Actuellement, tout voyage dans l’espace commence par le lancement d’une fusée. Mais il pourrait bientôt en être autrement : Radian Aerospace, un groupe aérospatial basé à Washington, vient d’annoncer qu’il travaillait sur la construction du tout premier « avion spatial » à décollage horizontal. En d’autres termes, il permettrait de s’envoler dans l’espace à partir d’une piste de décollage, comme n’importe quel avion standard. Non seulement l’engin n’a nul besoin d’un lanceur, mais il requiert moins de carburant et est entièrement réutilisable, ce qui réduirait d’autant plus les coûts des voyages spatiaux.
Richard Humphrey, PDG et co-fondateur de Radian, ne pouvait pas être plus clair : « Au fil du temps, nous avons l’intention de rendre les voyages spatiaux presque aussi simples et pratiques que les voyages en avion », a-t-il déclaré dans un communiqué de l’entreprise. Alors qu’elle vient de réaliser une nouvelle levée de fonds de 27,5 millions de dollars, Radian semble être sur la bonne voie pour faire aboutir son projet. Le véhicule, baptisé Radian One, est le premier véhicule de mise en orbite avec équipage, doté d’un seul étage. Il est destiné au transport de personnes et de marchandises légères en orbite terrestre basse.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord, l’objectif principal de l’entreprise n’est pas d’investir le secteur du tourisme spatial. « Nous nous consacrons à des missions qui améliorent la vie sur notre propre planète, comme la recherche, la production dans l’espace et l’observation terrestre », précise le PDG. Le Radian One pourrait également servir à des missions plus « terrestres », telles que la livraison mondiale rapide de marchandises. La société affirme en outre que son avion nécessitant une infrastructure de lancement moins complexe, il peut être prêt à redécoller en 48 heures.
Un lancement particulièrement économique
Le site officiel de Radian Aerospace ne fournit que peu de détails sur ce projet. Au départ, le Radian One sera vraisemblablement assisté par un traîneau et décollera à une vitesse subsonique. Puis, l’ascension jusqu’en orbite basse sera effectuée à faible accélération. Après avoir passé un à cinq jours en orbite, l’avion pourra alors atterrir en douceur sur toute piste de 3 kilomètres de long. « Les ailes offrent des capacités et des types de missions qui ne sont tout simplement pas possibles avec les fusées à décollage vertical traditionnelles », a déclaré Livingston Holder, co-fondateur de Radian, CTO et ancien responsable du programme Future Space Transportation et X-33 chez Boeing.
Selon le site Freethink, le Radian One est conçu pour accueillir un équipage de cinq personnes et un peu plus de 2200 kg de fret. Si Radian Aerospace parvient à développer cet avion spatial à un seul étage, cela révolutionnerait véritablement le secteur de l’aérospatial. Ce concept d’avion à décollage horizontal nécessite une infrastructure de lancement moins lourde, et moins coûteuse ; le décollage en lui-même ne requiert qu’une quantité réduite de carburant, ce qui confère à l’engin une plus grande autonomie. Enfin, le fait qu’il ne se compose que d’un seul étage et soit réutilisable élimine la problématique des déchets spatiaux.
Plusieurs « avions spatiaux » similaires ont déjà accompli un vol en orbite : la navette spatiale américaine, conçue et utilisée par la NASA (qui n’est plus en service depuis 2011), le X-37B de Boeing (qui enregistre un total de six vols depuis 2010, le vol le plus récent ayant été effectué en mai 2020), et le Bourane soviétique (qui n’a effectué qu’un seul vol en 1988). Mais à la différence du Radian One, tous trois ont été lancés verticalement, attachés à des fusées, qui sont retombées sur Terre une fois la mise en orbite de l’avion effectuée.
À noter que l’Agence spatiale européenne développe actuellement une navette spatiale, le Space Rider, dont le premier vol est prévu pour 2023 ; elle aussi sera lancée au moyen d’une fusée (un lanceur Vega-C). L’agence spatiale russe Roscosmos travaillerait quant à elle sur un nouveau mini vaisseau spatial, similaire au X-37B, qui devrait être « prêt pour l’espace » dans les cinq prochaines années, selon le site d’information russe RIA Novosti.
Un premier vol « bien avant 2030 »
Parce qu’ils n’ont pas besoin d’embarquer les moteurs et réservoirs de carburant nécessaires à leur propulsion, ces avions/navettes lancés par des fusées peuvent être plus petits et plus légers. Mais cela ne permet pas pour autant d’économiser du carburant, bien au contraire, puisque davantage de carburant est requis pour lancer une fusée surmontée d’un avion spatial, ce qui augmente les coûts. Il est prévu que le Radian One accélère sur la piste de décollage au moyen d’un traîneau propulsé par fusée ; il ne brûlera donc pas son carburant à cette étape du voyage. Il entamera ensuite son ascension, à faible accélération, grâce à ses trois moteurs embarqués.
Les concepteurs de l’engin affirment qu’il pourra enchaîner les missions toutes les 48 heures. « Radian fait ce que l’on appelle le « Saint Graal » : accéder à l’espace avec une réutilisation et une réactivité totales pour offrir aux clients une rentabilité et une flexibilité inégalées », a déclaré Doug Greenlaw, ancien directeur général de Lockheed Martin et l’un des investisseurs et conseillers stratégiques de Radian Aerospace. La société n’a pas communiqué de date de premier vol pour ce véhicule hors norme, mais Humphrey a déclaré que l’objectif était de rendre le véhicule opérationnel bien avant 2030.
Le projet a, semble-t-il, bien avancé : Radian dit avoir construit et testé son premier moteur à grande échelle. Le PDG a confié à Ars Technica qu’il faudrait néanmoins beaucoup plus de financement pour construire un avion spatial orbital aussi ambitieux. Une difficulté qui ne semble pas inquiéter le dirigeant : « Beaucoup de temps s’est écoulé depuis la dernière véritable tentative. La technologie a progressé et les gens sont prêts à financer des projets comme celui-ci », a-t-il déclaré. « Ce que nous faisons est difficile, mais ce n’est plus impossible grâce aux progrès significatifs de la science des matériaux, de la miniaturisation et des technologies de fabrication », a ajouté son co-fondateur.