Le gouvernement espagnol a annoncé mercredi dernier qu’il financerait la construction du Télescope géant de trente mètres (TMT) à hauteur de 400 millions d’euros, le projet risquant d’être annulé en raison des coupes budgétaires massives de Trump. Alors que les États-Unis font figure de notoriété en matière de recherche spatiale depuis des décennies, les décisions radicales de l’administration Trump pourraient inverser la tendance.
Le TMT (en anglais Thirty Meter Telescope) est un projet international de grande envergure dont la construction est prévue depuis 2014 au Mauna Kea, à Hawaï. Disposant d’un gigantesque miroir de 30 mètres, il surpasserait en résolution tous les télescopes optiques actuels. Il est censé travailler en tandem avec le Télescope géant Magellan (GMT), actuellement en construction dans les déserts chiliens et qui disposera d’un miroir de 25 mètres. Le TMT se consacrerait au ciel de l’hémisphère nord, tandis que le GMT se consacrerait à celui du sud, permettant d’observer la quasi-totalité du ciel depuis les deux hémisphères.
La construction du TMT se heurte cependant à différents obstacles, dont le plus récent : les coupes budgétaires imposées par l’administration Trump. Ces nouvelles restrictions budgétaires ciblent de nombreux volets scientifiques allant de la recherche biomédicale à la science du climat et à l’exploration spatiale. Si de nombreux employés et chercheurs, dont ceux de la NASA, s’opposent à ces décisions, leurs impacts sur l’avenir de la recherche scientifique aux États-Unis demeurent préoccupants.
Mais maintenant que la viabilité du projet semble de plus en plus incertaine, le gouvernement espagnol se propose de « sauver » le projet en offrant un budget conséquent de 400 millions d’euros (environ 471 millions de dollars). L’Espagne propose également de le déplacer vers l’île de La Palma, dans les îles Canaries, pour que sa construction puisse se dérouler sans encombre.
« L’Espagne veut et peut être le berceau de l’astronomie et de l’astrophysique du futur. Nous avons la capacité et la volonté politique pour y parvenir », a déclaré dans un communiqué Diana Morant, la ministre des sciences, de l’innovation et des universités d’Espagne. « Si ce projet est mené à bien, il impliquera non seulement la construction du télescope, mais aussi des décennies d’opérations scientifiques, la création d’emplois qualifiés et un essor économique et social pour l’île », a-t-elle ajouté.
Des projets spatiaux majeurs mis en péril
Le mois dernier, l’administration Trump a annoncé son intention d’abandonner tout soutien supplémentaire à la construction du TMT. La proposition de budget de l’administration pour l’année 2026 pour la National Science Foundation (NSF) prévoit la suppression du financement.
Cette restriction budgétaire se situe dans le cadre des propositions visant à réduire de moitié le financement de la NSF, censée être en charge du financement et de la conception du télescope géant. La proposition de budget accordé à la NSF pour l’année à venir indique toutefois que contrairement au TMT, le GMT pourra passer à sa phase de conception finale. Elle précise néanmoins que cet accord ne garantit pas l’approbation de construction du projet et que l’agence n’a pas d’obligation de financement supplémentaire. Autrement dit, l’avenir du GMT est tout aussi incertain que celui du TMT.
La proposition budgétaire de l’administration n’impacte d’ailleurs pas uniquement les deux télescopes géants, mais pourrait aussi mettre fin à d’autres projets et fermer des sites déjà actifs, tels que l’un des composants du Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory (LIGO). Elle pourrait aussi suspendre les opérations du Télescope solaire Daniel-K.-Inouye (DKIST), le télescope solaire le plus puissant au monde.
À noter en outre que ce n’est pas la première fois que la construction du TMT est menacée d’arrêt. En effet, même sous le mandat de Joe Biden en 2024, les investisseurs avaient laissé entendre qu’ils ne pourraient financer que l’un des deux mégatélescopes, car rien que le coût total du TMT pourrait dépasser les 3 milliards de dollars. Dans ce contexte, l’administration Trump semble vouloir prioriser le GMT.



Une implantation facilitée à La Palma
Si le Mauna Kea était initialement prévu comme site de construction du TMT, son déplacement à la Palma pourrait faciliter son implantation. Bien que le mont hawaïen constitue un site privilégié pour les grands télescopes (dont le nombre total est aujourd’hui de 13) en raison de ses conditions d’observations idéales, leur implantation est controversée car la montagne est considérée comme sacrée par les Autochtones Hawaïens.
Des manifestants ont bloqué la zone en 2014, à l’époque où la construction du TMT était censée débuter et de nombreux autres continuent de se manifester aujourd’hui. Cependant, La Palma culmine à 2 250 mètres d’altitude, contre 4 050 mètres pour le Mauna Kea, ce qui pourrait potentiellement affecter la qualité des observations.
De son côté, Morant affirme « que face aux risques de paralysie de ce grand projet scientifique international, le gouvernement d’Espagne a décidé de mettre en œuvre une capacité redoublée pour la science et les grandes infrastructures scientifiques au profit de la connaissance mondiale. » Le financement proposé pour le TMT proviendrait du Centre espagnol pour le développement technologique et l’innovation, un organisme affilié au ministère qui reçoit des fonds du gouvernement espagnol et d’autres sources européennes.