éthologiques inhérentes à la vie en laboratoire.
« J’attends avec impatience une explication de l’administrateur Bridenstine sur les raisons pour lesquelles ces animaux ont été contraints de dépérir en captivité et d’être euthanasiés plutôt que de vivre leur vie dans un sanctuaire », a déclaré Kathleen Rice. La représentante exhorte les chercheurs du gouvernement américain à envisager des « politiques de retraite sans cruauté » pour les animaux utilisés dans le cadre des recherches.
« La NASA a de nombreux atouts, mais en ce qui concerne les pratiques du bien-être animal, elles sont obsolètes », a déclaré Mike Ryan, de l’organisation Rise for Animals. Un porte-parole de l’Agence spatiale a par la suite précisé que la NASA n’avait actuellement pas de primates non humains dans ses installations ou autres infrastructures financées par l’Agence.
Des efforts pour réduire l’expérimentation sur les primates
À partir de 2013, le gouvernement américain a commencé à éliminer progressivement l’utilisation des primates dans la recherche ; les National Institutes of Health (NIH) prévoient alors de conserver uniquement une cinquantaine de chimpanzés pour les futures recherches, sélectionnés selon l’intérêt des projets proposés. La même année, l’Université Harvard prend la décision de fermer son centre de recherche sur les primates, qui a fait l’objet d’une enquête suite à la mort de plusieurs animaux.
Mais en juin 2015, l’U.S. Fish and Wildlife Service annonce que tous les chimpanzés, sauvages et captifs, sont désormais classés comme espèce en voie de disparition. Suite à cette annonce, en novembre 2015, les NIH prennent la décision de retirer tous les chimpanzés utilisés dans le cadre d’études biomédicales, les déclarant dès lors « éligibles à la retraite ». À noter que cette décision est spécifique aux chimpanzés : le communiqué précise que la recherche avec d’autres primates non humains « continuera d’être valorisée, soutenue et menée par les NIH ». Enfin, en 2016, le Congrès a demandé aux NIH d’organiser un workshop sur l’utilité et l’éthique de la recherche sur les singes.
Malgré les efforts déployés pour mettre fin à l’utilisation des primates dans le cadre d’expérimentations scientifiques, d’innombrables laboratoires aux États-Unis continuent à utiliser des singes pour leurs recherches. Selon les données publiées par le département américain de l’Agriculture, un nombre record de 74’500 primates ont été utilisés par les chercheurs biomédicaux du pays en 2017.
Les scientifiques soulignent que les singes s’avèrent bien plus efficaces que d’autres animaux, tels que les souris, pour tester des médicaments et étudier les maladies qui affectent l’Homme. Mais les détracteurs de cette pratique soutiennent qu’il est immoral et cruel de soumettre des créatures sociales si intelligentes, si semblables aux humains, à de telles conditions. Pour Brendan Boyle, élu démocrate à la Chambre des représentants des États-Unis, « les tests douloureux sur les primates sont honteux et n’ont pas leur place au 21e siècle ». Selon lui, les agences fédérales ne prennent pas suffisamment de mesures pour freiner cette pratique. En outre, lorsqu’ils ont terminé de servir les laboratoires, le placement de ces animaux dans des sanctuaires n’est pas toujours simple ; tout dépend de leur état de santé et des places disponibles…
La législation européenne et française concernant l’expérimentation animale découle de la Convention STE 123, élaborée par le Conseil de l’Europe en 1985. Cette convention vise à réduire le nombre d’expériences et d’animaux utilisés à des fins scientifiques : elle encourage le recours au modèle animal seulement en l’absence d’autres méthodes disponibles pour répondre à l’objet de l’étude. Selon l’enquête de 2018 du ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation concernant l’utilisation des animaux à des fins scientifiques, 3510 primates ont été impliqués dans des recherches cette année-là, les macaques cynomolgus étant les plus utilisés. Aucun grand singe n’est inclus dans les procédures expérimentales.