Chaque cellule est comme un organisme à part entière, elle se régule seule, tant qu’on lui apporte le nécessaire (nutriments, oxygène…). Même à la mort de l’organisme, certains organites à l’intérieur des cellules montrent des signes d’activités pendant quelques heures. Les protéines sont importantes pour assurer la survie des cellules, mais est-ce qu’elles étaient déjà présentes avant la mort, où bien ont-elles été exprimées après, ce qui signifierait que des gènes sont actifs après le décès ?
Après la mort, différents mécanismes se produisent au sein des cadavres. Au bout de quelques heures, la rigidité cadavérique se met en place : la totalité des muscles se contractent de manière irréversible, donnant au corps une apparence raide. 2 à 4 jours plus tard, la dégradation des protéines musculaires cause leur décontraction: c’est le début de la putréfaction.
Par la suite, différents organismes déjà présents à l’intérieur du mort (bactéries) ainsi que ceux présents dans la nature (charognards, champignons décomposeurs, insectes et autres invertébrés,…) se nourrissent du cadavre en se succédant, espèces après espèces, dans un ordre bien précis selon l’étape de la décomposition, jusqu’à ce qu’il ne reste que poussières. Ce processus peut prendre évidemment plusieurs années.
Durant les premiers jours après la mort, certaines cellules montrent encore des signes d’activité. On pourrait supposer dès lors que l’ADN est encore capable d’exprimer des gènes. Des scientifiques se sont intéressés à cette question en mesurant l’expression de plus de mille gènes chez des souris et des poissons-zèbres, morts depuis 4 jours. Ils ont constaté que des gènes impliqués dans la réponse immunitaire, au stress, à l’inflammation, et au cancer, étaient actifs.
Autre fait pour le moins étrange, des gènes exprimés uniquement lors du développement embryonnaire se sont aussi activés. Normalement, une fois leur rôle achevé, ces derniers restent silencieux durant le reste de la vie. Les chercheurs ont émis l’hypothèse que certaines conditions des cellules avant la naissance pourraient être retrouvées à la mort. Une autre raison pourrait concerner la régulation des gènes, qui serait peut-être altérée.
Il a été démontré que l’activité des protéines régulatrices de l’expression augmente à la fin de la vie. Les gènes liés au développement sont normalement obstrués par ces protéines, mais après la mort, leur accès n’est plus correctement bloqué. Ils peuvent alors finalement se lier à d’autres protéines permettant leur expression, comme cela est le cas durant développement.
Cependant, il semblerait qu’il n’y ait aucun avantage à ce que ces gènes soient exprimés, car logiquement, ils ne pourront changer quoi que ce soit. Et cela est particulièrement valable au niveau de la sélection naturelle, où une quelconque adaptation des cellules par leur expression au sein d’un être mort, n’aide en rien à la survie de l’organisme.
Par contre, si l’être vivant est à l’agonie, il est possible qu’il y ait des avantages à activer les gènes liés à l’inflammation et aux stress, comme par exemple pour une ultime tentative de guérison plus rapide, d’où peut-être des traces d’expressions bien après le décès. Mais le peu de recherches dans ce domaine ne permettent pas de confirmer cette idée.
Dans une autre étude plus histologique, plus de 9000 échantillons de 35 types différents de tissus d’humains décédés ont été prélevés. Les chercheurs ont constaté dans certains organes, comme le cerveau et la rate, que l’expression des gènes ne variait que très peu. Par contre, dans les muscles, l’activité était complètement différente : plus de 600 gènes montraient soit une augmentation de leur expression, soit une diminution. Ces différents motifs d’activité des gènes pourraient supposer qu’il y ait encore des mécanismes biochimiques actifs après la mort.
Avec des recherches plus approfondies dans ce domaine, cette découverte pourrait être d’une grande utilité pour estimer l’heure du décès d’une personne, car chaque tissu présente un niveau d’expression spécifique des gènes après la mort. En sachant à quel moment après la mort, quel gène montre ce niveau d’activité dans le tissu analysé, l’exactitude pourrait être améliorée.
De plus, les patients recevant des organes d’individus décédés présentent un plus grand risque de contracter un cancer. Il est connu que ce fléau est causé par des modifications d’activité de certains gènes, généralement dues à des mutations, ce qui n’est pas le cas lors du décès. Cette recherche pourrait permettre de comprendre s’il y a un lien entre ces changements d’expression après la mort et l’augmentation du risque de cancer chez les receveurs, et ainsi leur procurer des soins adéquats.
Cette vidéo réalisée par la revue Science,
explique bien le phénomène d’activation des gènes après la mort
: